1. « L’Antenne infinie dans ses rameaux » (mémoire de la dame de Vaujompe, 1763)
Mesnac comprend, sous la forme d’une demi-amande très allongée ou d’un arc, une petite partie de la vallée de l’Antenne, là où la rivière alentie par la faiblesse de sa pente se ramifie – les géographes parlent de « chevelu ». Ce « marais » commence quand le canal qui fait la limite avec Saint-Sulpice se sépare de la rivière de Chazotte, et il finit quand les deux cours d’eau se conjoignent à nouveau, un peu en aval du moulin de Chazotte, du nom du château tout proche converti en métairie au XVIIe siècle. S’y ajoute la basse vallée du Véron, frontière entre Mesnac et Le Seure. Comme celle de gauche ci-dessous, la plupart des cartes ne figurent au mieux que ces trois cours d’eau, ignorant les nombreux sous-sous-affluents qui divisent ce marais. Elles y ajoutent seulement le fossé du Roy, créé sous le « bon comte Jean », au xve siècle, par raccordement de deux ruisseaux, l’un affluent de l’Antenne de Chazotte, l’autre de la Charente, de sorte que son cours pût s’inverser pour soulager l’une ou l’autre rivière (voir l’article de Wikipedia). Comme on le verra plus loin, le Véron et le fossé du Roy étaient à l’origine des affluents de la rivière de Chazotte. Maintenant, tous deux passent sous celle-ci par un « coué » (prononciation saintongeaise du vieux mot « coi », conduite, aqueduc) pour rejoindre le canal. Voir deux articles de Sud-Ouest, sur les aqueducs de la rivière de Chazotte et sur ses « fantaisies ».
Le fait que les autres ruisseaux (« ris ») ou fossés soient ignorés témoigne de leur délaissement – on en a laissé beaucoup s’envaser – et cela a pu contribuer aux inondations périodiques. Nous essaierons ici d’en retrouver certains, mentionnés dans divers actes du XVIIIe siècle. La carte de droite (d’après une carte accessible par le site de l’EFTB ou par Info-Terre, mais dont l’interprétation n’est pas toujours facile) donne une idée de ce réseau, y compris de ce qui en subsiste à l’état de traces. La partie nord concorde globalement avec les données du cadastre, mais la partie sud ajoute à celui-ci de nombreux tracés, coïncidant parfois avec des limites de parcelles (du pré des Ânes notamment).
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Pour l’essentiel, ce marais est aujourd’hui, au sein d’une zone Natura 2000, une peupleraie, mais, dans mon enfance, la pêche y était largement pratiquée, et la limite avec le braconnage souvent franchie. D’où toute une flottille de « bateaux » (ou « batiâs », barques à fond plat, comme dans le Marais Poitevin), grâce auxquels on pouvait aller « tendre » le soir des « bourgnons » qu’on relevait le lendemain emplis d’anguilles.
Le bourgnon était une nasse de vannerie, de forme effilée. On appâtait en y faufilant une mince tige d’osier
sur laquelle était embroché, ô horreur !, « in’ âchet » (un lombric).
Le bouchon, perforé, était recouvert d’un grillage à la maille
Il y avait aussi les « bourgnes », en fil de fer, pour le reste du fretin, comme les brochets ; des « balances » pour les écrevisses (grises alors), quand on ne les attrapait pas à la main ; des carafes pour les « veurdons » ou les « goueyes » (vairons et goujons)… Mais je crois bien avoir également entendu, à la veillée, des histoires de pêche nocturne au tramail, voire au phosphore, et de cache-cache avec les gardes-pêche, parfois victimes de mauvais tours.
Pour l’état de l’Antenne et de son peuplement en 2003, voir ici.
La vie, à l’Isle ou en bas de l’église, était aussi scandée par les « dérivées », les inondations comme il vient encore de s’en produire une (début novembre 2019). Et par quelques suicides : dénommée d’après le fils d’un entrepreneur de la commune qui l’avait peut-être étrennée, la fosse à Manane, située naguère à quelques mètres en aval du pont du canal, était connue des désespérés des environs, dont on retrouvait ensuite le cadavre au moulin de Préziers.
Autre attraction, moins lugubre : le « poupion Beurnard » (peuplier Bernard), qui survivait tant bien que mal dans les années soixante et que La Croix du 3 janvier 1933 évoquait en ces termes : « Dans la commune de Mesnac (Charente), existe, assure la Gazette du village, un peuplier de 25 mètres de haut, dont le tour, à un mètre du sol, mesure 9 mètres. Il est en excellent état et fait l'orgueil des habitants qui en font le but de leurs promenades dominicales. » Je ne suis pas sûr toutefois que la situation de cet arbre dans le pré Bernard, à quelques mètres du canal, ait été bien propice à de telles processions…
2. Les travaux de drainage sous le Second Empire
Au milieu du XIXe siècle, le marais a subi des travaux de drainage qui, si l’on en croit un article (vraisemblablement de la plume du curé Ollier de Saint-Sulpice) du journal interparoissial Autour de Cognac, de 1910-1911, répondaient à des nécessités d’assainissement depuis longtemps constatées – d’autant que la défiance à l’égard des eaux stagnantes conduisait à assimiler une forme de paludisme à la peste :
« En temps de troubles ou d'invasion, les populations riveraines des marais venaient chercher refuge [dans la vallée de l’Antenne]. Certes, elles y trouvaient la nourriture et le bois en abondance, mais aussi les mouches et les moustiques, vecteurs de maladie et de mort. Pas une épidémie ne leur fut épargnée.
La peste noire qui sévit chez nous de 1629 à 1631 et que, tant elle inspirait de crainte, on appelait "mal de Boussac", avait débuté au pied de Richemont. Elle fit de grands ravages, non seulement chez nous, mais dans toute la France ; en Lorraine, elle dura sept ans.
Les seigneurs de Chesnel et de Château-Couvert signalèrent le risque énorme que faisaient courir ces marais pestilentiels. Ils s'entendirent pour faire curer l'Antenne et les canaux qui conduisaient l'eau vers les moulins de façon à faciliter l'écoulement.
Mais peu à peu, vers la fin du xviiie siècle, l'envasement effaça le bon travail qui avait été fait. Progressivement le paludisme s'installa sous le nom de "mal des marais". Il devint tellement grave que les deux tiers des habitants en moururent.
Ce n'est qu'après la promulgation de la loi de 1807 sur le dessèchement des marécages que des études sérieuses furent faites. Elles intéressaient les communes de Migron, Le Seure, Mesnac, Saint-Sulpice et Cherves.
De 1807 à 1852, les années se passèrent en formalités. L'état des choses empirant, le comte de Rochefort, sous-préfet [de 1852 à 1861 ou 1862], Jean Tachet de la Cassotte [maire de Cherves de 1841 à 1849] et G[ustave] Bérauld, secrétaire de la sous-préfecture [de 1852 à 1862], prirent enfin à cœur de faire terminer cette affaire.
Un syndicat fut institué, des plans et devis étudiés par M. Levert, ingénieur du département, furent approuvés et les 220.000 F de travaux confiés à la surveillance de Justin Garlandat, ingénieur civil à Cognac. Victor Bertin, gendre de M. Philippon, d'Archiac, termina la tâche en trois ans, à la grande satisfaction des populations de la contrée.
Ces travaux consistèrent en la création de trois grands canaux droits qui eurent pour avantage d'emmagasiner les eaux et de les écouler avec rapidité. »
On verra qu’il n’y eut à proprement parler qu’un canal, en tout cas pour Mesnac… Mais, selon l’abbé Cousin, tout ne se déroula pas aussi sereinement, surtout quand vint le temps de solder la « douloureuse » :
« L'affaire du dessèchement des marais de l'Antenne a fait tant de bruit, qu'il n'est pas possible de n'en pas dire quelques mots. Ce n'était plus, comme pour le dessèchement des marais de Merpins en 1783 l'obstination des meuniers qu'il fallait vaincre : l'affaire se présentait sous une tout autre face : c'était le quart d'heure de Rabelais, le règlement des comptes qui divisait les ordonnateurs de travaux et les riverains intéressés. Analysons brièvement le Mémoire que Me Gervais Robin, avocat de Cognac, présenta au Conseil d'État au nom des défendeurs et intimés :
[…] Il existait encore en ce siècle beaucoup d'usines et de moulins sur cette rivière (l’Antenne), de sorte que l'écoulement des eaux étant souvent suspendu, il en résultait des crues, des atterrissements ou des inondations préjudiciables aux prairies limitrophes.
Dès l'an XII, le Conseil d'arrondissement de Cognac songeait à porter remède à un tel état de choses en donnant au canal une nouvelle direction. En 1807 et en 1812, on conseillait aux populations de s'adresser au gouvernement pour en obtenir un prompt secours. Mais outre que le moment n'était guère favorable (la guerre ne cessait d'embraser l'Europe), les habitants, routiniers comme partout, restaient dans l'indifférence. Il aurait fallu quelque influence locale vigoureuse pour les entraîner, et il ne s'en montrait aucune.
Jusqu'en 1847, on ne parut plus y songer, lorsque soudain on apprit que le ministre des travaux publics venait de prescrire des études de dessèchement et la formation d'un syndicat provisoire : c'était le meilleur moyen de concilier l'autorité de la loi avec le respect de l'initiative individuelle. Un décret de 1852 désigna une solution encore plus précise, en indiquant les travaux d'élargissement et de rectification de la rivière. De provisoire, le syndicat devenait définitif. Voter un emprunt de 12,000 francs pour les premiers besoins, de 35,000 francs pour les dépenses imprévues, ne fit aucune difficulté. On classa les terrains à acquérir, on évalua les travaux à 150,000 francs, on vota de nouveaux emprunts. Tout alla bien jusqu'en 1858. Alors apparut un point noir. Le moment d'apurer les comptes était venu, et la commission syndicale, bien qu'ayant pu faire exécuter pour 102,000 francs un travail d'abord estimé 120,000 francs et possédant plus de 50,000 francs d'autres réserves, avait voté un nouvel emprunt de 20,000 francs. De toutes parts les intéressés jetèrent les hauts cris, et, comme il arrive en pareil cas, des gens qui n'avaient rien trouvé à redire aux projets ni à leur exécution firent une opposition vigoureuse. Les meilleurs arguments de l'administration ne surent les calmer, et, groupés autour de M. O’Tard de La Grange, une des principales notabilités cognaçaises, ils portèrent, par l'intermédiaire de Me [Gervais] Robin, l'affaire au Conseil d'État.
C'était un de ces procès épineux où toutes les arguties légales et interprétatives, les épikéies [demandes d’exception à une loi jugée nuisible dans le cas particulier] et les réticences [omissions de certains faits] furent épuisées tour à tour, jusqu'à ce qu'intervînt un accord basé sur les réclamations des intéressés. Ce qui montre avec la dernière évidence que, même pour faire le bien, il ne faut pas trop aller de l'avant, et que mieux vaut souvent rester un peu en deçà du but que de le dépasser. » (Abbé Cousin, Histoire de Cognac, Jarnac, Segonzac…, Bordeaux, 1882, p. 302-303).
Les travaux étaient donc achevés en 1858, mais le contentieux n’a probablement pas été apuré avant 1868, date à laquelle le Conseil d’État décréta légales les taxes instituées en faveur du syndicat de l’Antenne.
Une comparaison entre le cadastre napoléonien (de 1822) et le cadastre récent fait avant tout apparaître la canalisation de ce qui s’appelait auparavant le ris Martin. La rectification de son cours a laissé ou coupé des boucles :
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Si la rivière de Chazotte paraît intouchée, il semble que le Véron ait été prolongé jusqu’aux premières maisons de Mesnac pour le « brancher » (par un coué) sur un affluent du ris Martin qui devait être la Gravelle telle qu’elle apparaissait sur la carte de 1763 jointe au mémoire de la dame de Vaujompe.
Ces travaux ont d’ailleurs pu être réalisés après 1858, peut-être au moment où a été ouverte la route joignant le Seure – en 1900, semble-t-il, après le déplacement du cimetière (vers 1890) et la construction du lavoir (souscription en 1886).
En revanche, la route de Coulonge, traversant l’Isle, date bien de 1857. Mesnac était donc dans un cul-de-sac jusque dans les années 1850. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait aucune communication avec les villages situés de l’autre côté du marais. Simplement on recourait au bateau, qu’il s’agisse d’aller « fréquenter » ou de se rendre au bal du Seure. Cependant, selon ma mère, on ne parlait pas tout à fait le même patois dans les trois villages : à Mesnac, « moi » se disait « meu » ; au Seure, « mé » et à Coulonge « mouô »…
On ne voit pas pourquoi il n’y aurait pas eu dès 1857 un pont franchissant le canal, mais j’ai entendu dire qu’il avait été reconstruit avant la seconde guerre mondiale : achevé juste à temps pour que les Allemands y passent, il aurait été « inauguré » par la mort d’un motocycliste de la Wehrmacht, qui s’y serait engagé trop vite et aurait fini en vol plané dans les arbres.
On notera aussi le comblement au moins partiel de fossés autour de l’Isle, notamment pour frayer un passage le long de la rivière de Chazotte. Mais le cadastre n’a peut-être pas enregistré d’autres changements intervenus dans des zones moins accessibles – ne serait-ce que l’assèchement ou le comblement, total ou partiel, de cours d’eau figurés par des lignes discontinues sur la deuxième carte de cette page.
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En sus de la rectification du ris Martin, on notera surtout dans cette partie sud, la connexion du fossé du Roy avec le canal, via le ruisseau enserrant le bois Pommier, dont le tracé aurait été alors infléchi.
3. Le temps des vergnées
Au XVIIIe siècle, les anguilles étaient bien sûr présentes, comme en témoigne la mention d’anguillards annexés aux moulins de Chazotte et de Coulonges. En 1646 déjà, le meunier Besson du premier était tenu « de fournir de tesure (filets) pour ses pesches, et pour les enguilles de feurne [réservoir à poisson creusé en dehors de l’écluse, à l’orifice de la vanne] quy se prandront ausdictz moullins, ledict seigneur en aura le nombre de demy cent et la moictyé au reste », cependant que Josias Chesnel lui délaissait « deux batteaux pour le service desdictz moullins et paische ». La carte de 1763 dont on reproduit ci-dessous un détail (décalqué) accompagnait d’ailleurs un mémoire dans lequel la dame de Vaujompe défendait ses droits de pêche contre les empiètements des d’Orvilliers.
Mais cette même carte montre que les peupliers ont pris la place de prés et de « vergnées », autrement dit des aulnaies.
On notera aussi le comblement au moins partiel de fossés autour de l’Isle, notamment pour frayer un passage le long de la rivière de Chazotte. Mais le cadastre n’a peut-être pas enregistré d’autres changements intervenus dans des zones moins accessibles – ne serait-ce que l’assèchement ou le comblement, total ou partiel, de cours d’eau figurés par des lignes discontinues sur la deuxième carte ci-dessus.
Le vergne : « Les tourneurs l’emploient en échelles, en chaises communes et autres ouvrages ; il est recherché aussi par les sabotiers. » (Dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle, 1716). Mais il était aussi réputé tenir les berges grâce a ses racines et, s’il résistait mal à l’air et à la lumière, il ne pourrissait pas exposé à l’eau : d’où son emploi pour faire des ponts de fortune, des tuyaux, des sabots, des manches, des perches de bateau, des roues de moulin, des poteaux ou des piquets, voire des récipients pour la cuisine ou autres ustensiles de ménage. On l’utilisait aussi pour la fabrication de jougs de bœufs. Il se tournait facilement : n’oublions pas que Mesnac était un village de tourneurs (voir Les Mesnacois). Comme bois de chauffage, il se consumait trop rapidement, mais en produisant une chaleur très vive et en laissant peu de cendres, ce qui le faisait apprécier pour la boulange. Autrefois, l’exploitation des taillis d’aulnes se faisait en coupant à 8 ans les bois dits « de boulange » destinés aux fours à pain, à 15 ans les bois de feu à usage domestique ou industriel (verreries) et à 25 ans ceux pour les autres emplois (piquets, poteaux, etc.). |
L’inventaire des terres de Château-Chesnel de 1780 (voir Les Métairies) est muet sur la plupart des parcelles situées au nord de la Gravelle. Cela se comprend s’agissant de celles qui appartenaient au clergé, en particulier du pré de la Cure qui devait relever du prieur de Mesnac – de l’église Saint-Pierre dont le ris qui longe cette parcelle tire sans doute son nom. Quant aux terres du Seure et de Fontdouce, il s’agissait peut-être du Grand Bois et du pré Bernard qui, en 1824, seront détenus très majoritairement, le premier par des habitants du Seure, le second par des habitants de Saint-Sulpice.
Est cependant mentionné un bois qui, touchant au Véron à l’ouest, ne peut être que le bois Monsieur. Toutefois, celui-ci ne fait plus aujourd’hui que les deux tiers des 14 journaux indiqués, soit 3,2 ha au lieu de 4,8 environ. Mais il en faisait encore 4,5 en 1824. Il faut supposer qu’il débordait sur l’un des deux grands ensembles limitrophes, les Plantes ou, plus vraisemblablement compte tenu de sa dénomination ici, les Grenussons.
Plus une piece de bois appellé les Grenussons contenant quatorze journaux ou environ, de l'age de 18 à 19 ans, confrontant du levant au jardin de Mr le prieur de Menac, du couchant au ris du Véron, du nord au bois de Jean Jobet, du midy au jardin de Pierre Mesnié, chemain entre deux, estimé sol et bois la somme de sept mille livres
Figurent aussi dans la liste deux petites « levades » (talus servant de chaussées ou de digues ? ou bien « levées de terre situées dans des endroits marécageux, ou du moins humides, complantées en arbres d’essences diverses » selon G. Millardet, in Revue des langues romanes de 1921, p. 128 ?), probablement comprises comme le jardin de la Borderie juste au nord du logis de l’Isle, dans les actuels « jardins de l’Isle » à moins que ce ne soit dans le Pré haut. Apparaît ici un premier ris maintenant oublié, le ris des Roseaux :
Plus deux petites levades se joignant près le logis de l'Isle contenant ensamble un demy journal, sur lesquelles il y a quelques sepée d'ozier, vergne et folle d'accrus, confrontant du levant au fossé ou douë faisant séparation des dittes levades, au jardin de la bordrie dudit logis, du couchant au ris des Rouseau, du nord à la douë dudit lieu, du midy aux issuës dudit logis de l'Isle, fossé entre deux, estimé sol et bois la somme de cent livres.
Plus au sud, on trouve d’abord la Gravelle et l’Euliaud, ou, plus exactement, d’ouest en est, la Gravelle et le Gravellon, puis l’Œilleau (parfois au pluriel) – des vergnées, puis des prés, selon une disposition qui se perpétuera jusqu’au moulin de Chazotte.
Plus une petite vergnée appellée la vergnée de la Gravelle, contenant environ deux journaux, de l'age de sept ans, confrontant du levant au ris de la Met séparant la ditte vergnée d'avec celle du Gravillon [ou Gravellon] dont il sera cy après parlé, du couchant au ris de la Fenestre, du midy au sr Gabeloteau et autres, du nord audit ris de la Gravelle, estimé sol et bois la somme de trois cent soixante livres
Plus une petite vergnée appellée la vergnée du Gravellon contenant environ deux journaux de l'age de douze ans ou environ confrontant du levant au pré du grand Oeilleau, du couchant au ris de la Met, appartenant aux mesmes seigneurs, du midy à Gabeloteau et du nord au ris de la Gravelle, estimé sol et bois la somme de quatre cent livres
Ces quatre journaux (moins de 1,4 ha) entrent aisément dans la Gravelle actuelle (1,7 ha, ce qui laisse un peu de place pour la vergnée du sieur Gabeloteau). Le ris de la Met, limite de la seigneurie de l’Isle, aurait donc partagé ce terrain par moitié. La Gravelle est, comme on l’a vu, le ris absorbé par le Véron. Le ris de la Fenêtre est beaucoup plus difficile à situer : était-ce le nom d’une portion du ris Martin ou celui d’un ruisseau tout proche de celui-ci (et parallèle à lui), ou encore un de ses bras ? Une fenêtre était une trouée dans les arbres, que l’on barrait d’un filet pour prendre les oiseaux. Sur la carte de 1763 reproduite plus haut, elle est mentionnée avec le ris de la Gravelle…
L’Euliaud actuel mesure environ 3,5 ha, soit quelque 10 journaux. L’ensemble des prés qui suivent en couvraient 11 « ou environ ». Le nom, qui fut même orthographié « Leulio » en 1824, est une déformation de l’Œilleau, probable dérivé d’« œil » au sens de trou d’eau – en 1826, une « pièce d’eau » de 4 ares y est mentionnée (à côté d’une maison !). On pourrait aussi penser à une mauvaise lecture d’un dérivé d’oisit, « osier », car on trouve "Oseilleaux" dans un document de 1728. Quant au ris de l’Œilleau qui traverse cette prairie du nord au sud, on le retrouve plus bas, à la hauteur du pré des Ânes et pour prolonger le fossé du Roy jusqu’au canal, on en a apparemment utilisé un tronçon, quitte à avoir deux angles droits. Le pluriel « aux ris de l’Œilleau » est probablement une des nombreuses fautes d’accord que présente le document, mais il se peut aussi que ce ris ait été dédoublé comme le suggère la carte n° 2.
Une pièce de pré contenant cinq journaux ou environ en trois pièces, scittuée en la prairie des Oeilleau, lesquels sont contigus les uns aux autres et touchant des deux costés nord et couchant et bout midy au pré de la Borderie, estimé la somme de mille livres (Logis de l'Isle)
Plus une pièce de pré marais contenant deux journaux ou environ, confrontant du levant au pré de la meterie du logis de l'Isle, du couchant aux ris de l'Oeilleau, du nord et midy au pré de laditte meterie, estimé la somme de quatre cent livres (Borderie)
Une petite pièce de pré sittué dans la prairie de l'Oeilleau contenant environ un journal, confrontant du levant au pré de la meterie du logis de l'Isle, du couchant à la vergnée du Gravellon, et du nord au pré de la metérie du logis de l'Isle, du midy à la vergnée de l'Oeilleau, estimé la somme de deux cent livres (métairie de l'Isle)
Plus une pièce de pré audit lieu de l'Oeilleau, contenant environ trois journaux, confrontant du levant à la chaussée du moullin de Chazotte, du couchant à la vergnée de l'Oeilleau, du nord au pré depandant de la meterie du logis de l'Isle, et du midy au pré rong, nauve entre deux, estimé la somme de cinq cent livres (métairie de l'Isle)
Suivent au sud quelque 23 journaux de vergnées (environ 8 ha), mais les parcelles au bord de la rivière de Chazotte sont encore en pré (environ 15 journaux, soit un peu plus de 5 ha, dont la moitié en pré-marais entre le pré des Ânes et la rivière). Dans le cadastre actuel, la vergnée de l’Œilleau (3 ha) a absorbé les parsonnières (i.e. communes aux deux seigneuries de Mesnac et Chazotte) et d’autres, jusqu’à la vergnée du Moulin / du Pavillon exclue. Il ne s’agit toutefois que des vergnées dépendant de Château-Chesnel ; les trois ou quatre hectares restants, et la plus grande partie du bois Pommier, comblant l’espace entre elles et le ris Martin, appartenaient à des « particuliers » :
Plus une petite vergnée en pointe de l'age de cinq ans, appellé l'Oeilleau, contenant environ un tiers de journal, confrontant du levant à Boutelleau, fossé entre deux, du couchant à Pierre Brandy, du midy à Pierre Quette, du nord au pré de la meterie de l'Isle, estimé sol et bois la somme de quarante livres ("vendu") (domaines écartés)
Plus la vergnée de l'Oeilleau contenant environ trois journaux de l'age de quinze ans ou environ, confrontant du levant au pré de l'Oeilleau, du couchant à plusieurs particuliers, fossé entre deux, du nord aux vergnées des nommés Chébinnaud et autres, du midy à la vergnée parsonnière, estimé sol et bois la somme de mille cent livres ("vendu") (domaines écartés)
Plus une vergnée appellée la parsonnière contenant dix journaux ou environ, de l'age de vingt cinq ans ou environ, confrontant du levant au pré des Oeilleau, du couchant aux vergnées de differants particulliers et à celle des Boïet, du nord à la vergnée de l'Oeilleau, du midy au pré rong, estimé sol et bois la somme de deux mille cent livres ("vendu") (domaines écartés)
Une série de quatre vergnées se succédant du nord au sud :
Plus une vergnée appellée la vergnée des Bois [la même que celle des Boïet citée ci-dessus ?] contenant environ deux journaux, de l'age de onze ans, confrontant du levant à la vergnée parsonnière appartenant aux mesmes seigneurs, du couchant au ris de la Bordrië, du nord au nommé Savarit, du midy à la vergnée cy dessus [vergnée parsonnière], estimé sol et bois la somme de trois cent livres (domaines écartés)
Plus une vergnée appellée la vergnée parsonnière contenant environ trois journaux de l'age de cinq ans, confrontant du levant au ris de l'Oeilleau, du couchant au ris Sablon, du nord à autre vergnée, dépandant des mesme seigneurs [vergnée des Bois], du midy à la vergnée à Perrin, estimé sol et bois la somme de deux cent soixante cinq livres (domaines écartés)
Plus une autre petite vergnée, appellée la vergnée à Perrin, contenant un journal et demy ou environ, confrontant du levant au pré des asne dépandant du moullin de Chazotte, du couchant au pré de M. des Brunais [le seigneur de Coulonge], le ris Sablon entre deux, et du midy à la vergnée [du pavillon], de l'age de cinq ans, estimé sol et bois la somme de deux cent livres ("vendu")
Plus une petite vergnée appellée la vergnée du pavillon, contenant environ trois journaux, confrontant du levant au pré du moullin Chazotte, du midy au pré Galland, du nord à une autre vergnée appartenant aux mêmes seigneurs [vergnée à Perrin], celle-ci estant de l'age de cinq ans, estimé sol et bois la somme de quatre cent livres ("en Menac / hors la préclauture")
Le ris de l’Œilleau se prolongeait donc jusqu’au pré des Ânes. Le ris Sablon était peut-être le ris enserrant le bois Pommier, dont la partie sud a été utilisée pour continuer le fossé du Roy jusqu’au canal. Quant au ris de la Borderie (assez éloignée de celle-ci, voir Les Métairies), ce pourrait être une des boucles subsistant au sud de la Gravelle.
Hormis une petite vergnée, ce sont uniquement des prés qui s’étendent entre les vergnées précédentes et la rivière de Chazotte. On notera l’orthographe du « pré Rong », qui n’a jamais été rond sans doute – et qui était moins étendu qu’aujourd’hui. Quant au pré des Ânes, dont le nom indique qu’à une époque il a dû être réservé aux auxiliaires du meunier, il était partagé entre le moulin et la métairie Noire.
Une pièce de pré appellé le pré rong contenant environ trois journaux, confrontant du levant à la rivière du moulin, du couchant aux vergnée parsonnière, du nord au pré de la meterie de l'Isle, du midy au pré de la meterie de chez les Noirs appartenant aux dits seigneurs, estimé la somme de quatre cent livres (Métairie neuve)
La vergnée du pré rong près le moullin de Chazotte, contenant environ un journal et demy, de l'age de huit ans, confrontant du levant à la rivière dudit moullin, du couchant et nord au pré rong, du midy au jardin dudit moullin, estimé sol et bois la somme de deux cent livres (domaines écartés)
Une pièce de pré appellé le pré des asne contenant environ quatre journaux, confrontant du levant au marais de Chazotte, du couchant aux vergnée parsonnière, du nord au pré rong et du midy au pré des asne depandant du moulin de Chazotte, estimé la somme de quatre cent livres (métairie des Noirs, fol. 30)
Plus un clos ou marais renfermé de murs en mauvais état, contenant environ un journal et demy, confrontant du levant à la rivière du dit moullin, du couchant au pré marais depandant du dit moullin, du nord à la vergnée du pré rong, du midy à la feurne dudit moullin, estimé la somme de trois cent livres ("Ménac", moulin de Chazotte)
Plus un pré ou marais près du dit moullin [le reste du pré des Ânes, certainement] contenant environ sept journaux, confrontant du levant à la rivière dudit moullin, du couchant aux vergnée parsonnière, du nord au pré rong, du midy à la vergnée du pavillon, estimé la somme de sept cent livres (moulin de Chazotte).
On a essayé ci-dessous de situer les ris cités dans cet inventaire :
Il faut ajouter, longeant la rivière, la chaussée entre le pont de l’Isle et le moulin de Chazotte, prolongée au sud jusqu’au pont Galland « ou la vergnée des David ».