enseigne 2

Publication en cours.

 

Olivier Sauvageot, dit DU CROISY
Chanson : février, assumant le rôle du Tiers état, fait l'éloge du calendrier républicain

Claude GLEIZAL
Projets de décrets proposés par Claude GLElZAL, député de l'Ardèche à la Convention nationale, le 26 décembre 1792, sur la peine à infliger à Louis Capet et sur les mesures à prendre après son jugement. Si les députés de la Restauration avaient eu connaissance de ce document déterré par les compilateurs des Archives parlementaires, nul doute qu’ils n’eussent pas délibéré sur les droits à pension de Gleizal.

 

Jean-Guillaume LOCRÉ
À la fin de ses Mémoires sur le Consulat, par un ancien conseiller d’État (Paris, 1827, p. 411 et suivantes), Thibaudeau rapporte les interventions du Premier Consul lors de la discussion du Code civil en prétendant en donner le verbatim et, pour certaines, il met en regard le procès-verbal rédigé par Locré.
« Le Premier Consul dit : « Les conférences des anciennes ordonnances ne ressemblent nullement aux nôtres ; alors c'étaient des savants qui discutaient sur le droit ; ici c'est un corps législatif au petit pied. J'ai pu ne pas parler comme le citoyen Tronchet, mais ce qui a été dit par lui, par les citoyens Portalis et Cambacérès, l'a été dignement. Si le procès-verbal est bien rédigé, il offrira un monument digne de la postérité. Si nous lisons les procès-verbaux du temps de Louis XIV, nous y verrons du bavardage. Il ne faut pas que, dans la rédaction du nôtre, les jurisconsultes du conseil laissent échapper des erreurs, ou des choses qui ne seraient pas conformes à leurs opinions ; car, dans la longueur des séances, on peut avoir eu des absences. Il faut y apporter d'autant plus d'attention que le nom du citoyen Tronchet, par exemple, fera autorité. Quant à nous, hommes d'épée ou de finances, qui ne sommes pas de la jurisprudence, mais de la législation, peu importe nos opinions. J'ai pu dire dans la discussion des choses que j'ai trouvées mauvaises un quart d'heure après ; mais je ne veux pas passer pour valoir mieux que je ne vaux. »
Par sa rédaction, Locré a rendu tous les discours dans un style mesuré, grave, froid, uniforme, tel que l'exigeait peut-être la matière. Mais loin d'avoir flatté le Premier Consul en le faisant parler presque comme tous les autres, par cette rédaction, ses discours ont, au contraire, en grande partie perdu la liberté, la hardiesse de la pensée, l'originalité et la force de l'expression. On en jugera par des opinions du Premier Consul, non rapportées dans les procès-verbaux, ou émises dans des séances dont les procès-verbaux n'ont pas été imprimés, et par quelques exemples où l'on mettra à côté de la rédaction de Locré, telle qu'elle est imprimée, les propres paroles du Premier Consul, recueillies par une autre main.
Pour leur intelligence, on y a joint un tableau très-succinct de la discussion qui ne représente que bien imparfaitement les opinions des conseillers d'état et des rédacteurs du code. Ce qu'on en rapporte ne peut donc pas servir de point de comparaison ; ce n'est que l'accessoire obligé de celles du Premier Consul, qu'on se propose principalement de faire connaître. »


Anatole CLAVEAU et Adrien MARX
Avec Profils parlementaires (Dentu, 1869), Claveau a livré une sorte de trombinoscope moral (et souvent caustique) du Corps législatif de 1863-1869 tandis qu'Adrien Marx (Un peu de tout, 1868) s'est borné à quelques portraits d'orateurs en action. Pour l'instant, on n'a retenu ici que les trois notices communes : de Thiers, de Jules Favre et d'Émile Ollivier, ainsi que la notice consacrée par Marx à Rouher.

Gaston BERGERET

Quinze jours à Sainte-Pélagie : que la République était belle sous l’Empire !

Les événements de Pontax : Que peut faire le maire d’une ville portuaire lorsque lui arrivent on ne sait d’où les messages d’un capitaine de canonnière exigeant une réception d’apparat… et le recrutement de soixante vierges pour le délassement de son équipage ? À peu près rien. Mais quand le canular devient réalité, que ce marin pulvérise la porte de l’hôtel de ville et lui promet la pendaison pour prix de son inaction, il ne peut que se plier aux demandes du forban en espérant que les autorités supérieures, civiles et militaires, viendront à son secours. Mais celles-ci sont paralysées par des conflits de compétences, par des querelles de personnes ou de partis, puis par une crise ministérielle. Pendant ce temps, la population de Pontax se laisse impressionner par la politesse de surface de l’occupant, les commerçants se hâtent de pourvoir l’équipage du nécessaire et même du superflu aux dépens de la commune et les femmes se disputent les faveurs des arrivants. Le maire, cocu mais sauf, ou plutôt sauf parce que cocu, n’aura plus qu’à solder la dépense par un nouvel impôt…
L’humoriste déroule ici la mécanique de l’impuissance politique, mais cette satire des institutions se double d’une satire des mœurs : la défaillance des autorités favorise l’esprit de collaboration. Bergeret, pourtant plutôt enclin dans ses nouvelles à illustrer la supériorité des femmes, n’épargne en effet personne, sinon peut-être le maire, anti-héros victime de toutes parts : du pirate, de ses administrés et de l’État.
La nouvelle, publiée en 1883 dans la Revue politique et littéraire, a fait l’objet de quelques rééditions au moins jusqu’en 1928. Alfred Sauvy (Aux sources de l'humour, éd. Odile Jacob, 1988, p. 42-43) en faisait grand cas, s'étonnant qu’elle n'ait jamais été adaptée pour le cinéma alors que le découpage était « tout fait et les gags tout écrits ». À défaut, on pourrait au moins republier l’édition Carteret de 1899 : le texte, calligraphié, y est accompagné de 400 dessins, rehaussés d’aquarelle, signés Henriot. Lecture faisant, on en rencontrera quelques pages – dont la photographie mérite certes d'être améliorée.

La discussion du budget : un des Contes modernes de 1886, mais la première publication, dans la Revue politique et littéraire, date de 1884. Un technocrate, jeune marié, tente plus ou moins sournoisement de garder la haute main sur les dépenses du ménage, en appliquant à leur gestion les règles du budget national. Mais à retors, retorse et demie !

On laissera le Conseil des Anciens et le Tribunat avec les Cinq Cents et le Corps législatif pour ne commencer qu'avec le Sénat conservateur. Et comme la fonction a été monopolisée pendant quarante ans par une seule famille, notre premier chapitre nous conduira jusqu'en 1848...

Sénat conservateur (1799-1814)
Chambre des Pairs (1814-1848)

Au Sénat conservateur, puis à la Chambre des Pairs, c'est Louis-François CAUCHY qui officie, avec le titre de "garde des registres, rédacteur des procès-verbaux des séances". Ou plutôt les Cauchy car en 1823, le "chevalier Cauchy" a pour adjoint Alexandre Cauchy qui le remplacera en 1830, avec pour second … Eugène Cauchy – le "chevalier Cauchy" étant mentionné à la suite comme garde des registres honoraire !


Chambre des pairs, règlement adopté le 2 juillet 1814

TITRE XI : Garde des registres, officiers ministériels
Art. 84. Il y a un garde des registres chargé de tenir la plume et de rédiger provisoirement le procès-verbal. Il a son siège et sa table dans le parquet.
Art. 85. Il soumet au président et aux secrétaires la rédaction du procès-verbal, et ce n'est qu'après que la rédaction a été approuvée par eux qu'il en est fait lecture à la Chambre, sur l'ordre que lui en donne le président.
Art. 86. Le garde des registres est à la nomination du chancelier président.
TITRE VIII : Procès-verbal de la Chambre.
Art. 68. Le procès-verbal des séances de la Chambre contient l'exposé sommaire des opérations de la Chambre pendant chaque séance.
Art. 69. Les motifs des opinions n'y sont insérés que sommairement ; les opinants n'y sont pas nommés.
Art. 70. Les rappels à l'ordre qui auraient eu lieu dans la séance n'y sont insérés qu'autant que la Chambre l'a expressément décidé, et que sa décision n'a point été révoquée dans le cours de la séance.
Art. 71. Aucun des discours prononcés dans la séance, ni aucune des pièces qui y ont été lues, ne sont insérées au procès-verbal, à moins que la Chambre n'en ait ordonné l'insertion. Il indique seulement le titre ainsi que le numéro d'enregistrement et renvoi, pour les actes et pièces dont la Chambre a pu ordonner le dépôt dans ses archives. Le procès-verbal est signé par le président et deux secrétaires au moins.
Art. 72. Les procès-verbaux de la Chambre des pairs sont imprimés séance par séance pour être distribués aux membres de la Chambre seulement. Les pairs peuvent en tout temps prendre communication des procès-verbaux de la Chambre, ainsi que des pièces déposées aux archives.
Art. 73. Aucun extrait des actes de la Chambre ne peut être délivré que sur l'autorisation du bureau, signée du président et de deux secrétaires au moins.

Louis-François CAUCHY

(Rouen, 1760-1848), avocat, attache sa fortune à l'intendant Thiroux de Crosnes et le suit à Paris lorsqu'il devient lieutenant de police en 1785. À ce titre, aurait collaboré (comme premier commis de police, ou comme secrétaire général ?) à des mesures d'assainissement, telles que la suppression du cimetière des Innocents. Pendant la Révolution, « il se réfugia pour quelque temps, comme dans une retraite, dans les modestes fonctions de chef des bureaux des hospices et ateliers de bienfaisance. On le retrouve, à la renaissance de l'ordre social, attaché à la Commission de l'agriculture et des arts, puis à la tête des mêmes bureaux, lors de la première formation du Ministère de l'Intérieur.
Ce fut là qu'à l'époque du Consulat, plusieurs de ses anciens amis, qui avaient couru la carrière périlleuse des honneurs et qui avaient été compris dans la première liste du sénat, vinrent le chercher pour lui offrir la place de secrétaire général de ce grand corps ; les règlements laissaient alors cette fonction au choix de l'assemblée. M. Cauchy y fut nommé par scrutin, le 1er janvier 1800. Il se trouva, pour son service, sous les ordres immédiats de M. de Laplace, promu dans ce même temps au titre de comte et à la dignité de chancelier du Sénat conservateur. À partir de 1814, M. Cauchy père a continué près de la Pairie, avec le titre de garde des registres et archives, des fonctions analogues à celles qu'il remplissait près du Sénat ; la rédaction des procès-verbaux, confiée à ses soins, prit alors, par l'éclat des discussions politiques, un intérêt tout nouveau. Entouré de considération et d'estime, il a poursuivi jusqu'en 1848 [en fait, 1830] sa carrière si bien remplie de travaux distingués et de bonnes œuvres. » (C. A. Valson, La vie et les travaux du baron Cauchy, Gauthier-Villars, t. I, 1868).
Ajoutons qu'en 1822, il avait été nommé " garde des archives des Ordres du roi " (Saint-Esprit notamment). Napoléon l'avait fait chevalier en 1808 et Charles X l'avait anobli en 1825.
De ses trois fils, le plus connu est l'aîné, Augustin (1789-1847), qui a laissé un nom comme mathématicien. Légitimiste, il suivit Charles X en exil et fut le précepteur scientifique du comte de Chambord (1831-1837). Il reprit son enseignement scientifique à Paris en 1848, refusa en 1852 de prêter serment à Napoléon III mais n'en fut pas moins maintenu dans sa chaire (Dictionnaire Mourre).
Le premier des deux gardes des archives, Alexandre (1792-1857), magistrat, fut aussi conseiller à la Cour de cassation (1849). « Compagnon d'études et l'émule de son frère aîné, il montra lui-même, de bonne heure, des dispositions naturelles pour les sciences mathématiques ; mais pendant que son frère Augustin s'y livrait tout entier, Alexandre se distingua dans l'étude du droit, et, à vingt-cinq ans, les portes de la magistrature s'ouvrirent pour lui dans les conditions les plus favorables (…) Nommé conseiller-auditeur à la Cour royale de Paris, (il) s'y fit bientôt remarquer par la netteté de son esprit, la rectitude de son jugement, la gravité de sa jeunesse. Devenu conseiller à la même Cour en 1824, il y développa, dans la présidence des assises, d'éminentes qualités qui le conduisirent à être nommé président de chambre à la Cour royale en 1847, et conseiller à la Cour de cassation deux ans plus tard. C'est dans cette position élevée que la mort est venue le frapper, le 30 mars 1857. Peu de magistrats ont laissé des regrets plus vifs et plus mêlés d'affection et d'estime. » (C. A. Valson, op. cit.)
Eugène (1802-1877) « fut aussi admis de bonne heure, en qualité de garde des registres adjoint de la Pairie, à partager les fonctions de son père, auquel il succéda dans sa charge en 1831. Il participait en même temps aux travaux du Conseil d'État, d'abord comme auditeur, puis comme maître des requêtes. Il a continué ces doubles fonctions jusqu'à la suppression de la Pairie en février 1848. À partir de cette époque, sa vie a été consacrée tout entière à l'étude du droit public, dans lequel il s'était déjà fait connaître par divers ouvrages, notamment par son livre des Précédents de la Cour des Pairs, publié en 1839, et destiné à devenir comme le manuel de cette haute juridiction. Il avait aussi publié, en 1847, l'Histoire du duel considéré au point de vue de la législation et des mœurs, et ce livre avait été couronné par l'Académie française ; mais une question plus vaste et d'un intérêt plus actuel devait lui fournir bientôt le sujet de son principal ouvrage. En 1854, l'Académie des Sciences morales et politiques avait mis au concours l'Histoire du droit international maritime, dans ses rapports avec les progrès de la civilisation chez les différents peuples. L'ouvrage composé sur ce programme par M. Eugène Cauchy a obtenu, en 1862, le prix proposé, et a valu à son auteur d'être élu, bientôt après [1866], Membre de cette même Académie, dans la section de Législation, Droit public et Jurisprudence. » (Ibid.) » On peut également citer de lui un traité de la propriété communale (1848) et une étude sur Domat (1852)

Mais d'autres se montrèrent moins révérencieux que le biographe Valson :

Nouveau dictionnaire des girouettes (1832) :
CAUCHY, Louis-François : « Commis à l'intendance de Rouen avant la révolution ; garde des archives et du sceau, rédacteur des procès-verbaux du Sénat-conservateur sous le consulat ; secrétaire-archiviste du sénat-conservateur sous l'empire ; garde des archives et rédacteur des procès-verbaux des séances de la Chambre des Pairs sous la restauration ; garde des archives honoraire de la même Chambre avant, pendant et après la révolution de juillet ; son fils Alexandre, conseiller à la cour royale, en étant le garde titulaire, et son fils Eugène, le garde-adjoint, tous trois fort bien logés, éclairés et chauffés au Luxembourg. Poète latin sous le consulat et l'empire, M. Cauchy a publié : Ode au premier consul, 1802 ; Ode à Napoléon sur la rupture du traité d'Amiens par les Anglais, 1805 ; La Légion-d'honneur, ode, 1805 ; Napoléon au Danube, ode traduite de l'italien du colonel Grobert, 1805 ; La Marche de la Grande-Armée, ode, 1805 ; la Bataille d'Austerlitz, dithyrambe, avec une traduction française, 1806 ; les Prédictions de Nérée, petit poëme sur la naissance du roi de Rome, 1811. En récompense de tant de vers latins, Napoléon le fit chevalier de la Légion-d'Honneur. Louis XVIII, pour qui il en composait souvent, le fit officier du même ordre. Charles X, dont il chanta le sacre, poussa ses enfans. Il n'a pas encore chanté Louis-Philippe. Attendons ! ».


Eugène Briffault, dans le Dictionnaire de la conversation (1853) :
CAUCHY. Sous le règne de Louis-Philippe, les Cauchy formaient, non pas seulement une famille, mais une tribu, presqu'une dynastie. L'Almanach royal a longtemps constaté la présence de trois Cauchy près de la chambre des pairs ; ils portaient le titre de gardes des registres de la chambre ; c'étaient des tabellions politiques. L'humilité officielle de ce titre importuna les Cauchy ; aussi se laissèrent-ils donner ou bien prirent-ils eux-mêmes le nom de greffier, ou celui de secrétaire rédacteur, selon la circonstance. Les Cauchy avaient encore un autre privilège ; ils naissaient tous chevaliers de la Légion-d'Honneur. Cette race de rongeurs bureaucratiques s'était attachée à la partie élevée du palais du Luxembourg ; là ils avaient formé une colonie ; ils s'étaient identifiés avec ce logis, de telle sorte qu'ils en faisaient eux-mêmes partie. On disait alors que, pour en extirper les Cauchy, il eût fallu démolir l'édifice. Longtemps sur cet asile des patriciens les événements accomplirent leurs révolutions sans rien déranger à la paisible possession des Cauchy. Sur les ruines du sénat-conservateur, sur celles des pairs des Cent-Jours, sur celles de la pairie de Louis XVIII et de Charles X, brisées en 1830, les Cauchy étaient restés debout et sans crainte. L'hérédité de la pairie avait succombé ; mais, au-dessus d'elle, sous les combles du monument, l'hérédité des Cauchy était demeurée inébranlable. Cette succession paraissait devoir se continuer dans un avenir sans fin. Vanitas vanitatum ! Tout à coup vient à sonner l'heure fatale du 24 février 1848. La république est acclamée, et le premier coup de marteau de l'horloge met en fuite les Cauchy, qui ne voient rien de plus incroyable dans cette révolution que leur déménagement forcé du Luxembourg.
Le chevalier Cauchy, mort, heureusement pour lui, quelques mois avant la proclamation de la république, est la souche de tous ces Cobourg bourgeois ; nous n'avons sur lui que des notions vagues et imparfaites ; pour le distinguer de sa descendance, nous dirons que, nourri des traditions du sénat conservateur, M. le chevalier Cauchy avait tour à tour célébré, dans des odes et des dithyrambes, Napoléon, les deux rois de la branche aînée, et qu'il célébra ensuite le gouvernement de Juillet. Nous l'appellerons, nous, Cauchy le Lyrique. Sous le sénat, la charge de rédiger le procès-verbal des séances fut une véritable sinécure. Durant les quinze années de la restauration, la rédaction des discussions de la chambre des pairs, privées de publicité, causait peu de fatigue aux secrétaires. Possesseur de ce fief sénatorial, le chevalier Cauchy appela d'abord auprès de lui un de ses fils, Alexandre CAUCHY, déjà conseiller à la cour royale, qu'il associa à ses loisirs, mais auquel, comme c'était justice, il fit donner des appointements.
La publicité des séances de la chambre des pairs, inscrite dans la Charte de 1830, mit tout en désarroi au Luxembourg. C'en fut fait de l'indolence des secrétaires, de leur mollesse et des délices d'une place presque sans fonctions. Or Alexandre Cauchy, sans avoir complètement et officiellement succédé à son père Cauchy le Lyrique, avait hérité de ses habitudes paisibles et des douceurs de l'emploi ; la redoutable publicité changeait tout à coup cette agréable condition, et la tribune des journalistes forçait le procès-verbal à être une vérité.
Les devoirs nouveaux demandaient peut-être une vigueur juvénile dont les deux Cauchy ne se sentaient pas capables ; aussi bien, certains scrupules s'étaient manifestés en haut lieu sur l'incompatibilité des fonctions judiciaires dont Alexandre Cauchy était investi, avec l'emploi de garde-notes de la noble chambre.
Alors il y eut dans la famille ce cri d'autrefois : Surgat junior ! que le plus jeune se lève ! Et l'on vit paraître aux séances du Luxembourg Eugène Cauchy qui ne porta d'abord que le titre de garde-adjoint, mais qui devint bientôt titulaire. En effet, devant la nécessité du travail, les deux Cauchy, le chevalier et son fils Alexandre, se retirèrent, et ne conservèrent que le titre ad honores, avec quelques émoluments de retraite.
Eugène Cauchy, appelé tout à coup à remplacer son père et son frère, parut à la chambre des pairs avec les grâces longues et minces d'un jeune héron. N'allez pas trouver cette comparaison malséante; elle n'est que vraie. La famille des Cauchy a son type qui lui est propre ; dans toute leur conformation physique, ses individus rappellent l'aspect de ces grands oiseaux qui habitent les bords des lacs : il y a en eux du palmipède. En regardant attentivement la physionomie de Cauchy le Lyrique, on retrouvait dans les lignes du galbe le caractère du pélican. La timidité d'Eugène Cauchy ajoutait un charme particulier à sa singulière allure : il rougissait en donnant lecture du procès-verbal. Mais ce que n'avaient pu faire pour les honneurs et l'importance de cette place secondaire les deux Cauchy ses prédécesseurs, Eugène Cauchy l'accomplit ; il donna à cette humble charge une autorité que personne avant lui n'eût osé espérer; il comprit que le secrétaire de la noble chambre devait agir comme les secrétaires des grands seigneurs du temps passé, qui savaient si bien se substituer à ceux qui les employaient. Le jeune garde-archiviste s'aperçut tout de suite des velléités suprêmes de M. Pasquier et de son ferme désir de soumettre la Chambre à une discipline rigoureuse et presque à une obéissance passive. Il s'incarna dans le règlement et il devint pour le président un aide de camp utile et intelligent, qui tenait, sans cesse, ouverte devant lui la carte des délibérations ; il fut le bras droit de la présidence. Quand il arrivait que M. Pasquier ne pouvait pas présider la séance, M. Eugène Cauchy était la providence des vice-présidents, fort ignorants de la tenue parlementaire, inhabiles et inexpérimentés à manier le pouvoir et la sonnette. Celui d'entre les vice-présidents qui avait le plus besoin de cette assistance, c'était feu M. Séguier. Ce magistrat qui présidait si cavalièrement au palais de Justice, était gauche et gêné au palais du Luxembourg : il confondait tout et jetait partout le désordre et le trouble. Il ne conduisait la discussion que d'une main faible et incertaine ; M. Eugène Cauchy le soutenait du mieux qu'il pouvait ; il le dirigeait de la voix et du geste, il lui soufflait son rôle ; il arrivait même souvent que le secrétaire, pour mieux se faire entendre, montait sur l'estrade du président, et, en quelque sorte, le menait par la main, pour franchir les pas difficiles. M. Eugène Cauchy, déjà si utile à M. Pasquier, fut ainsi pour les autres un objet d'indispensable nécessité ; sa fortune était désormais assurée : il continuait glorieusement l'œuvre paternelle.
Au labeur de sa besogne législative, M. le garde des archives de la chambre des pairs unissait d'autres travaux ; il était tour à tour greffier de la cour des pairs et employé de l'état-civil, lorsqu'il accompagnait M. le chancelier, officier de l'état-civil de la famille royale. C'était pour ces circonstances solennelles que les deux porte-plume s'étaient fait faire un habit brodé, aux parements et au collet, d'une soie jaune qui faisait tous ses efforts pour ressembler à de l'or. Cette vanité était des plus innocentes ; seulement elle avait le double inconvénient de ne pas atteindre le costume et de friser la livrée. Dans ces circonstances, c'était sur M. Eugène Cauchy que M. le chancelier se reposait du soin de régler le cérémonial de la célébration. M. Pasquier, allant officier en cour pour les naissances, mariages et décès des princes et des personnes augustes, était suivi par M. Eugène Cauchy, qui l'assistait comme le lévite assiste le prêtre à l'autel. Ces jours-là, M. Eugène Cauchy portait l'épée, et sa démarche était fière, lorsque l'étiquette, dont il était le fervent observateur, ne courbait pas son échine. C'était la partie la plus brillante de sa position : aussi ne cédait-il à personne ces prérogatives, qui l'approchaient des hautes régions. D'ailleurs, il y avait un casuel de petits présents et de menues décorations, miettes qui tombaient de la table diplomatique, et qui ajoutaient quelque chose aux attraits de cette place, gloire patrimoniale de la famille Cauchy.
Il y avait aussi un autre côté de la médaille moins brillant, mais dont les profits avaient une solidité et une réalité que n'ont pas toujours les faveurs de cour. Nous voulons parler du greffe de la chambre des pairs, lorsque, judiciairement constituée, elle portait le titre de Cour des Pairs. Le garde des archives, que nous venons de voir occupé à dresser le protocole des actes de l'état-civil pour la famille royale, tenait alors le plumitif de l'audience, véritable maître Jacques, tour à tour réclamé par tous les services du logis, et changeant de ton et de manière selon les hommes et les choses. Sous la présidence de M. Pasquier, qui, dans sa verte vieillesse, se piquait d'une jeune activité, le travail du greffier, qui suivait les débats au courant de la plume, était des plus pénibles ; mais les honoraires accordés à chaque vacation étaient comme le picotin d'avoine, et soutenaient les forces du scribe. Dans l'accomplissement de ses fonctions judiciaires, le jeune greffier de la Cour des Pairs avait une tenue grave et solennelle, dont l'audience lui savait beaucoup de gré, et dont l'assistance paraissait satisfaite. Les devoirs imposés au greffier de la Cour des Pairs étaient d'ailleurs quelquefois pénibles et avaient leur face dramatique. C'est en l'absence des accusés qu'était prononcé l'arrêt des juges de la haute juridiction politique, et le greffier était commis pour faire au condamné la lecture de sa sentence. Ce fut Cauchy le Lyrique qui lut au maréchal Ney son arrêt de mort. »

Avec le premier Cauchy, un secrétaire-rédacteur adjoint avait été élu en l'an VIII. Il avait été annoncé au Tribunat comme Alphonse " Gail ", mais il s'agit en fait d'Alphonse GARY (Toulouse, 1765-1840), qui apparaît comme tel, mais aussi comme trésorier dans l'almanach de l'an XI. En 1806, il fait hommage au Tribunat et au Corps législatif de son ouvrage Essai sur le nouvel équilibre de l'Europe, et est qualifié à cette occasion d'ancien trésorier du Sénat et ancien officier de l'état-major général (AP 9, pp. 161 et 195). Fils de capitoul. Son frère aîné, le baron Alexandre-Gaspard, fut membre du Tribunat, préfet, procureur général, et épousa comme lui une fille de (futur) pair de France.

Eugène Cauchy eut pour adjoint, à partir de la fin 1831, Léon Dufresne de La CHAUVINIÈRE (1805-1868), déjà employé au cabinet du grand référendaire, auditeur puis (1842) maître des requêtes au Conseil d'Etat. Il officia lors des procès de Fieschi, de Louis-Napoléon, etc.

 

Sénat impérial (1852-1870)


Le "bureau des procès-verbaux" ne compte que deux membres de mars 1852 à 1860, si l'on en croit l'Almanach impérial – un secrétaire-rédacteur et son adjoint. À partir de 1861, le premier, Hippolyte Prévost, devient chef des "procès-verbaux et [de la] sténographie", tandis que le second, Eugène Ferré, est chef du "service des comptes rendus". En 1863 apparaissent Chevallier-Rufigny, Couailhac, Michelant et Félix Prévost (ce dernier devenant secrétaire du service dans l'Almanach de 1867) ; en 1867 arrivent Matagrin et Tournier. Lescure est mentionné en 1870, d'emblée adjoint.

Hippolyte PRÉVOST

(Toulouse, 1808 – Paris, 1873) avait commencé d’apprendre le violon et le droit dans sa ville natale quand il partit pour Paris, en 1827, mais il avait en outre déjà publié une théorie de la sténographie, inspirée de Bertin. En 1828, il fut admis au Messager des chambres, puis en 1830 à la rédaction du Moniteur et chargé de diriger la publication officielle des Chambres. Appelé en 1848 à organiser le service sténographique de la Constituante, puis de la Législative, il entra en 1852 dans l’administration du Sénat, en qualité de secrétaire-rédacteur en chef des procès-verbaux des séances.
Sa théorie de la sténographie (Nouveau Manuel Complet de Sténographie ou Art de continuer le mot à écrire - ou Art d'écrire aussi vite que l'on parle) en était à la sixième édition en 1862, mais il a également écrit une Sténographie musicale, ou art de suivre l’exécution musicale en écrivant (1833). Il a tenu la rubrique de la critique musicale dans la Revue des théâtres et, de 1837 à 1853, dans le Journal du Commerce et le Moniteur ; puis dans d’autres journaux sous les pseudonymes de P. Crocius ou de Paul Hollens. A publié en 1853 un Album des compositions de la reine Hortense. Il a également recueilli un grand nombre de cours et de leçons donnés à la Sorbonne ou au Collège de France.
(Sources : Fétis, Biographie universelle des musiciens ; Vapereau. Voir Hugo Coniez, Écrire la démocratie, L'Harmattan, 2008, pages 124-125 notamment, pour des compléments).

« Le service sténographique de l'Assemblée était fait à l'extérieur par quatre commissionnaires attachés au Moniteur, et chargés de porter à l'imprimerie la copie des sténographes et de rapporter les épreuves au palais de l'Assemblée où M. Hippolyte Prévost les corrigeait. M. Hippolyte Prévost, chef du service sténographique, et logé en cette qualité au palais législatif, était en même temps rédacteur du feuilleton musical du Moniteur. Le 1er décembre il était allé voir à l'Opéra-Comique la première représentation d'une pièce nouvelle, il ne rentra qu'après minuit. Le quatrième commissionnaire du Moniteur l'attendait avec l'épreuve du dernier feuillet de la séance. M. Prévost corrigea l'épreuve, et le commissionnaire s'en alla. Il était en ce moment-là un peu plus d'une heure, la tranquillité était profonde ; excepté la garde, tout dormait dans le palais. » Victor HUGO, Histoire d’un crime.

Eugène FERRÉ

(Cherbourg, 1813 – Cherbourg, 1875) Ancien sténographe du Moniteur, il est en 1860 chargé d'organiser le nouveau service des comptes rendus et en sera récompensé en juillet 1869 par sa nomination comme secrétaire général.

Henri CHEVALLIER-RUFIGNY

(Poitiers, 1828-1902), licencié en droit, attaché au préfet de la Vienne, Janin, puis, en 1855, secrétaire particulier du Président du Sénat Troplong, et chargé de plusieurs missions par le ministère de l’intérieur. Devint, en sus de ses fonctions au cabinet du président, secrétaire-rédacteur en 1864, chef adjoint en 1865, chef en 1870. Après la chute de l'Empire, occupe des fonctions dirigeantes dans la compagnie de navigation Valery, puis à la Société marseillaise de crédit dont il défend les intérêts en Tunisie (affaire d'Enfida en 1880-81). Malade, il se retira à Poitiers vers 1890. Tertiaire de saint François, il s'occupa d'y développer les sociétés de Saint Vincent de Paul.
(Sources : Beauchet-Filleau, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou ; Semaine religieuse de Poitiers)

Louis COUAILHAC

Couailhac(Lille, 1810- 1886) - portrait par Nadar, d'après un catalogue Tajan. « Après de bonnes études au collège Henri IV, il occupa une chaire de grammaire à Lyon, où il publia un recueil de nouvelles, Les sept contes en l’air (1832). » Quitta l’enseignement l’année suivante pour tenter sa chance à Paris, comme auteur. « C’est au théâtre, où il a donné plus de 60 pièces qu’il a le mieux réussi : Brutus (1843), Le roi des goguettes (1844), la Cuisinière mariée (1845), etc. Parmi ses romans, genre qu'il a abandonné assez vite, nous citerons : Avant l'orgie (1836, 2 vol.) ; Pitié pour elle (1837, 2 vol.) ; une Fleur au soleil (1838, 2 vol.) ; les Mères d'actrices (1843, 3 vol.), qui se distinguent par une peinture très-vive des mœurs théâtrales; le Comte de Mauléon, etc. M. Couailhac a pris une part active à diverses publications littéraires, telles que Les Français peints par eux-mêmes, Les Étrangers à Paris, Le Jardin des plantes ; enfin l'on a de lui un petit livre de caractères, le La Bruyère charivarique (1842), et quelques bonnes physiologies (l'Homme marié et le Jour de l'an), etc.
M. Couailhac est aussi un des vétérans de la presse parisienne, à laquelle il a longtemps fourni des faits divers, des feuilletons, des articles de circonstance, des articles politiques, des comptes rendus, etc. De 1833 à 1848, il a presque toujours travaillé dans les journaux de l'opposition : le Temps, le Messager, le Courrier-Français, le Corsaire, le Charivari, la Caricature, le Droit. Entré à la Patrie en 1847 , il suivit jusqu'au coup d'Etat les variations politiques de cette feuille, et fut chargé, après 1862, de la rédaction de la Normandie, à Rouen, et du Nord, à Lille, fondés l'un et l'autre pour soutenir le gouvernement. Aujourd'hui, il écrit pour les théâtres de vaudeville. Il a signé dans la Presse jusqu'en 1856 une intéressante correspondance sur les affaires d'Espagne, dont les matériaux lui étaient envoyés de Madrid par son frère, Victor Couailhac. De 1855 à 1861, il fut correspondant de L’Indépendance belge et de l’Écho du Pacifique, puis devint secrétaire-rédacteur au Sénat [ne figure pas dans l'almanach de 1870]. Il prit les fonctions de chef adjoint du service du compte rendu analytique lors de la création de la nouvelle Chambre haute (1876). »
Son frère, également auteur de pièces, était en outre acteur sous le nom d’Eugène Fradelle, et sténographe. « Ils ont vécu du métier et du sacerdoce ; du journalisme et du théâtre. L’un faisait le compte rendu des chambres quand l’autre confectionnait des vaudevilles ; quand l’un reprenait la plume du vaudevilliste, l’autre reprenait la plume du sténographe ; tous deux ont été un peu acteurs, un peu journalistes, un peu dramaturges. L’un est décoré, l’autre aspire à l’être. Ils le seront tous les deux… au retour des chambres. » (Théodore Labourieu, Le petit Vapereau, 1870, p. 85)
À la liste des vaudevilles de Couailhac, on peut ajouter : Plock le pêcheur (1838), L’affaire Chaumontel (1848) ; L’ange du rez-de-chaussée (1850), Arrêtons les frais ! (1861), Les bonnes (1864)… À la liste des physiologies, toutes publiées en 1841-42, celles du Jardin des plantes, du théâtre, du célibataire (cette dernière avec Henry Monnier). D’autre part, on lui attribue La révolte de Lyon en 1834 ou la fille du prolétaire, roman populaire anonyme de 1835. A collaboré avec Dumas sur Une fille du Régent.
Un des fondateurs de la Société des gens de lettres et auteurs dramatiques (1838)
« COUAILHAC (L.) — Voltigeur de la presse légère, du théâtre égrillard et du roman frivole. » (Monselet, La lorgnette littéraire, 1859) ; « L. Couailhac, ce collaborateur de tant de petits journaux, cet ex-sténographe de la Chambre des Députés, aujourd’hui correspondant de certains grands journaux… » (F. Maillard, Histoire anecdotique et critique de la presse parisienne, 1859)
En 1839, il avait publié une Biographie politique et parlementaire des députés.

Louis MICHELANT

(Reims, 1814- après 1894) se lança de bonne heure dans le journalisme. Il devint l’un des rédacteurs du Journal des économistes et du Dictionnaire général du commerce. Membre de la société d'économie politique. SR du Sénat en 1864, figure encore comme tel dans l'almanach de 1887-88 (à 73 ans ?!). Mentionné comme honoraire en 1891 et 1895. Outre une collaboration importante à la Revue des théâtres, à la Revue de France, au Journal de l’instruction publique, à la Revue de l’architecture, au National, à la Patrie, au Capitole, à la France (de 1871 à 1877), il a publié en volumes : La morale en images (1842-43) ; Les faits mémorables de l’Histoire de France (1843) ; un roman tiré des Chroniques de Canongate de Walter Scott, La fille du chirurgien (1853) ; des Contes (1856), etc.
Si l'on en croit les almanachs, il aurait pris sa retraite au plus tôt en 1887 (à 73 ans ?!). Mentionné comme honoraire dans les almanachs de 1891 et de 1894-95. (Sources : Vapereau et Lermina).

Félix PRÉVOST

Un Ernest Prévost, secrétaire adjoint au service des procès-verbaux et fils d'Hippolyte, est signalé en 1866 dans Le Ménestrel, à l'occasion de son mariage. Il semble être mort entre 1905 et 1911. Est-ce le même que Félix, mentionné uniquement pour ses décorations ?

Amédée MATAGRIN

(Tarare, 1821 - 1876) était un journaliste impérialiste (puis bonapartiste). Avocat, docteur en droit (Dijon, 1846), on le retrouve à Périgueux où il dirige Le Périgord. C'est à cette époque qu'il publie une biographie de Bernard Palissy (1856) et La noblesse du Périgord en 1789 (1857), ainsi qu'une brochure de 32 pages intitulée : De la nécessité d'une presse gouvernementale (1862). Il exerce ensuite ses talents à Bordeaux, au Journal de Bordeaux, puis à Angoulême, au Charentais (vers 1866). Reçu secrétaire-rédacteur au Sénat, il est révoqué pour insuffisance au plus tard au début de 1869 (P. Laharie, Contrôle de la presse, de la librairie et du colportage sous le Second Empire, Archives nationales, 1995). Il aurait fini secrétaire de rédaction au Constitutionnel qui commençait sa décadence (cité en 1874).

Julien TOURNIER

(Douai, 1829 ? - ?). Archiviste de l'Assistance publique de 1864 à 1866, il avait entamé l'inventaire des archives des hôpitaux de Paris et ce tome I est devenu particulièrement précieux après l'incendie de 1871 (Henri Bordier et Léon Brièle, Les archives hospitalières de Paris, 1877, p. 5). Membre de la Société des études pratiques d'économie sociale, il aurait été nommé secrétaire-rédacteur grâce à Le Play, alors sénateur.


Comme dans l'autre chambre, le recrutement a dû se faire par concours à la fin de l'Empire, mais le principe souffrait des transgressions, si l'on en juge par cette protestation parue dans La Cloche du 7 août 1869 – probablement à propos du concours organisé pour remplacer Matagrin :
« Une place de secrétaire-rédacteur au Sénat était vacante ; un concours était ouvert.
Mais M. Rouher n'est pas président pour respecter les usages, ni Auvergnat pour obéir aux convenances. Il fit clore le concours, et nomma, non pas simple secrétaire-rédacteur, mais sous-chef, un sien parent et co-Auvergnat, M. de Lescure, l'historien des maîtresses de nos rois.
Il est vrai qu'il est aussi l'historien de Marie Antoinette, et que c'est là une plus puissante recommandation à... Trianon, que d'être, comme M. Haussmann, petit-fils d'un conventionnel.
M. Mathurin de Lescure a écrit à la Gazette de France. Il n'était pas fâché alors de passer pour parent du général vendéen avec lequel il n'a de commun que le nom. »
Pour la biographie de Lescure, voir ci-après.

En 1870, on trouve les noms de deux nouveaux, GONDARD et BOISSIÈRE, ainsi que celui d'un secrétaire du service, GONDOIN. Gondard était depuis 1866 secrétaire particulier du premier vice-président Paul Boudet, comme Chevallier-Rufigny l'était du président. Au cours des années précédentes, un architecte adjoint du Sénat portait le nom de Gondoin.

 

Le Sénat de la IIIe République (1875-1940)

Le Figaro du 29 mars 1876 : « Le Sénat vient de choisir ses secrétaires-rédacteurs. Depuis la nomination de la commission des Trente, du temps de M. Thiers, bien avant que l'existence d'un Sénat fût assurée, il y avait deux cents demandes pour ce poste. Mais, en somme, une douzaine de postulants seulement étaient regardés comme sérieux. // Les places ont été données, partie à d'anciens secrétaires au Sénat, partie à des personnes choisies un peu d'après les recommandations des divers partis, ainsi qu'il convient au vrai parlementarisme. // Ont été nommés : chef des secrétaires-rédacteurs, M. de Lescure ; rédacteurs, MM. Couailhac, Henry de Lapommeraye, Charles Simon, Eugène Ceyras, R. Ganneron, Perron, Audemar, Gandoin, Chauveau et Octave Lacroix. »

L'almanach de 1876 donne une liste assez différente : Lescure, chef ; Couailhac, chef adjoint. Secrétaires-rédacteurs : Michelant, de Lapommeraye, Lacroix, Charles Simon, Peyron, Ganneron. Secrétaire-rédacteur adjoint : Marion. Ce dernier est titularisé l'année suivante, mais ne figure plus dans l'almanach de 1879, où apparaissent Audemar et Ceyras. Dans celui de 1880, arrive un autre SR adjoint, Bertrand, lui aussi titularisé l'année suivante.
Dans l'almanach de 1886, Couailhac a disparu, remplacé par Lapommeraye (et non par Michelant). Audemar non plus n'est plus mentionné. En dernière position, on trouve (après Bertrand), Bonsergent et N. En 1887-88, ce poste vacant est occupé par Grandjean.

Je note avec effroi que, hormis Couailhac et Michelant, qui n'en bénéficièrent cependant pas pour leur avancement, beaucoup des susnommés peinaient à atteindre la soixantaine. On se gardera de toute conjecture à ce sujet, se contentant de prier pour que leurs successeurs échappent à cette fatalité.

En 1884, l'Univers illustré, sous la signature de Gérôme (pseudonyme collectif, mais souvent utilisé à cette époque par... Anatole France), publie un portrait d'Alfred Bonsergent qu'on lira plus loin, et signale en passant que « cette administration du Sénat contient un assez grand nombre d'écrivains de valeur. Il suffit de signaler, parmi les secrétaires-rédacteurs, le chef même de M. Alfred Bonsergent, M. de Lescure, dont l'érudition spirituelle se promène si agréablement à travers le XVIIIe siècle et qui a consacré à Rivarol une magistrale étude - à la bibliothèque, MM. Leconte de Lisle [à qui Coppée avait abandonné sa place], Louis Ratisbonne et Anatole France ; aux archives, M. Louis Favre, à qui l'on doit deux ouvrages précieux, l'un sur le chancelier Pasquier, l'autre sur le palais du Luxembourg ; au matériel, M. Charles Grandjean ; aux procès-verbaux, MM. Octave Lacroix et Henri Welschinger ; au secrétariat de la présidence, M. Sorel, qui fait des travaux considérables sur la diplomatie et cache ses petits vers... » Paul Masson (Intermédiaire des chercheurs et des curieux, 1888) ajoutera à la liste Albert Mérat et les deux autres bibliothécaires, Charles-Edmond (Choiecki) et Lacaussade, pour démontrer que le Sénat est « l'administration la plus riche en gens de lettres ».

Adophe-Mathurin de LESCURE

(Bretenoux, Lot, 1833 - Clamart, 1892), historien et littérateur, secrétaire au ministère d’Etat sous Rouher (1865-68), puis SR au Sénat, chef adjoint du service en 1870 (voir supra), chef de 1876 à 1892. Probablement le plus prolifique de tous les secrétaires-rédacteurs, avec Ernest Daudet. Dans ses ouvrages d'histoire dominent, à côté des publications de correspondances ou de mémoires, les biographies de femmes et les "chroniques d'alcôve". Son époque de prédilection est très nettement le XVIIIe siècle, entre la Régence et Marie-Antoinette.
Il aurait débuté en 1857 chez Poulet-Malassis, publiant dans la Gazette de France (royaliste) des comptes rendus des Fleurs du Mal et des Paradis artificiels édités par celui-ci. Tous deux partageaient un goût prononcé pour les curiosa mais, note Claude Pichois, Malassis aurait été indisposé par les prétentions de son collaborateur à jouer les directeurs de collection et la relation cessa en 1864. Lescure entra chez Rouher l'année suivante.
Un libraire actuel (Librairie du Manoir de Pron) indique : « [Ce] royaliste se fit un devoir de rééditer les mémoires de la Duchesse d'Angoulême, Sénac de Meilhan, des études sur Marie-Antoinette... » On essaiera de citer dans l'ordre chronologique, pour donner une idée du rythme de production : Les maîtresses du Régent (1857), Les philippiques de la Grange-Chastel (1857), La vraie Marie-Antoinette (1858), Eux et elles, histoire d'un scandale (1858, à propos de G. Sand, Musset et Louise Colet), Les confessions de l’abbesse de Chelles, fille du Régent (1858 ou 1863) ; Les autographes et le goût des autographes en France et à l’étranger (1859 ou 1865) ; La princesse de Lamballe (1864) ; Les amours de Henri IV (1864 ou 1865) ; Correspondance de la marquise du Deffand (1865) ; Les amours de François Ier (1866) ; Marie-Antoinette et sa famille (1866) ; Correspondance secrète inédite sur Louis XVI, Marie-Antoinette, la cour et la ville, (2 vol., 1866), Jeanne d’Arc, l’héroïne de la France (1866) ; Lord Byron, histoire d’un homme (1866) ; Le palais de Trianon (1867) ; Marie Stuart (1868) ; Mémoires du marquis de Boissy (1869) ; Les nouveaux mémoires du maréchal duc de Richelieu (1870-73) ; Henri IV (1873) ; François Ier (1878) ; Éloge de Marivaux (1880) ; La société française pendant la révolution : L’amour sous la Terreur (1881 ou 82) ; Les femmes philosophes (1881) ; Les mères illustres (1882) ; Les grandes épouses (1883 ou 84) ; Rivarol et la société française pendant la Révolution et l’émigration (1883 ou 84) ; Études sur Beaumarchais (1886). Entre 1871 et 1881, il a publié neuf volumes de la collection Mémoires relatifs à l'histoire de France (sur la guerre de Vendée, sur l'émigration, sur les comités de salut public et de sûreté générale, et sur les prisons, sur les assemblées parlementaires de la Révolution, ainsi que les mémoires de Brissot, de Duclos, etc.) ; a aussi écrit sur Mme Mère, sur la duchesse de Lauzun…
Mais il faut aussi intercaler quelques romans (Les chevaliers de la mouche à miel, 1870 ; La dragonne, 1871 ; Le cadet de Gascogne, Le château de Barbe-Bleue, 1873 ; Mademoiselle de Cagliostro, 1878 ; Le démon des Montchevreuil, 1880 ; Où est la femme ?, 1884) et des études littéraires : Le monde enchanté, histoire des fées et de la féerie (1881) ; François Coppée, l’homme et l’œuvre (1889) ; Bernardin de Saint-Pierre (1892), Joseph de Maistre et sa famille (?). Lescure a également publié des éditions du théâtre de Marivaux, de Manon Lescaut, du Comte de Comminges, des Mémoires et Contes d'Hamilton, de la Vie de Marianne de Marivaux, de la Princesse de Clèves, des Mémoires de Mme de Staël, des lettres d'Henri IV, des oeuvres choisies de Chamfort, de Rivarol, de Saint-Evremond, etc., etc.
(Sources : Gubernatis, Dictionnaire international des écrivains du jour ; Catalogue de la librairie fr.)

Louis COUAILHAC

voir supra. Chef adjoint jusqu'à ses soixante-dix ans (1880) probablement.

Henri (Berdalle) de LAPOMMERAYE

Lapommeraye(Rouen, 1839- 1891) - vu ici par Henri Demare, pour Les hommes d'aujourd'hui, dans les années 1880. Fils d'un imprimeur-graveur normand, il renonça à préparer Normale pour raisons de santé et « entra à l'Hôtel de ville de Paris, où il remplaça M. Henri Rochefort dans la vérification des comptes ; en même temps, il suivit les cours de la faculté de droit, et se fit recevoir avocat. Menant de front les études administratives et littéraires, il commença, en 1867, à faire des cours gratuits d'enseignement public à l'Association polytechnique, et fonda deux sections à Sceaux, où il professa une fois par semaine le cours de littérature. Vers cette époque, il débuta au théâtre de l'Athénée par une conférence qu'on le pria de répéter. M. Ballande lui demanda, en 1869, son concours pour ses Matinées littéraires de la Gaîté, et il fut avec MM. Legouvé, Sarcey, etc. l'un des conférenciers habituels préférés du public. Son précoce talent l'avait fait remarquer de M. Ferdinand Barrot [grand référendaire du Sénat], qui le choisit, en 1865, pour la réorganisation du service des pétitions au Sénat. Il s'occupa alors de journalisme, et fit, dans la Petite Presse, sous le pseudonyme de Henri d'Alleber, un article quotidien intitulé Un Conseil par jour, dont la série a formé par la suite un volume. Il organisa, au théâtre de Cluny, à la mode anglaise, des lectures publiques dont la société des gens de lettres prit ensuite la direction. En récompense, il fut nommé membre de la société, puis l'un des vice-présidents de son comité.

La guerre franco-allemande de 1870 vint fournir à l'activité de M. de Lapommeraye un nouvel aliment. Engagé comme volontaire dans les compagnies de marche de la garde nationale, il fut nommé lieutenant. Les devoirs militaires ne l'empêchèrent pas de se dévouer à toutes les oeuvres de bienfaisance pour lesquelles on réclamait le concours de sa parole éloquente et sympathique. Pendant les longs mois du siège, il fit des conférences au bénéfice des ambulances, des blessés, pour le travail des femmes, etc. (...) Après la Commune, la connaissance que possède M. de Lapommeraye des choses du théâtre le fit entrer au Bien public. Il ne tarda pas à s'y faire remarquer, et à prendre, grâce à ses aperçus ingénieux et fins, son style élégant et facile, son agréable érudition, une des meilleures places parmi nos critiques de théâtre contemporains.

(Il) est membre titulaire de la Société polytechnique, ainsi que de plusieurs autres sociétés savantes. (...) Il a publié : La société des secours mutuels (1867), Les invalides du travail (1868), L'art d'être heureux (1868), Un conseil par jour (1870), Les jeunes (1872). » (Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel).

En 1874, nous apprend Vapereau, il « fut appelé par M. de Girardin à la France pour rédiger les comptes rendus de théâtre. Il créa la même année le "feuilleton parlé", causerie hebdomadaire qui eut lieu pendant quatre années » boulevard des Capucines. Il interrompit en effet ces conférences, après la centième, quand il fut nommé professeur d'histoire et de littérature dramatiques au Conservatoire, en 1878. Ses dernières publications, rompant avec les préoccupations sociales des précédentes, témoignent de la place prééminente qu'occupe désormais le théâtre dans son activité extra-administrative : Histoire du début d'Alexandre Dumas fils au théâtre (1872) ; Les amours de Molière (1873), Molière et Bossuet (1877) et une comédie en un acte, La critique de Francillon (1877 également).

Mirbeau moquait ces « groupes bien pensants où trône M. Sarcey et au-dessus desquels flottent comme un drapeau les cheveux de M. Lapommeraye » mais en général, du critique dramatique (qui exerça aussi ses talents au Paris), on louait plutôt l'indulgence. En 1910, dans Le Temps, Adolphe Buisson rappelait le souvenir de "l'écrivain discret et aimable" qui avait créé les feuilletons parlés : « Je revois la tête populaire et chevelue d'Henry de Lapommeraye, son lorgnon de myope planté sur un bec d'aigle, au-dessus d'une moustache à la Vercingétorix. En dépit de ce profil batailleur, c'était le plus pacifique des hommes. Tout le monde l'aimait. Les auteurs prisaient sa mansuétude ; les comédiens goûtaient ses ménagements ; ses confrères rendaient hommage à sa courtoisie. Quelquefois, on s'étonnait de l'inaltérable douceur de sa critique ; mais si cette bienveillance semblait un peu molle, on la savait désintéressée. Lapommeraye était bon, inexorablement bon, incapable d'écrire une ligne cruelle ou dure (...) On le lisait peu. Il en souffrait. Et c'est alors qu'il eut l'idée ingénieuse et charmante, en même temps qu'il publiait son feuilleton théâtral, de le parler. Sa voix sonore emplissait la petite salle du boulevard des Capucines... Chaque orateur avait son jour, Lapommeraye le lundi, Sarcey le jeudi, Flammarion le samedi. Et c'étaient tour à tour l'envolée des périodes grandiloquentes, la familiarité du bon sens malicieux, les chevauchées lyriques à travers le ciel... »

Il était entré au compte rendu analytique en 1876 et en devint chef adjoint en 1885. Il mourut à l'approche de Noël 1892, d'une mauvaise grippe attrapée au Père-Lachaise, à l'enterrement d'Alphand.

Octave LACROIX (de Crespel)

O. LACROIX(Égletons, 1827- 1901). Sorti du collège de Juilly, ayant comme d'autres abandonné ses études de droit pour la littérature, il obtient le patronage de Mérimée et de Sainte-Beuve, qui le considère comme son "filleul littéraire et poétique" et en fait son secrétaire en 1851, pour trois ou quatre ans. Il rédige ensuite "quelques feuilles départementales officieuses à Rouen, à Orléans et à Bordeaux". De retour à Paris, il donne des chroniques parisiennes à L'Europe de Francfort (1863-64), sous le titre "Lettres du spectateur" qu'il reprend lorsqu'il entre au Moniteur, en 1864. « Sous le pseudonyme de Gabriel de Lineuil, M. Octave Lacroix a donné des articles à la Vogue parisienne, et surtout au journal l'Artiste, où il a encore signé Jacques d'Arnay et Jacques de Soudeilles. Il a aussi écrit sous le nom de Noll à l'ancien Gaulois, et sous ceux de Old Laertes et de Paul Sic au Moniteur. Sous la rubrique Lettres d'un spectateur, il a rédigé beaucoup d'articles et de chroniques à l'Europe et au Moniteur du soir. » (Dictionnaire des pseudonymes de G. d'Heyll). « Journaliste, [Octave Lacroix] a donné au Moniteur, au Pays et à La Revue Française un grand nombre d'articles de critique française et étrangère, qui paraîtront prochainement en volume. Ainsi, au Moniteur, des articles sur George Sand, Victor de Laprade, Casimir Delavigne, Molière jeune, Théophile Lavallée, les poètes de 1853, Charlotte Aikermann et le théâtre allemand au XVIIIe siècle, à propos d'un roman d'Otto Müller, - travail qui a été traduit en allemand ; au Pays, des articles sur Henri VIII d'Angleterre ; - à la Revue Française des chroniques littéraires, des études fort remarquables sur Giacomo Leopardi, Lope de Vega, Mme de Girardin, etc., etc. - Il a fait pendant quelque temps un "Courrier de Paris" hebdomadaire au journal Le Courrier de Paris. » (Firmin Maillard, Histoire anecdotique et critique de la presse parisienne, 1859).

En 1872, Lacroix entre au Journal officiel, toujours comme comme critique d'art -, produisant l'année suivante le Rapport officiel sur l'Exposition des Beaux-Arts et des arts industriels à Londres. En 1876, il entre donc au Sénat comme secrétaire-rédacteur.

C'est un des rares poètes qu'auront compté les deux comptes rendus analytiques. Ses recueils se nomment : Chansons d'avril (1851), Lointains et Retours (1890), Les heures errantes (1891), mais il a aussi donné des comédies en vers : L'amour et son train (Comédie française, 1855) et, avec Welschinger, chef du bureau des procès-verbaux, La fille de l'orfèvre (d'après la ballade de Uhland, 1884). On lui doit aussi L'école buissonnière, fantaisiies et pensées (1854), Du culte de la Vierge au point de vue de la poétique religieuse (1858) et Quelques maîtres étrangers et français, études littéraires (Boccace, Rabelais, Thomas More, Lope de Vega..., 1891), ainsi qu'une édition du Myosotis d'Hégésippe Moreau (1851). Il avait appris, en même temps que l'italien, l'espagnol, et son oeuvre s'en ressent souvent (Padre Antonio, recueil de nouvelles, 1865), mais surtout, il avait fait du Pays basque - de Ciboure précisément - sa patrie d'adoption, d'où Voyage artistique au Pays basque (1883 ?) et Euskal Erria, à mes amis du Pays basque (poésies, 1885). Son collègue au Sénat, le bibliothécaire Louis Ratisbonne, en plaisanta en mobilisant toutes les rimes en -asque (cité par la Gazette anecdotique, 1887) :

Je m'appelle Octave Lacroix,
Toujours jeune, léger, fantasque,
Toujours poète ! J'ai la croix,
     Et je suis Basque.

Sur ma naissance on s'est trompé :
Je ne sais pas dans quelle vasque
Pour mon baptême on m'a trempé,
     Mais je suis Basque.

Si l'indigène, à Monaco,
Se fait appeler Monégasque,
Un Limousin peut tout de go
     Se dire Basque.

J'ai de l'oeil, du nez et des dents ;
Les ans n'ont pas atteint mon masque
Ni détendu mes nerfs ardents,
     Des nerfs de Basque.

L'amour est mon mignon péché...
S'il m'a fait faire quelque frasque,
Je ne suis pas un débauché,
     Mais un bon Basque.

Les dames qui m'ont distingué
Ne m'auront jamais trouvé flasque ;
Aussi comme un coq je suis gai,
     Comme un coq basque.

Dans la vie où je vais rêvant,
Je ne crains aucune bourrasque :
Jamais ne souffle un mauvais vent
     Au pays basque.

Lorsque la mort, faisant son miel,
Viendra me tirer par la basque,
Gaîment je la suivrai... ; - le Ciel
    Doit être basque.

Et je n'aurai rien qu'une peur,
C'est que saint Pierre me démasque
Et ne dise : « C'est un farceur !
    Il n'est pas Basque. »

En 1859, Firmin Maillard (op. cit.) relevait déjà que Lacroix « recherch[ait] beaucoup la société des femmes, les aimant, les adorant - veux-je dire - toutes ». Il ajoutait : « Une certaine distinction sous une enveloppe d'ancien séminariste ; - parole facile, agréable, - un peu onctueuse, benoîtement maligne ; ne lançant l'épigramme qu'après l'avoir dûment entourée des langes académiques dans lesquels MM. P. Mérimée et Sainte-Beuve l'ont élevé... », mais précisait : « son vers est souple, élégant, facile ».

Charles SIMON

CH. SIMON(1850-1910) était le fils cadet de Jules Simon. Il « entra dans un bataillon de marche de la garde nationale lors de la guerre [de 1870], y fut nommé sous-lieutenant, et prit part au combat de Montretout. Secrétaire de son père au Ministère de l'instruction publique en 1870, il devint chef de son cabinet au Ministère de l'intérieur en 1876. Nommé, au concours, secrétaire-rédacteur du Sénat en 1875, il est devenu chef de ce service en 1892, à la mort de Lescure. Candidat républicain aux élections législatives du 14 octobre 1877, dans la 1re circonscription de Castres, il échoua avec 7 356 voix, contre M. Combes, député monarchiste sortant, qui en obtenait 9 780. L'élection de ce dernier ayant été invalidée, il se représenta, le 3 mars 1878, et n'obtint encore que 7 444 voix contre 8 606 recueillies par son adversaire. » (Vapereau).
Membre du conseil de l'Alliance républicaine, il semble avoir tenté de se faire élire à la Chambre jusqu'en 1889. Mais Charles Simon était également homme de lettres. Il collabora au journal lillois Le petit Nord, fondé en 1878 par son frère aîné Gustave - c'est à cette époque qu'il serait entré en possession du masque mortuaire de Robespierre, dont il décora son bureau au Sénat (selon la légende, c'est Palloy, le démolisseur de la Bastille, qui aurait fait prendre l'empreinte après avoir détourné un moment la tête). Surtout, il est auteur d'au moins quatre pièces : deux écrites en collaboration avec son collègue secrétaire-rédacteur Alfred Bonsergent, Trop heureuse ! (1894) et, jouée à l'Odéon en 1897, Irréguliers ; donnée au Vaudeville, en 1898, Zaza, pièce écrite pour Réjane ; aux Mathurins, en 1910, Doré Soeurs . Il fut secrétaire général du syndicat des auteurs.
« Un petit homme à l'oeil vif, au sourire bienveillant, à la démarche rapide ; de parole aisée, plume alerte, esprit et coeur à tout jamais jeunes, sous une barbe prématurément grise (sic), et toujours en mouvement. De-ci, de-là, allant, venant, courant, toujours parlant, toujours écrivant, toujours travaillant, toujours agissant, il a les allures gaies et vives de notre moineau parisien (...) Sérieux d'ailleurs dans des dehors frivoles, menant de front dix affaires... » (Le Figaro).

Léopold PEYRON

(Vaucluse, 1842 - Cannes, 1924), journaliste et secrétaire-rédacteur cité par Léo Taxil dans La France maçonnique (1888). Le même, dans ses Confessions d'un ex-libre penseur (1887), le mentionne à propos d'un duel où il aurait été le témoin de l'adversaire de Taxil, un jeune rédacteur marseillais nommé Émile Rastignac (1874). Peyron semble en effet avoir été gérant du journal marseillais L'Egalité, fondé en 1870 par Gaston Crémieux et Maurice Rouvier (rédacteur en chef : Gilly La Palud ; le journal, classé comme radical, disparaît en 1879). Entré en mars 1876, nommé chef adjoint en 1892 en remplacement de Lapommeraye, il finit directeur du service.

Émile GANNERON

(Pontoise, 1840 - Paris, 1900), secrétaire-rédacteur à partir de 1876. L'amiral Courbet d'après les papiers de la marine et de la famille (1885) ; L'Irlande depuis son origine jusqu'aux temps présents (Mame, 1888) ; et, chez Colin, des manuels scolaires : L'économie politique (1894), Le droit usuel (1895), ainsi qu'un livre de lecture, Tu seras citoyen (1892).

G. (?) AUDEMAR(D)

(? -1883) : secrétaire-rédacteur signalé à partir de 1879. Encore une mort précoce, semble-t-il. Annonçant son décès, Polyblion le donne pour « collaborateur du Télégraphe et du Soleil dans lequel il traitait sous le pseudonyme de Bernard les questions économiques ». Le Télégraphe, fondé par Auguste Dumont en 1877, a été repris par Louis Jezierski en 1879. Il était commandité par le sénateur Nicolas Claude, filateur vosgien. Après avoir été proche de Thiers, le journal serait passé au service de Freycinet dont Jezierski était le collaborateur. Le Soleil avait été fondé par Moïse Millaud en 1865 pour faire pièce au Figaro ; il avait la réputation de très bien payer ses collaborateurs. Y parurent Les Travailleurs de la mer et des romans de Gaboriau. Classé comme conservateur.

Eugène CEYRAS

(Tulle, 1832- Clamart, 1892), fils de Henry-Auguste, ancien juge à Tulle et député de 1848, ami de Pierre Leroux et connu pour avoir demandé un million pour les invalides des campagnes. Eugène fut journaliste d'opposition sous l'Empire (le Corsaire, le Nain jaune, le Pilori), plusieurs fois poursuivi, et deux fois enfermé à Sainte-Pélagie (un frère, Charles, mort en 1885, a collaboré au Nain jaune, à l'Europe, au Peuple et aux Droits de l'homme). Un Eugène Ceyras à la barbe rouge est cité dans la bohème qui fréquentait le café du Rat mort, avec Murger, et il aurait collaboré au Pilori de Victor Noir. Un abîme le sépare donc du suivant. Pendant le Siège, il s'engagea dans les bataillons de marche et fut blessé à  Buzenval.

E. MARION

n'est pas resté longtemps. La Renaissance, journal lyonnais, annonce sa révocation en ces termes le 23 mai 1879 : « Un sieur Marion, qui fut un piètre journaliste de province, puis factotum de M. Ducros à la préfecture du Rhône, et enfin secrétaire-rédacteur du Sénat, occupe le public de ses réclamations. On a enlevé à ce parvenu de la réaction sa sinécure sénatoriale, et il pousse des cris à fendre tous les coeurs sensibles. C'est au point que des journaux sérieux ont cru devoir expliquer que ledit Marion avait été révoqué, non pour ses opinions intimes, mais pour avoir pris, pendant le 16 mai, une part active à la rédaction du Bulletin des Communes. On fait bien d'honneur à ce mince personnage. Le flux de la réaction l'avait élevé, le reflux l'abaisse. C'est justice, et ce n'est pas trop tôt ! »
Ducros a été un préfet de l'Ordre moral et le Bulletin des Communes était devenu un organe monarchiste (voir notice d'E. Daudet). Le Gaulois du 18 mai 1879 a publié une lettre dans laquelle le rédacteur en chef de Paris-Journal proteste contre l'expulsion de son "séancier" Marion de la tribune des journalistes de la Chambre.
Marion sera en 1885 le maître d'oeuvre d'un Dictionnaire de la bourse, de la banque et des assurances, publié sous le patronage du sénateur Bozérian.

Alphonse BERTRAND

(Tours, 1850- 1907), qui présidait l'Association artistique et littéraire de Versailles et devint en 1893 adjoint au maire de la ville, a écrit toute une série d'articles sur le château, réunis en volume sous le titre Versailles, ce qu'il est, ce qu'il fut, ce qu'il devrait être (1906). Directeur de la Correspondance républicaine, il avait écrit en 1875 un roman, Marcel (en collab. avec A. N. Lebègue), mais c'est sans doute un péché de jeunesse. Il est surtout connu pour la série : La Chambre de 1889, biographies des 576 députés (1889) ; La chambre de 1893, biographies des 581 députés (1893) ; La Chambre des députés, 1898-1902, biographies des 581 députés (1899) ; Le Sénat de 1894, biographies des 300 sénateurs (1894) avec un supplément, Le Sénat en 1897 (1897). Il est également l'auteur de Ferdinand de Lesseps, sa vie, son oeuvre (1887, avec E. Ferrier) ; de L'organisation française, le gouvernement, l'administration ; guide du citoyen et manuel à l'usage des écoles (1882) et de Les origines de la Troisième République, 1871-1876 (posthume, 1910).

1894 : Charles Simon, chef ; Léopold Peyron, chef adjoint ; Michelant, honoraire ; Octave Lacroix, Émile Ganneron, Alphonse Bertrand, Alfred Bonsergent, Charles Grandjean, Émile Monnet, Philippe de Rouvre, Lucien de Sainte-Croix, secrétaires-rédacteurs ; Pierre Maubrac et Émile Delorme, secrétaires-rédacteurs adjoints.

En 1901 : mêmes chef et sous-chef ; secrétaires-rédacteurs (donnés par ordre alphabétique) : Baratier, Bertrand, Delorme, Grandjean, Lacroix, Maubrac, Rouvre et Sainte-Croix.

Alfred BONSERGENT

(Ile Maurice, 1848- Paris, 1900) est dit attaché à la présidence du Sénat en 1881. Il a donc écrit en collaboration avec Charles Simon deux pièces en trois actes, Trop heureuse ! (1894) et Irréguliers (1897), mais il s'était déjà lancé dans le théâtre : L'embarras du choix, comédie en un acte en prose (1890), Responsabilité (pièce donnée au Théâtre Moderne pour être jouée par Térésa, 1892), Malgré tout, pièce en un acte (1893). En 1895, il est chargé de la critique dramatique et musicale à la Revue parisienne. On a toutefois l'impression que cette carrière dramatique s'est bornée à ces sept ou huit années. Bonsergent est surtout un auteur de nouvelles puis de romans : Cinq nouvelles (1874), Une muse [et autres nouvelles] (1875), Miette et Broscoco, nouvelles (1881), Madame Caliban, roman (1882), La revanche d'Alcide, nouvelles (1883), Une énigme, roman (1884), Le vétéran, nouvelles (1885), L'oiseau de la mort (1888 ?), Bébelle, roman (1889), Trop tard, roman (1891), La maison du quai planté, roman (Roméo et Juliette à Lannion ! 1892), Monsieur Thérèse (1892), Myosotis, roman contemporain (1896), Cabinet d'affaires (1899).
On n'est peut-être pas exhaustif, mais les arguments ou intrigues dont on a pu prendre connaissance n'incitent pas à de trop grandes recherches. Ainsi L'énigme dont Gérôme fait la publicité dans l'Univers illustré en vantant son romanesque (c'est-à-dire son refus du naturalisme) raconte l'histoire d'une demoiselle qui se tue après que ses projets de mariage ont été brisés par la ruine de son père. Monsieur Thérèse est une histoire d'adultère. Irréguliers pose le problème de l'union libre, mais assez timidement. Cependant, Bonsergent semble n'avoir pas trop pris au sérieux les histoires qu'il racontait, s'évadant dans des causeries ou des tableaux artistes - mais d'aucuns lui reprochent alors sa "faconde" ou son "laisser-aller". À propos de ses premières nouvelles, on a aussi parlé de situations indécentes, de "récits échevelés, byroniens, mussettiques"...Bonsergent a aussi payé son tribut à l'institution qui l'employait (ou allait l'employer ?) avec Procédure des débats parlementaires (1878), Comment se fait la loi (1881) et, vraisemblablement, La loi (1890).
Gérôme l'a décrit ainsi : « M. Alfred Bonsergent est un jeune créole de Maurice que vous pouvez voir dans la salle des séances du Sénat chaque fois que siègent les membres de la Chambre haute. Il ressemble beaucoup de sa personne à M. Clemenceau, dont il a les yeux caves et brilants, les pommettes saillantes et la vive allure. (...) Je ne le ferais pas connaître complètement si je ne disais qu'il est grand ami des peintres et des sculpteurs : il les fréquente en forêt comme à la brasserie et il leur dit à l'occasion de salutaires vérités, car c'est un critique d'art fort épris du beau et peu complaisant. »
Sources : Gubernatis, op. cit. ; Catalogue de la librairie française.

Charles GRANDJEAN

(Langres, 1857 - 1933) est sorti premier de sa promotion de l'École des chartes en 1881. Sa thèse, non publiée, portait sur l'organisation municipale de Toulouse au Moyen Âge. La nécrologie de l'archiviste-paléographe (Bibliothèque de l'école des chartes, 1933 -2, p. 414) est apparemment le document le plus substantiel qu'on puisse trouver sur sa carrière : « Nommé membre de l'École française de Rome, il se consacra à l'édition des Registres du pape Benoît XI. De retour à Paris, il entra au Sénat comme rédacteur et y devint chef des secrétaires-rédacteurs chargés du compte rendu. Henri Roujon, directeur des Beaux-Arts, l'adjoignit alors à son administration. Comme inspecteur général des monuments historiques, il prit une part très importante à la sauvegarde du Mont-Saint-Michel, du palais des Papes à Avignon, et fut à Versailles l'un des promoteurs de la réorganisation du Musée historique et de la conservation du palais. D'utiles réformes lui sont dues.
Notre confrère, qui était membre de la Commission des monuments historiques et du Comité des travaux historiques, n'a rien publié, mais il faisait bénéficier ses confrères et ses collaborateurs de son érudition, qui était considérable et variée. Sa curiosité d'esprit en avait fait un spécialiste de l'histoire et des institutions du Consulat et de l'Empire autant qu'il l'avait été des questions italiennes. Ceux qui l'ont connu ont gardé le souvenir de sa bonne grâce, de sa complaisance et de sa courtoisie. » J. C.
Il semble donc que Grandjean ait porté le titre de secrétaire-rédacteur alors même qu'il se trouvait à Rome (1880-81) ! Il est devenu sous-chef, puis aussitôt, du fait de la mort de Charles Simon [ou de la retraite de Peyron ?], chef en 1910, à peu près au moment où, de contrôleur, il devenait inspecteur général des monuments historiques – fonction où la retraite intervenait alors plus tôt qu'au compte rendu analytique. Il était en effet depuis assez longtemps inspecteur honoraire lorsqu'en 1927, atteint par la limite d'âge, il fut remplacé au Sénat par Pierre de Lapommeraye, Laîné devenant chef adjoint.
Familier de la princesse Mathilde et ami d'Anatole France, il fut sollicité en 1893 par les parents de Marcel Proust pour servir à celui-ci de conseiller d'orientation. Son pupille le fit tourner en bourrique, évoquant pour les rejeter aussitôt toutes sortes de carrières : archiviste, rédacteur au Sénat, magistrat de la Cour des Comptes...

 

Émile MONNET

(Niort, 1852 - Paris, 1895), fils d'Alfred, maire de Niort et député puis sénateur des Deux-Sèvres. Est dit attaché à la présidence du Sénat dès 1885, dans les bulletins de la Société de statistique des Deux-Sèvres, dont il est un collaborateur actif. Serait devenu secrétaire-rédacteur en 1891 au plus tard. A publié Histoire de l'administration provinciale, départementale et communale en France (1885), Souvenirs d'un Conventionnel (1888) et Archives politiques des Deux-Sèvres, 1789-1889 (en deux volumes, 1889).

Philippe (Brunot) de ROUVRE

(Lille, 1846 - 1921). On l'a déjà rencontré à propos de la pièce qu'il fit jouer en 1882 avec son futur collègue de la Chambre Hippolyte Lemaire : un critique (Arnold Mortier, Les Soirées parisiennes, 6) releva alors, comme si le fait ajoutait à leur inexpérience de débutants qui les avait portés au scabreux, que l'un était professeur de mathématiques et l'autre (de Rouvre) fils de général. Le général en question doit être Philippe Brunot de Rouvre (1812-1886), qui avait fait carrière dans la gendarmerie. Quant à l'intrigue de ce Mariage d'André, reposant sur l'adultère d'une femme du monde, elle n'était pas plus indécente que celles de Bonsergent et Simon. Reste que ce coup d'essai semble n'avoir pas eu de suite, malgré un accueil de la critique somme toute assez indulgent. Les seules traces d'une activité littéraire sont des contributions en 1877-78 à La jeune France et au Bon Foyer, journal des familles, et, en 1899, le "livret" d'un poème symphonique, Scènes héroïques, composé en l'honneur de Lille.
En 1886, commis principal au Sénat ? Entré au compte rendu analytique entre 1891 et 1894. Président (au moins à la fin de la décennie) de "L'Hémicycle", société de vélocipédie des deux assemblées (regroupant pour l'essentiel des journalistes parlementaires, semble-t-il), il est nommé membre du comité d'organisation des démonstrations et concours de vélocipédie pour l'Exposition universelle de 1900.
Gendre d'Emile Burnouf, spécialiste du sanscrit et directeur de l'École française d'Athènes.

Lucien (Mercier) de SAINTE-CROIX

(Saint-Bauzel, Tarn-et-Garonne, 1861 - 1939). Avocat, docteur en droit. Sa thèse portait sur L'exception de dol en droit romain et sur La déclaration de guerre et ses effets immédiats. Cette dernière étude de législation comparée, publiée en 1892, reçut un accueil assez large. L'auteur y est présenté comme "ancien élève de l'École des sciences politiques et de l'Ecole pratique des hautes études". Il ne s'était donc orienté vers le droit qu'après avoir été admis au Sénat, à moins que ces nouvelles études ne l'aient conduit au compte rendu analytique. Mentionné en 1918 comme le chef du service.
Il semble d'ailleurs avoir largement abandonné par la suite les sujets juridiques pour d'autres à la limite de la sociologie et de l'ethnographie, encore qu'on n'y discerne pas une grande unité. En 1895, il collaborait au Mouvement social. En 1897, il contribuait aux Études sur les populations rurales de l'Allemagne et la crise agraire, de Georges Blondel. Il s'intéresse également, vers cette époque, à Madagascar et à l'histoire du royaume hova et est membre de la société de géographie commerciale. Au Mercure de France, il donne des articles substantiels sur Camille Jullian (1890), Blasco Ibañez (1922), Emile Mâle (1927) et c'est dans les actes du Congrès archéologique de 1940 qu'on a trouvé l'annonce de sa mort, survenue depuis le congrès de l'année précédente.

Pierre MAUBRAC

Entré en 1893, il est encore présent en 1909.

Émile DELORME

(Aisne, 1866-1924). Licencié en droit. Entre au compte rendu en juillet 1892. En 1894, il épouse la fille de Charles Simon. Lieutenant de réserve, il assure le secrétariat de la commission de l'armée.  Les seules autres mentions de lui qu'on ait trouvées concernent la vie familiale des Simon ou des contributions à la Revue politique et parlementaire.

Georges BARATIER

(Bayonne, 1868- Cannes, 1911), fils d'un intendant général, directeur du service de l'intendance du gouvernement militaire de Paris, est lui-même saint-cyrien (1888) et sous-lieutenant de dragons (au moins de 1892 à 1895). En 1911, Le Gaulois annonce sa mort à 42 ans en signalant qu'il était frère du colonel connu pour sa participation à la mission Marchand. Georges Baratier, à peine nommé secrétaire-rédacteur en 1896, avait fait parler de lui – contre son gré, certainement : le 19 mars, le Figaro annonçait ses fiançailles avec la fille du secrétaire général de la questure et il avait dû démentir le lendemain en précisant qu'il était marié depuis trois ans et père de famille.

Jules LAÎNÉ

(Paris, 1877-1962). Études de lettres, puis diplôme de l'École libre des sciences politiques et licence de droit. Entre au compte rendu en décembre 1900. Réformé, il est le seul (?) à assurer le secrétariat des commissions pendant la guerre de 1914-18. Chef adjoint en 1927, chef en 1930.

Pierre de LAPOMMERAYE

Pierre de Lapommeraye(Paris, 1874-1962) était le fils d'Henry.Il semble qu'il ait été tenté de prendre la succession de celui-ci : il est mentionné comme secrétaire de rédaction du Paris en 1897 et on a la trace d'au moins une conférence, sur Dorchain, en 1899. Surtout, il entre au compte rendu analytique, en 1903 au plus tard. Il prendra la tête du service en 1927 et sera nommé secrétaire général en 1930. Il occupera le poste jusqu'en 1942. À la Libération, témoignera aux procès Pétain et Laval.
Sa passion n'était pas comme son père le théâtre : de 1919 jusqu'en 1930, il tint une chronique musicale dans Le Ménestrel. Mais est-ce bien lui qui, comme le suggère le sous-titre, avait servi de modèle à Renoir, en 1875-76, pour L'enfant à la poupée de Polichinelle ?

 Photo parue dans le Petit Journal en 1930.

 

Édouard CABIBEL

(Mazamet, 1875- Mazamet, 1907), d'une famille de filateurs et négociants protestants, dont Jean Calas avait épousé une fille. Décédé à 32 ans.

 

 

Le compte-rendu sténographique et le compte-rendu analytique sont, comme par le passé, mis à la disposition des journaux qui veulent les utiliser. C'est à titre gracieux qu'ils le peuvent prendre, mais c'est tout, [sic]

Il serait injuste de ne point reconnaître le soin qui préside à la confection de ces comptes-rendus.

Le service sténographique est composé de dix sténographes rouleurs et de six sténographes réviseurs, plus deux chefs de service, MM. Lagache.
Les sténographes se tiennent au pied même de la tribune et se remplacent de deux minutes en deux minutes.
Ils se retirent ensuite dans une salle qui leur est affectée et transcrivent la partie du discours qu'ils ont prise. Cette transcription est immédiatement envoyée à la composition du Journal Officiel.
Le service est si bien organisé et il marche avec tant de régularité et de rapidité que l'orateur, lorsqu'il descend de la tribune, peut commencer à revoir les épreuves de la première partie de son discours. Pendant cette révision les épreuves de la dernière partie arrivent. Il n'y a aucune perte de temps.

Il en est de même pour le service du compte-rendu analytique qui comprend neuf secrétaires rédacteurs, deux sous-chefs et un chef, M. Maurel-Dupeyré.
Les sténographes prennent la lettre du discours, les secrétaires rédacteurs n'en prennent que l'esprit – au figuré toujours, au propre s'il y en a.
Ce sont des hommes exercés, d'une habileté consommée. Ils font preuve d'une impartialité remarquable dans ce travail si délicat, et donnent à chaque discours une étendue égale, ou plus justement proportionnelle, non à son importance, mais à sa durée.
Ces deux comptes-rendus sont composés simultanément au Journal Officiel. Si bien qu'à la fin de la séance les journaux ont à leur disposition le compte-rendu in extenso et le compte-rendu analytique de la première moitié de la séance. Une heure après, ils peuvent avoir le tout.

Les orateurs ont le droit de revoir leur discours. Mais ils ne peuvent retoucher que la forme et nullement le fond.
On se souvient du jour où M. Émile Ollivier éprouva le besoin de dire au pays qu'il déclarait la guerre d'un coeur léger. Lorsqu'il vit l'impression que ce mot produisait, il voulut, en descendant de la tribune, le faire supprimer au Journal Officiel. Mais, malgré qu'il fût premier ministre, il vit sa volonté échouer devant la conscience des rédacteurs des comptes-rendus.
La marmite aux lois : monographie de l'Assemblée de Versailles, 1871-73, par Asmodée [Edm. Dutemple], pages 130-132.



ARRÊTÉS concernant les comptes rendus des séances publiques de la Chambre


Arrêté, du 11  décembre 1879,  CONCERNANT LES COMPTES RENDUS ANALYTIQUE ET SOMMAIRE DES SÉANCES DE LA CHAMBRE.

  ART. 1. Un compte-rendu analytique, dont l'étendue sera de quatre colonnes et demie du format des grands journaux, sera mis chaque jour et gratuitement à la disposition des journaux de Paris et des départements.
  ART. 2. Les journaux de Paris pourront faire réclamer ce compte-rendu, soit au cours même de la séance, au Palais-Bourbon, où il leur sera livré par épreuves successives, soit à partir de neuf heures du soir, dans un local désigné par MM. les questeurs, après avis du syndicat de la presse.
  Le compte-rendu analytique sera adressé par les courriers du soir aux journaux des départements qui en auront fait la demande.
  Il sera adressé également, dans la soirée, à tous les députés et à tous les sénateurs.
  ART. 3. Le chef des secrétaires-rédacteurs de la Chambre des députés continuera à faire faire, indépendamment du compte-rendu analytique, un compte-rendu sommaire, qui sera transmis par voie télégraphique au président de la République, au Sénat et au syndicat de la presse de Paris, au cours de chaque séance.
  Dès que la transmission télégraphique aura eu lieu, le texte de ce compte-rendu sommaire sera, en outre, affiché dans une des salles du Palais-Bourbon et mis à la disposition des journalistes.


Arrêté, du 28 juillet 1881, AUTORISANT L'IMPRIMEUR DE LA CHAMBRE À METTRE LE COMPTE RENDU À LA DISPOSITION DU PUBLIC

  ART. 1. L'imprimeur de la Chambre des députés est autorisé à délivrer aux simples particuliers qui en feraient la demande des abonnements au compte-rendu analytique officiel de la Chambre.
  Il est également autorisé à mettre ce compte-rendu en vente par numéros isolés.
  ART. 2. Les mesures d'exécution seront déterminées, le prix de l'abonnement annuel et celui du numéro seront fixés par MM. les questeurs.
  ART. 3. II n'est en rien dérogé par les présentes dispositions à l'arrêté du bureau du 11 décembre 1879.


Arrêté, du 9 avril 1881,  RELATIF À LA PUBLICATION EN VOLUMES DES PLACARDS DU COMPTE RENDU ANALYTIQUE

Article unique. Les comptes-rendus analytiques des séances de la Chambre des députés seront réunis en volumes, et les volumes seront distribués au fur et à mesure de leur publication.
Chacun de ces volumes sera accompagné d'une table sommaire.


Arrêté, du 29 janvier 1880, RELATIF À LA CORRECTION DES ÉPREUVES DU COMPTE-RENDU IN EXTENSO

  ART. 1. La correction des épreuves du compte-rendu in extenso des séances de la Chambre des députés ne devra se faire qu'au Palais-Bourbon
  ART. 2. Il est expressément interdit de laisser emporter hors du palais, soit le manuscrit, soit les épreuves d'un discours. Le chef du service sténographique est chargé, sous sa responsabilité, de veiller à ce que cette mesure soit rigoureusement exécutée.

 

Arrêté, du 9 avril 1881, RELATIF À LA  PUBLICATION DES ANNALES PARLEMENTAIRES

  ART. 1. L'article 3 du règlement susvisé des 36-29 décembre 1873 est complété par l'addition suivante :
  « Le secrétaire général de la présidence a dans ses attributions la surveillance de la publication au Journal officiel et dans les Annales parlementaires des débats et documents de la Chambre.
  « Il se concerte avec les chefs des services législatifs et avec l'archiviste, tant pour éviter les réimpressions inutiles que pour assurer l'établissement des tables analytiques et sommaires au fur et à mesure de la publication des fascicules du Journal officiel ».
  ART. 2. L'article 6 du règlement précité est modifié de la manière suivante :
« Le chef du service sténographique de la Chambre est chargé de la reproduction in extenso des débats législatifs qui doivent être insérés au Journal officiel, le lendemain de chaque séance, conformément à la résolution du bureau de l'assemblée en date du 26 juin 1873 ; de la correction des épreuves de ces mêmes débats dans les Annales parlementaires ; de l'exécution, moyennant rétribution supplémentaire, des divers travaux sténographiques qui pourraient être ordonnés en dehors des séances ».

 

   Arrêté, du 4 juillet   1881,  RELATIF À LA CORRECTION, PAR LES ORATEURS, DES FEUILLETS ET DES ÉPREUVES DU COMPTE RENDU STÉNOGRAPHIQUE

  ART. 1. Les orateurs seront admis à corriger la sténographie manuscrite de leurs discours jusqu'à minuit. Après ce délai, il sera passé outre à la composition.
  ART. 2. Les orateurs ne seront admis à corriger les épreuves imprimées de leurs discours qu'après en avoir corrigé le manuscrit. La correction des épreuves devra être terminée à deux heures du matin.
Après ce délai, le chef du service sténographique donnera le bon à tirer, et il sera passé outre à la mise en pages.
 ART. 3. L'observation rigoureuse du présent arrêté est commandée au chef du service sténographique sous sa responsabilité. Dans le cas où il y serait contrevenu, le chef du service sténographique adressera un rapport à M. le président.


En 1884, dans Voyage autour de la République (p. 39-40), Paul Bosq mentionne toute une série de secrétaires-rédacteurs – dont certains n'ont fait que passer, Robert Mitchell ne laissant même pas de trace :

« Parmi les services de la Chambre, nous n'en mentionnerons qu'un seul, le compte rendu analytique, parce qu'il a un caractère tout particulier ; c'est un rendez-vous d'hommes de lettres. Son chef actuel, M. Maurel-Dupeyré, qui date de la fondation et a vu le 15 mai [1848], donne des comédies à l'Odéon. C'est là que Ludovic Halévy a fait la Belle Hélène, Barbe-Bleue et La Grande-Duchesse; les députés du second Empire trouvaient le genre un peu léger, mais il les désarmait en leur donnant des loges. Paul Dhormoys, ancien préfet, a été longtemps secrétaire-rédacteur ; c'est un des hommes qui ont été le plus mêlés, au moins comme amateurs, au mouvement politique et littéraire de ce temps. Il excelle à en raconter l'histoire et surtout les histoires. Ernest Daudet, Robert Mitchell, Adrien Marx et vingt autres ont fait partie de ce petit cénacle. On y rencontre encore aujourd'hui : Claveau, portraitiste politique devant lequel tous les hommes connus ont passé ; Ernest Boysse, amateur délicat, poète du dix-huitième siècle égaré dans le nôtre ; Gaston Bergeret, qui publie des nouvelles exquises entre deux volumes sur le mécanisme du budget ; Eugène Bonhoure, journaliste influent quoique anonyme ; Clère, biographe sérieux et consciencieux, un véritable puits de renseignements ; Léon Guillet, passé maître dans l'art des quatrains. Le banc de ces littérateurs fait face à celui des Hérisson et des Tirard, et n'en est pas autrement écrasé. "
N.B. Hérisson et Tirard, eux aussi bien oubliés aujourd'hui, furent députés et ministres.


En 1871-73, le service se compose de : Maurel-Dupeyré, chef ; Claveau et Béhaghel, sous-chefs ; Letellier, Gastineau, Boysse, Bonhoure, Lara-Minot, Bergeret, Aude, et d'un auxiliaire, Pourchel. La plupart exerçaient déjà au Corps législatif, de sorte que nous aurions pu (dû ?) nous abstenir de ménager une coupure...

On a souligné les noms des chefs du service : après Maurel-Dupeyré (1867-1889) et Anatole Claveau (1890-1903), ce furent Gaston Bergeret (1903-1910), Louis Paulian (1910-1918), Léon Guillet (1918), Gaston Barbier (1918-1921), Paul Carrier (1921-1925) et Georges Rousseau-Decelle (1925-1941?).


25. Gaston BERGERET (1840-1921)

Devenu secrétaire-rédacteur en février 1870, il poursuivit sa carrière à la Chambre des députés ; nommé chef adjoint vers 1890, il succéda à Anatole Claveau à la tête du service, de 1903 à sa retraite, prise en 1910. Est d'abord connu pour avoir publié en 1883, dans la collection "Bibliothèque parlementaire" dirigée par Eugène Pierre, Les ressources fiscales de la France. Il avait auparavant (1880) commis Mécanismes du budget de l'État et Les réformes de la législation : l'impôt sur les patentes. En 1888, il donnera des Principes de politique, essais sur l'objet, la méthode et la forme des divers gouvernements, l'organisation des peuples et les théories de la souveraineté, avec un aperçu des principales questions constitutionnelles. Un juriste et fiscaliste, soucieux de vulgarisation ? Pas seulement !

Gaston BergeretNé à Paris en 1840, il était entré à la Banque de France avec une licence de droit, mais il fut vite "saisi par le démon du journalisme".
« C'était en 1866. Je collaborais à L'Écho populaire de Lille, un des premiers journaux à un sou qui aient paru en province. Lille était le foyer d'un mouvement intense de décentralisation littéraire. Géry-Legrand, qui n'est plus aujourd'hui que sénateur et maire de Lille [sic], était alors le chef de ce mouvement, et il avait fondé l'une après l'autre une série de publications périodiques qui disparaissaient successivement sous les coups répétés de l'administration impériale, mais qui avaient fait de lui, tout jeune encore, le coryphée de l'opposition et une sorte de personnage légendaire dans la région du Nord. Nous avons travaillé ensemble à la Revue du mois [créée en 1860], qui avait peu d'abonnés, mais tous républicains de choix. Vermorel, tué depuis sur les barricades de la Commune, y écrivit quelquefois ; M. Émile Zola y a donné ses premiers Contes à Ninon. Mais au fond, Géry-Legrand et moi, sous des noms divers, fournissions presque toute la copie. Jules Janin s'y était laissé prendre et, dans la bienveillance qu'il apportait à encourager les jeunes, le prince des critiques avait consacré un feuilleton des Débats à faire l'apologie de cette petite phalange d'écrivains dont il s'était plu à esquisser les portraits, d'imagination : Hans Carvel, Faustin, Jonathan Muller et autres, sans se douter que nous étions deux seulement à porter tous ces pseudonymes. Après cette publication mensuelle, nous avions réussi à faire paraître un journal hebdomadaire, Lille-Artiste. C'était un progrès, mais Lille-Artiste n'était encore qu'un journal littéraire. Ce fut un grand jour que celui où nous eûmes enfin un cautionnement et une autorisation pour publier le Progrès du Nord, d'abord hebdomadaire, mais politique. Comme il ne suffisait pas à alimenter notre activité dévorante, le Journal populaire de Lille fut enfin créé, avec le concours de tout ce qu'il y avait de libéral dans le département, pour offrir un écoulement quotidien au débordement de nos idées. » Voir Claude Bellanger, Études de presse VI, 9 (1954), p. 8-10 notamment, et Jean-Paul Visse, La Presse du Nord et du Pas-de-Calais au temps de l'Écho du Nord (1819-1944), p. 106 et suivantes.
En 1866 donc,
Bergeret eut la malencontreuse idée de soutenir dans ce journal, qui n'avait pas de cautionnement, la thèse selon laquelle « on peut avoir une morale indépendamment de toute idée religieuse », le critère de la moralité n'étant pas donné par la conscience, mais tenant à l'utilité sociale des actions. Traduit en correctionnelle, il eut une deuxième mauvaise inspiration : il voulut se défendre lui-même et, alors que la condamnation, écrite d'avance, était de huit jours de prison, il réussit à en décrocher quinze, « pour heureux effet de mon éloquence » : « L'organe du ministère public, dans le langage poncif qui est propre à cette institution, avait défendu contre mes attaques la conscience, ce phare qui éclaire les hommes. Or, dans l'article incriminé, parlant des variations de la conscience, je l'avais comparée irrévérencieusement à une girouette. Je ne manquai pas de faire le rapprochement dans ma réplique en assurant que nous étions bien près de nous entendre, M. le substitut du procureur impérial et moi, puisque le phare et la girouette sont deux objets qui tournent et qui se mettent sur les toits. » Dans quelles conditions Bergeret réussit à "s'incarcérer" à Sainte-Pélagie et comment il y passa ces quinze jours, c'est ce qu'il raconte dans la suite de cet article de la Revue bleue, écrit en 1892 au moment où cette prison fut démolie. Il vaut la peine de s'y reporter : le témoignage est à la fois nostalgique et drôle.
Bergeret et Géry Legrand ont aussi publié ensemble deux comédies : Les Grâces d'état (1865) et Les Augures (1868). Fils d’un des huit députés d’opposition élus en 1852, le second avait lui aussi fait des études de droit à Paris, où il ébaucha une carrière journalistique, collaborant à L’Illustration et à L’Artiste, et forma autour de lui « un petit groupe littéraire plus amoureux des choses de l’art, de théories sociales et d'idées nouvelles que de la science de maître Barthole » (Hippolyte Verly, Essai de biographie lilloise contemporaine, 1869). Il est probable que Bergeret appartenait à ce groupe et qu’il rejoignit ensuite Legrand à Lille où celui-ci avait été rappelé à la mort de son père, en 1859.
Le compte rendu de la "commission d'enquête parlementaire sur l'insurrection du 18 mars" nous permet de suivre Bergeret entre Lille et la Chambre des députés : il s'y trouve en annexe (t. III, page 425) une lettre du préfet du Nord qui rectifie son précédent rapport, s'agissant des "antécédents de quelques chefs de l'insurrection". « Bergeret, général et membre de la Commune, n'a été, ni employé à la succursale de la Banque de France à Lille, ni rédacteur du Progrès du Nord. L'ancien employé, l'ancien rédacteur financier du Progrès du Nord est M. Gaston Bergeret, aujourd'hui secrétaire de M. Brame, député du Nord. » Gaston échappait là à une confusion dangereuse. Précisons que Jules Brame (1808-1878), d'une famille de sucriers et très protectionniste (mais plutôt libéral pour le reste), fut signataire de l’interpellation des 116, et très brièvement (août-septembre 1870) ministre de l'Instruction publique ; en 1871, il alla d'abord siéger au centre droit, puis dans le groupe de l'Appel au peuple tout en gardant, selon la Biographie des députés de Jules Clère, "un pied dans le camp orléaniste".

Claveau (Souvenirs, II, p. 122) mentionne Bergeret comme "le fin romancier des Événements de Pontacq". En fait, le titre exact de cette nouvelle, publiée en 1883 dans la Revue bleue (p. 162-168 et 197-205), est : Les Événements de Pontax. Nous verrons plus loin ce que dissimule cette apparente coquille de Claveau, mais nous ne saurions trop encourager le lecteur à déguster cette satire de l'administration… et des administrés !
Bergeret a également écrit : L'Album (comédie de salon en un acte, 1873) ; Dans le monde officiel (1883, reprend notamment Les événements de Pontax) ; Le quadrille des lanciers (saynète en 5 figures, 1884) ; La famille Blache (1885, "histoire passablement railleuse des évolutions d'une famille parisienne", selon L'Année littéraire) ; Provinciale et Contes modernes (1887) ; Le cousin Babylas et autres titres, dont KO SO3, roman chimique (1889) ; Nicole à Marie ("roman par lettres pour grandes jeunes filles", dit L'Année littéraire ; 1895) ; La petite Gaule (1896) ; Manuel du réactionnaire (3e édit. s. d.) ; Journal d'un nègre à l'exposition de 1900 (1901 : ses Lettres persanes !) ; L'assassinée (comédie en quatre actes, écrite en collaboration d'après une de ses nouvelles, 1904). Fréquentant le salon de Mme de Beausacq († 1899) – avec Sully-Prudhomme, Heredia, Jean Aicard, Laurent Tailhade, Pierre Loti, Eugène Mouton, etc. –, il préfaça en 1889 le Livre d'or de la comtesse Diane, recueil de "petits papiers" (jeu de questions-réponse à l'aveugle, sorte d'ancêtre des "cadavres exquis").
En dehors des Événements de Pontax, on retiendra entre autres nouvelles, dans les Contes modernes, Le roi de Carolie (un souverain absolu, s'ennuyant, travaille à se créer une opposition et essaie d'imposer à son pays un grand dessein guerrier ; il ne réussit qu'à soulever son peuple en faveur de la paix et finit par reculer, mais on sent qu'il passera le reste de sa vie à le regretter), ou encore La discussion du budget (Un jeune mari essaie de régler les dépenses de son ménage sur le modèle du budget national).

Bergeret était un ami d'Eugène Mouton, le magistrat auteur de L'invalide à la tête de bois, qui a brossé de lui ce portrait (Un demi-siècle de vie, Delagrave, 1901) :
« M. Gaston Bergeret, chef-adjoint des secrétaires-rédacteurs de la Chambre des députés, est presque de notre famille : ma mère, créole de la Guadeloupe, était la marraine de la sienne*. Depuis sa naissance, nous l'avons suivi et notre mutuelle affection n'a pas cessé de s'accroître. Il est impossible de voir réunis dans une perfection aussi rare l'esprit et le bon sens, et chose non moins rare, loin d'en être troublé, cet assemblage se confirme par un penchant si marqué au paradoxe, que loin d'affaiblir ces qualités, il semble ajouté là pour en faire ressortir la valeur. Ajoutez à cela un caractère d'une bonté et d'un entêtement sans pareils, et une intelligence hors de pair pour le travail et les affaires de la vie courante, et on aura le portrait d'un ami bien précieux. Outre ces rares qualités personnelles, ses fonctions à la Chambre ont fait de lui un des plus friands causeurs qu'on puisse rencontrer dans un salon, puisque voilà tantôt trente ans qu'il écrit phrase à phrase l'histoire politique de la France, à mesure qu'elle se passe sous ses yeux, avec toute l'exactitude et toute l'impartialité d'un témoin officiel, ce qui suffirait déjà à le rendre intéressant. Mais par un penchant très fréquent d'ailleurs chez les fonctionnaires, à part un traité de politique qui a été accueilli avec joie par le monde parlementaire, c'est au roman, aux nouvelles et à la fantaisie qu'il a voué son esprit et son bon sens, et là il a créé vraiment un genre bien personnel à lui, où tout, même l'invraisemblance, est devenu une originalité inédite d'un très grand effet. Il a publié successivement douze volumes qui tous ont trouvé un grand nombre d'enthousiastes, non seulement lecteurs, mais ce qui est rarissime, éditeurs. »
• Julie-Thérèse-Constance Gérard, née en 1815. Elle avait épousé en 1837 Guillaume Bergeret, 1799-1869 – de quinze ans son aîné donc –, mais, avant que son fils ait un an, elle demanda la séparation de corps et de biens. Guillaume apparaît alors comme marchand de laines en faillite. Tout donne à croire que Gaston fut élevé par sa mère – on se gardera toutefois d’expliquer par cette rupture le fait qu’il demeura célibataire (tout en accordant souvent un traitement privilégié aux femmes dans ses nouvelles), et deux de ses ouvrages démontrent d’ailleurs une certaine fidélité à sa famille paternelle.
En effet, un certain Gaston Bergeret a publié en 1909 une Flore des Basses-Pyrénées, œuvre de son grand-père Jean, médecin à Morlaàs [sic] dont il fut aussi le maire, et professeur d'histoire naturelle à l'École centrale de Pau. Ce Gaston avait plus de piété filiale que de science botanique : une revue spécialisée regrettera qu'« au lieu de faire revivre dans une préface archaïque toutes les idées des philosophes de l'ancienne Grèce et de préconiser comme eux le plus pur panthéisme, [il] n'ait pas modernisé [cette] Flore en l'adaptant aux progrès de la Science et aux besoins actuels des botanistes. » Une réclame pour cette Flore donne l'adresse du préfacier : c'est celle du secrétaire-rédacteur Bergeret, rue Bonaparte. D'autre part, un annuaire mentionne pour celui-ci, en sus de ce domicile, une résidence secondaire : la métairie de Baragé, à Morlaàs. L’hypothèse de l’homonymie est par conséquent exclue. Or le grand-père Jean était né, en 1751, à Pontacq, également dans les Pyrénées-Atlantiques. Le Pontax que certains ont situé sur la côte normande était en fait à rechercher dans le Béarn, non loin de Lourdes ! Claveau avait involontairement vendu la mèche : le titre de ce qui passe pour le chef-d’œuvre de Bergeret procède d’une « private joke ».


26. Sextius AUDE

(1832-1905) Son père, Antoine, notaire, fut maire d'Aix de 1835 à 1848 et son frère était le "docteur Aude", médecin de marine, puis directeur du muséum de la ville. Lui n'apparaît guère dans les mémoires du temps que comme le discret secrétaire de Thiers, pour ne pas dire son domestique, chargé de faire les commissions, de surveiller la construction de l'hôtel particulier, d'apporter à la tribune le café préparé par Mme Thiers ou par Mlle Dosne. « Sextius Aude (...) un des secrétaires intimes de M. Thiers, moins haut placé dans son intendance officielle que Barthélémy Saint-Hilaire, mais plus près encore peut-être de son absolue familiarité. ( ...) M. Thiers protégea, en se l'attachant, le fils de son ancien camarade d'espièglerie. Sans le libérer de sa très étroite sujétion quotidienne, il le fit entrer dans notre service », écrit Anatole Claveau qui précise : « on l'appelait quelquefois le neveu de la maison ». Le même, toujours à propos des fonds secrets (voir notice de Behaghel), nous conte le triste destin de ce secrétaire-rédacteur qui ne resta que cinq ans, de mars 1871 à 1876.

« Deux ans plus tard, dans les jours qui précédèrent la chute de M. Thiers [mai 1873], j'eus un second renseignement sur la manière dont on utilisait quelquefois cet argent des fonds secrets. Nous avions parmi nous le secrétaire intime, pour mieux dire le factotum du président de la République, Sextius Aude, le dévouement fait homme. Son père avait été le camarade d'études de M. Thiers, et Sextius nous racontait les bonnes farces que les deux jeunes gens faisaient ensemble à la Faculté d'Aix dans les premières années de la Restauration. L'une des plus hardies fut, un beau jour, d'introduire un âne au cours de droit. Le fils, après le père, était resté l'ami, le familier de la maison, et, à ce titre, il rendait quantité de services gratuits, étant l'homme de ces missions et commissions de confiance qu'on n'ose pas rémunérer. Il avait pour M. Thiers et les siens la plus respectueuse affection. Cependant un jour il nous arriva furieux, et me prenant dans un coin : “Vous n'imaginerez jamais, me dit-il, la sottise qu'ils m'ont faite !”
Et il me raconta que, dans un petit vestibule attenant au cabinet de travail de M. Thiers, il avait rencontré Barthélemy Saint-Hilaire, très affairé, qui écrivait des noms sur des enveloppes. Il y en avait bien là une douzaine. Tout à coup, le traducteur d'Homère lui en remit une en lui disant : “Voici la vôtre !” Il l'ouvrit, croyant y trouver une invitation quelconque. Elle contenait cinq billets de mille francs qu'il rejeta bien vite sur la table, comme s'ils lui eussent brûlé les mains. Et à Barthélemy Saint-Hilaire qui insistait : “Non, dit-il, vous vous êtes trompés d'adresse !” Il ne lui pardonna jamais complètement ce qu'il considérait comme une injure.
Sextius Aude, qui avait un beau visage romain comme son nom, était non seulement un des hommes les plus honnêtes que j'aie connus, mais un modèle, un peu arriéré, de délicatesse. On le nomma, bientôt après, entreposeur des tabacs, puis Léon Say en fit un trésorier-payeur général de la Corse. Il mourut, avec le même emploi, à Montauban. C'est ainsi que M. Thiers lui paya, ou plutôt lui fit payer tant de petits services quotidiens. Je lui dus de savoir où passent quelquefois les fonds secrets. »

Selon le Mémorial d'Aix (du 19 février 1871), Aude était “secrétaire à l'Institut” lorsque Thiers lui demanda de le rejoindre à Bordeaux. Il a été nommé entrepositaire des tabacs en mai 1873, d'où une situation de cumul que l'on ne manqua pas de relever :

UN CUMULARD
Cadet Rousselle avait trois demoiselles. M. Thiers avait deux secrétaires particuliers. C’est, du reste, un luxe qui lui coûtait peu.
M. Barthélemy Saint-Hilaire n'émargeait pas. Il se trouvait suffisamment payé de son secrétariat tapageur lorsque ses lettres aux maires, aux envoyeurs de petits cadeaux, paraissaient en belle place dans les feuilles républicaines. Il vivait de gloire et de platonisme.
Son collègue, M. Aude, avait des goûts plus positifs. Jamais son nom ne brillait dans les journaux. Il faisait modestement la grosse besogne et était en quelque sorte la femme de ménage de la présidence.
Comment récompenser tant de zèle et d’humilité ?
M. Thiers, qui est malin, bien qu’il n’ait pas inventé le vaudeville, fit nommer M. Aude, secrétaire rédacteur de l’Assemblée : ci, 6 000 francs de traitement.
La somme était un peu maigre. Au prix où est le beurre depuis la République conservatrice, un honnête homme de secrétaire ne saurait vivre avec 500 francs par mois.
Hélas ! tout casse, tout passe. Les cigares mal gardés ont eu le mauvais goût de réclamer un entreposeur qui fût plus souvent à son poste que le duc d’Aumale à Besançon. De son côté, Baze, l'irascible questeur, a osé prétendre qu’un secrétaire-rédacteur de l’Assemblée devait rédiger et ne le pouvait si les tabacs réclamaient sa constante sollicitude.
Le Soir nous apprend que l’administration des finances s’est émue de la situation budgétivore que M. Thiers avait faite à son Maître Jacques.
Voilà qu’on l’accuse d’être ce que la République française et le Rappel nomment élégamment un cumulard.
Or le cumul est interdit par les règlements, et les règlements ont force de loi quand l’illustre patron de M. Aude n’est pas au pouvoir.
Il paraîtrait que l’entreposeur sera cassé aux gages — à moins que ce ne soit le secrétaire-rédacteur.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant de cette curieuse affaire, qui a mis en émoi tout l’hôtel Bagration.
M. Thiers est indigné. Parodiant M. Adonis Crémieux, il s'est, dit-on, écrié :
— C’est un coup trop rude !
D’accord.
(Bixiou, Le Gaulois, 20 avril 1874)

L'intéressé exerça son droit de réponse trois jours plus tard :
« Je ne veux relever dans cet article que les inexactitudes qui me concernent personnellement.
C'est le bureau de l'Assemblée, et non M. Thiers, qui m'a nommé secrétaire-rédacteur aux appointements de cinq mille francs (au lieu de six mille francs), à la suite d'un concours ouvert en 1870 par le Corps législatif.
Quant au cumul, la loi l'interdit pour les appointements, mais non pour les emplois ; et sur ce point je suis en règle avec la loi.
Enfin, monsieur, l’article en question ajoute que la logique et le bon sens exigent pour les deux emplois la présence réelle et constante du titulaire. Tous ceux qui connaissent la nature de ces deux emplois vous diront que, de huit heures du matin à six heures du soir, il m'est facile de satisfaire pleinement aux exigences de la logique et du bon sens.
Cette réponse pouvant atténuer la préoccupation de l'intérêt public, qui seule a dû inspirer votre article, je vous prie de l'insérer dans votre prochain numéro. »
À quoi le journal répliqua, bien sûr, sous la plume de Paul Roche : 
« M. Sextius Aude a perdu une belle occasion de se taire. Sa lettre ne fait que confirmer les réflexions que nous avait inspirées sa situation. Elle prouve que M. Thiers, pour le rémunérer de son secrétariat, l'a nommé entreposeur des tabacs, place d'un rapport si bon que, pour la garder, il consent à ne pas toucher les 5,000 francs d'appointements revenant de droit aux secrétaires-rédacteurs de l'Assemblée.
Ce désintéressement intéressé nous touche profondément, mais il ne suffit pas à expliquer comment les tabacs de Paris peuvent être gardés par M. Aude pendant qu'il travaille à Versailles aux comptes rendus de la Chambre. La logique et le bon sens sont pleinement satisfaits, dit M. Aude : soit ! mais les tabacs ?
D'ailleurs, ce n'est pas M. Sextius Aude qui aurait dû écrire, mais M. Thiers : M. Thiers seul était attaqué.
Que M. Sextius Aude, secrétaire non payé de M. Thiers, accepte pour salaire un entrepôt de tabacs et qu'il profite même de son influence pour améliorer les situations de plusieurs membres de sa famille, c'est chose naturelle, humaine, et qu'il serait barbare de critiquer outre mesure.
Le coupable, le grand coupable, le seul coupable dans tout cela, c'est M. Thiers, qui paye les gens avec les places de l’État.
Que M. Thiers, s'il le peut, se justifie ; qu'il nous écrive : nous insérerons avec bonheur sa lettre.
Mais rien… des Barthélemy Saint-Hilaire. »

Après son départ, Aude fut d'abord percepteur à Neuilly (janvier 1876), puis T.-P. G. à Ajaccio en novembre 1878 – il s'y trouve encore en 1891. En 1895 et 1898, on le signale en Aveyron, avant une ultime nomination à Montauban.


Robert Mitchell
Robert MITCHELL en zouaveEn zouave 
(Bayonne, 1839-Paris, 1916) Il n'a dû passer que brièvement au banc des comptes rendus, on ne sait à quelle date, à supposer que P. Bosq n'ait pas fait erreur. Mais s'il dit vrai, ce serait l'un des deux seuls secrétaires-rédacteurs (l'autre étant Amédée Le Faure) qui aient suivi la trajectoire inverse de celle de Gleizal, Levasseur et Despallières.
Né d'un père anglais ou irlandais et d'une mère espagnole, il eut pour parrain don Carlos qui, commençant son exil, nomme l'enfant capitaine de son armée en déroute. Robert Mitchell débute dans le journalisme à Paris, en 1856, à la Presse théâtrale. Parti à Londres l'année suivante, il rédige en anglais la partie littéraire du journal The Atlas, dirigé par son père, entre au Constitutionnel en 1860 comme rédacteur politique et, après être passé par Le Pays, Le Nord et L'Étendard, y retourne en 1866, en repart, y revient en 1869 comme rédacteur en chef. Il se fait alors le soutien d'Émile Ollivier. En 1870, il défend des positions hostiles à la guerre mais finit par s'engager dans les zouaves de l'armée de Mac-Mahon. Fait prisonnier à Sedan, il est envoyé en Silésie.
À son retour, il fonde Le Courrier français, qui attaque violemment le gouvernement Thiers, puis passe à La Presse, où il soutient le septennat personnel. En 1874, il refuse la direction de l'imprimerie et de la librairie et achète Le Soir, dont il fait un organe bonapartiste. En 1876, il est élu député (bonapartiste) de La Réole et siège dans le groupe de l'Appel au peuple. Candidat officiel, il est réélu en 1878. « Il se fit remarquer à l'Assemblée, peu à son avantage à coup sûr, par ses interruptions bruyantes et répétées et par l'étonnante fantaisie de ses propositions. » Il ne se représenta pas en 1881, échoua aux élections de 1885 et ne revint à la Chambre qu'en 1889, comme boulangiste. Battu en 1893, il se consacra dès lors au journalisme, collaborant au Gaulois où il mena campagne contre la révision du procès Dreyfus et, plus généralement, contre la politique laïque et républicaine.
Il était le beau-frère d'Offenbach et a été proche d'Ernest Daudet.
(Sources : Dictionnaires Vapereau, Bitard ; Dictionnaire des parlementaires d'Aquitaine sous la IIIe République, de S. Guillaume et al. )


Nous n'avons pu consulter les almanachs de 1874-1875, mais les listes de 1876, 1878 et 1879, identiques à un détail près, font apparaître quatre départs (Letellier, Gastineau, Lara-Minot et Aude) pour deux arrivées seulement : Paulian et Pierre. La seule différence entre elles tient à la présence, en 1878, de Le Faure.


Le service de l'analytique. La manière dont fonctionne l'avancement dans le service du compte rendu analytique de la Chambre des députés offre un salutaire exemple de régularité et de justice. M. A. Claveau, chef adjoint, avait succédé à son chef, Maurel-Dupeyré ; M. Gaston Bergeret avait remplacé, d'une façon aussi normale, M. Claveau. M. Paulian remplace à son tour M. Bergeret.
À la place de M. Paulian est nommé chef adjoint M. Léon Guillet (...)
Nulle dérogation, comme on le voit, aux droits acquis, nulle faveur. La Chambre, qui réclame si souvent contre l'arbitraire de certaines nominations, constate certainement avec plaisir que, depuis quarante ans, ses présidents et son bureau ont suivi cette bonne règle. Ce n'est pas l'éminent secrétaire général de la Présidence de la Chambre des députés, M. Eugène Pierre, qui les en eût dissuadés. Elle a donné de trop excellents résultats. (Le Figaro du 30 novembre 1910).

 

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Revue illustrée du 15 décembre 1893


27. Louis PAULIAN

Louis Paulian(Nice, 1847- Dieulefit, 1933) a donc pris le relais de Bergeret comme chef du service. Jean Pouillon aimait raconter comment, déguisé en mendiant et de faction à la porte d'un théâtre, Paulian, tendant déjà la main, ouvrit un jour par mégarde la portière du président de la Chambre des députés, qui s'étouffa : « Vous, monsieur le directeur ?! ».
Gendre de Frédéric Passy, il entre en 1871 au secrétariat général de la questure et, en avril 1873, au compte rendu analytique, d'abord comme secrétaire-rédacteur adjoint, puis (février 1876) comme titulaire. Chef en 1911, il prendra sa retraite en janvier 1918. Mais il est avant tout connu comme spécialiste des prisons et de la mendicité : voir Olivier Vernier, Des vagabonds aux SDF, pages 161-171.
Secrétaire du Conseil supérieur des prisons, membre de plusieurs sociétés savantes et littéraires.

« M. Louis Paulian occupe une place spéciale dans le monde de la Philanthropie. C'est avant tout un homme qui aime à connaître à fond les choses dont il parle. Venu à Paris, vers l'âge de vingt ans pour y faire son Droit, il s'est bien vite senti entraîné vers l'étude des questions sociales et de l'économie politique. Après avoir lu un grand nombre d'ouvrages spéciaux sur ces matières, il se dit que le seul moyen de se faire une idée exacte des classes dont il voulait étudier les moeurs, les aspirations et les besoins, c'était de vivre de la vie que menaient les malheureux qu'il voulait connaître. C'est ainsi qu'il s'est fait chiffonnier pour étudier les moeurs des chiffonniers pour lesquels il a toujours eu un faible spécial et dont il a, en toute circonstance, et notamment dans son livre La Hotte du Chiffonnier (1885), défendu et la réputation et les intérêts.
Les prisons n'ont aucun secret pour M. Paulian, qui non seulement connaît la plupart des établissements pénitentiaires de la France, de la Belgique, de la Hollande et de l'Italie, mais qui encore n'a pas hésité à voyager dans le panier à salade et à se faire enfermer en cellule pour se rendre compte de la vie du prisonnier et des améliorations qu'on pouvait apporter à ces différents établissements. C'est lui qui a été Rapporteur, devant le Conseil supérieur, du projet qui a abouti à la démolition de Mazas, de la Roquette et de Sainte-Pélagie et à la construction de la maison pénitentiaire de Fresnes qui est le plus bel établissement de ce genre qui existe en France et qui fait le plus grand honneur à son architecte M. Poussin.
Dans tous les Congrès pénitentiaires, M. Paulian a soutenu quelque question intéressante. En 1890, au Congrès de Saint-Pétersbourg, il proposait l'oeuvre de la Bibliothèque pénitentiaire internationale. En 1895, au Congrès de Paris, il fut chargé de la question bien délicate des moyens de prévenir la Prostitution des mineures. En 1898, au Congrès d'Anvers, il présentait et faisait adopter un mémoire sur la question suivante : "Peut-on sans cruauté interdire absolument la mendicité ?" La question de la mendicité est le grand cheval de bataille de M. Paulian. Nul mieux que lui ne connaît les souffrances des vrais pauvres et les fraudes des faux pauvres. Ici encore M. Paulian a eu recours à la méthode expérimentale. L'étude qu'il a publiée dans le journal Le Temps et son livre : Paris qui mendie, ont opéré une véritable révolution dans les façons de faire la charité. Le premier, M. Paulian a eu le courage d'attaquer notre code pénal, si dur et si injuste pour les malheureux, si faible, si impuissant lorsqu'il s'agit de punir de faux malheureux. Il a soutenu le droit pour chaque citoyen de tendre la main et de demander, en cas de besoin, aide et assistance à la société. Mais il a bien établi que, pour faire appel à la charité, il faut être dans le besoin et dans l'impossibilité de gagner son pain. Aussi, comme conséquence de cette théorie. M. Paulian propose-t-il de remplacer autant que possible l'aumône par le travail et de frapper sévèrement le faux pauvre. La campagne qu'il a entreprise et qu'il a énergiquement menée par sa plume et par sa parole a abouti à la création de nombreuses oeuvres d'assistance par le travail.
M. Paulian, après avoir, par des expériences curieuses et personnelles, démontré les fraudes considérables qui sont commises journellement par des gens qui n'ont du malheureux que l'apparence, a proposé tout un système de contrôle destiné à empêcher les doubles et les triples emplois en matière de charité. Au Congrès international d'assistance et de bienfaisance qui a été tenu en 1900 à Paris, sous la présidence de M. Casimir-Périer, M. Paulian a exposé son système de Création d'une Caisse centrale et d'un Hôtel central des oeuvres d'assistance publiques et privées. Depuis cette époque l'idée a fait son chemin ; l'Assistance publique et les sociétés privées se mettent d'accord pour exercer un contrôle sur leurs actes de charité. » (Dictionnaire biographique international des écrivains, de Henry Carnoy, 1902, dont est tiré le portrait).

Les expéditions de Paulian semblent avoir fourni un marronnier à la presse - en tout cas au Gaulois. Le 14 juin 1891, celui-ci publiait sous la signature "Tout-Paris" (un pseudonyme collectif) un article intitulé "Un faux mendiant" :

« Le faux mendiant, c'est M. Louis Paulian, secrétaire-rédacteur à la Chambre et chevalier de la Légion d'honneur.
La position qu'il occupe est des plus enviées, car, en dehors des séances qui, parfois orageuses, donnent une besogne difficile aux secrétaires-rédacteurs attablés devant la tribune, elle laisse assez de loisirs à ces honorables fonctionnaires pour qu'ils puissent se livrer à d'autres travaux plus littéraires. Les uns collaborent à différents journaux, d'autres font des romans ou des pièces de théâtre ; M. Paulian, qui est un érudit, étudie sur le vif le roman et le théâtre de la mendicité et nous donne les dessous de cette comédie.
M. Paulian est bien de sa personne : une large barbe d'un blond roux encadre sa figure. On se demande comment il a pu se déguiser en misérable, au point de tromper les âmes charitables ; il y a cependant très bien réussi, si bien même qu'une fois il a été arrêté par un agent de police, sous le porche de Saint-Germain-des-Prés, un dimanche matin qu'il avait déjà, en moins d'un quart d'heure, reçu treize sous.
- Que voulez-vous, lui a dit le sergent de ville, après avoir constaté son identité et ses passeports spéciaux, monsieur marquait trop mal ; il avait l'air d'un bandit.
Ce fait n'est-il pas la meilleure démonstration de la facilité qu'ont les naturels bandits à tromper le public ?
L'Illustration, qui met tant de soin à satisfaire ses lecteurs, nous donnait, hier, le portrait de M. Paulian à son bureau à côté de M. Paulian en joueur d'orgue. Vraiment la transformation est si complète qu'on peut se demander si c'est bien le même homme.
Nous avons rendu visite à M. Paulian, et il nous a raconté lui-même son odyssée.
Bien entendu, pour ses pérégrinations dans la basse pègre, il s'était muni de tous les papiers nécessaires et de tous les passeports en règle délivrés par la préfecture de police.
Il y a douze ans qu'il a commencé ce métier, il l'a continué à intervalles inégaux, traversant ou côtoyant toutes les spécialités de la tartuferie mendicale.
- Montrez-moi un mendiant, dit-il, et je vous dirai à quelle école il appartient... »
Et le journaliste d'énumérer : des écoles de chant, l'école des mendiants d'hôpital - qui revendent bas à varices ou linceuls fournis gratis -, ceux qui exhibent des enfants ou une infirmité, ceux qui exploitent un "poste" dans telle rue, ceux qui font le tour des diverses églises ou des oeuvres de charité. La conclusion - est-elle bien fidèle à la pensée de Paulian ? - est "tapée" : « M. Paulian ne demande pas la centralisation des oeuvres ; mais il est, avec raison, de ceux qui veulent l'aumône par le travail.
C'et ça qui éloigne les faux pauvres. »

Le très légitimiste comte Othenin d'Haussonville, neveu du duc de Broglie et autre spécialiste des prisons et de la misère à Paris, accompagnait parfois Paulian dans ses expéditions [Le Gaulois du 10 septembre 1887]. Voici ce qu'il écrit en 1894 dans la Revue des deux mondes, sous le titre "L'assistance par le travail" :
Quelqu'un qu'il faut consulter à ce sujet [l'aumône], c'est M. Paulian, secrétaire rédacteur au Corps législatif, mais aussi à ses heures chiffonnier et mendiant, ce qui doit être parfois plus intéressant. Lorsque M. Paulian préparait son premier volume d'études sociales : la Hotte du chiffonnier, j'ai eu le plaisir de chiffonner en sa compagnie, mais je n'ai jamais mendié, et je le regrette, car il a fait des expériences bien curieuses. Tour à tour cul-de-jatte, aveugle, chanteur ambulant, ouvreur de portières, ouvrier sans travail, professeur sans emploi, paralytique, sourd-muet, etc., M. Paulian est arrivé à se faire des journées d'une quinzaine de francs, et il a démontré en même temps, ce qui était son but, combien il est facile d'exploiter à Paris le bon coeur et la crédulité du public.
A ce point de vue, le livre de M. Paulian fait honneur aux Parisiens, et comme Parisien je suis tenté de lui en savoir gré. Mais, si j'étais mendiant, je lui en voudrais beaucoup, car il fait grand tort à cette corporation. Il dénonce en effet tous les ingénieux procédés, oserai-je dire les trucs des mendiants, pour vivre, sans rien faire, aux dépens du public, soit en demandant purement et simplement l'aumône dans la rue, soit en pratiquant le système plus ingénieux et plus relevé de la mendicité par lettres. »

Les prisons d'Italie (1873) ; La poste aux lettres (1881) ; La hotte du chiffonnier (1885, réédité par Hachette, 1890) ; Paris qui mendie, les vrais et les faux pauvres, mal et remède (Ollendorf, 1893 ; couronné par l'Académie, traduit en anglais, en russe, en néerlandais...) ; "La prison de Fresnes-lès-Rungis", in Le Monde moderne, 1900, IX, p. 661-668. Et, en 1902, il publie dans Minerva n° 1 un article d'une vingtaine de pages : "La Chambre des Députés, anecdotes et souvenirs d'un secrétaire-rédacteur".

le compte rendu sous Paulian

28. Eugène PIERRE

Eugène Pierre 1897« Fut élevé, en 1884, aux fonctions importantes de secrétaire général de la présidence de la Chambre des députés. Sa connaissance parfaite de la jurisprudence parlementaire, branche du droit constitutionnel qui, avant lui, était à peu près ignorée en France, et qu'il a vulgarisée en des ouvrages très clairs, quoique fortement documentés, ses qualités de tact, son infatigable activité, lui ont valu, dans les milieux politiques, une influence et une autorité considérables » (Une encyclopédie)

(Paris, 1848-1925) Né « dans une maison voisine du Palais-Bourbon, où il devait passer toute sa vie. Fils d'un fonctionnaire de l'Assemblée nationale, il fit de fortes études [au lycée Saint-Louis]. Il se destinait à l'École normale, mais la mort de son père l'obligea à abandonner ses projets. Il étudia le droit, entra, comme attaché, à la présidence de la Chambre, passa avec succès le concours des secrétaires-rédacteurs... » (Grande Encyclopédie). Selon Vapereau, il aurait été attaché à la présidence du Corps législatif en 1866 (à 18 ans) ; il devint secrétaire-rédacteur en février 1876 ; chargé du service des travaux législatifs en 1879 ; secrétaire général en 1885 – jusqu'à sa mort en 1925.
Il « a collaboré aux principales publications de droit constitutionnel ou parlementaire de M. Jules Poudra, son prédécesseur au secrétariat général de la présidence de la Chambre, mort en 1884, notamment aux suivantes :
Traité pratique de droit parlementaire ([1re édition en 1875, 2e en] 1879 ; supplément, 1880) ;
Organisation des pouvoirs publics, recueil des lois constitutionnelles, électorales, etc. (1881 ; nouvelle édition en 1889) ;
Code-manuel du conseiller général d'arrondissement (1880).
Il a publié seul :
Histoire des assemblées politiques en France, depuis le 5 mai 1789 (1877, t. I)
Lois organiques concernant l'élection des députés, la liberté de la presse et le droit de réunion, avec notes (1885)
De la procédure parlementaire, étude sur le mécanisme intérieur du pouvoir législatif (1887)
Traité de droit politique, électoral et parlementaire (1893). »
À cette liste dressée par Vapereau en 1895, on peut ajouter : Les nouveaux conseils de l'enseignement (1880), Du pouvoir législatif en cas de guerre (1890), Les nouveaux tarifs de douane et La réforme des frais de justice (1892), Organisation des pouvoirs publics : politique et gouvernement (1897), etc. L'oeuvre de Pierre la plus connue étant bien évidemment le Traité de droit politique, électoral et parlementaire « qui fut édité de nombreuses fois à partir de 1894 et qui exigea rapidement la publication d'un supplément (il y eut six rééditions du Traité et cinq de son Supplément, les dernières datant de 1924 et 1925) », précise Pierre Favre [in "La constitution d'une science du politique", Revue française de science politique, vol. 33, 1983, pp. 214-215].

On consultera avec fruit la page qui lui est consacrée sur le site de l'Assemblée.

« M. Eugène Pierre, secrétaire général de la Chambre, a succombé, hier matin, vers 10 heures, des suites d'une crise d'urémie. Le défunt, qui était veuf depuis vingt-cinq ans, et n'avait pas d'enfant, ne laisse aucune parenté immédiate. (...) Les obsèques auront lieu après-demain vendredi à l'église Sainte-Clotilde.
M. Eugène Pierre est décédé dans son appartement privé du Palais-Bourbon, son corps sera transporté dans le cabinet de travail du secrétariat de la Chambre, qui sera transformé en chapelle ardente.
La désignation du successeur de M. Eugène Pierre n'aura lieu officiellement qu'après les obsèques mais d'ores et déjà le choix du bureau de la Chambre s'est porté sur M. Carrier, chef des secrétaires-rédacteurs. Cette nomination était, dès hier, très favorablement accueillie dans les milieux parlementaires. »

Eugene PIERRE« M. Eugène Pierre, secrétaire général de la présidence de la Chambre, expira hier matin.
Rappeler les mérites si rares d'un tel fonctionnaire serait encore trop peu. Il faudra, quelque jour, mesurer l'importance de sa personnalité à l'influence qu'elle exerça sur le parlementarisme français. Dès à présent, la mort de ce gardien des usages et interprète des textes législatifs est une petite révolution.
Quand il passait courbé, vêtu de noir, le front lourd, la serviette au côté, suivant le Président ou le vice-président de service, entre les gardes qui faisaient la haie, dans le bruit des tambours, on imaginait tantôt la Sagesse surveillant l'Imprudence et tantôt le Châtiment attaché aux pas de l'Ambition. C'était une grande leçon de morale que recevaient ainsi, par hasard, les visiteurs de la Salle des Pas-Perdus, attachés, sous-préfets, journalistes, électeurs. En séance, là-haut, derrière le fauteuil présidentiel, il semblait ne rien voir ni entendre mais, dès qu'un tumulte éclatait, sa silhouette apparaissait, debout, sur le bord du gouffre, auprès de son chef, comme une victime et une menace. Aussitôt, le Président devenait méchant ou cherchait son chapeau.
Le “coup du chapeau”, merveille réglementaire qui suspend le pouvoir législatif par la magie d'un geste discourtois, M. Pierre regretta peut-être toute sa vie de ne pas l'avoir inventé.
Il incarnait la seule puissance qui demeure respectée des foules : le Règlement.
En démocratie, l'autorité c'est le Règlement, et la liberté c'est encore le Règlement. Ainsi M. Pierre passa pour un excellent homme, pour un tyran et pour un ferme républicain, parce qu'il était le Règlement, l'origine, la fin et la justification de tout, même du temps perdu.
Ayant renversé le pouvoir personnel, nous vivons sous le règne du texte. Mais la Loi n'est rien à côté du Règlement. M. Pierre le constata pendant cinquante ans, puisqu'un simple paragraphe de “son” règlement lui permettait d'accomplir des choses incroyables : fermer la bouche aux législateurs ou les mettre à la porte. On comprend cette sorte d'ivresse close qui le garda de toute autre ambition et le soutint jusqu'à l'extrême vieillesse dans une atmosphère peu recommandable.
Si la loi n'existe que par le règlement, le règlement n'agit que par l'interprétation qu'on en donne et l'application qu'on en fait. Maître d'une liturgie complexe dont personne n'eût osé contester le principe M. Pierre pouvait contempler avec dédain l'agitation des législatures éphémères.
Sa méthode et sa minutie étaient capables, à force de prévision, d'emprisonner jusqu'à l'avenir. Mais sa faiblesse, bien excusable, fut de ne pas sentir que tout vieillit, même les “cas à prévoir”. Il laissa le Parlement s'empêtrer dans des rites désuets, que devaient fatalement déborder l'anarchie des esprits et la nouveauté des problèmes. » (Lucien Romier, Figaro du 8 juillet 1925).

« Pour des raisons mal définies, Eugène Pierre passe encore, dans le monde parlementaire, pour une espèce de génie irremplaçable. En réalité, c'est Eugène Pierre - et la postérité ratifiera la véracité de cette constatation dénuée de toute malveillance (amicus Plato, sed magis... etc.) - qui est l'une des causes, sinon l'unique cause, de la désaffection dont se plaint le parlement. C'est à lui que nous devons ce règlement désuet, ces mille chausse-trapes, complications, dédales, pièges, lacets dans lesquels, encore aujourd'hui, s'empêtrent nos malheureux législateurs. C'est à lui que nous devons cette espèce de monstre barbare et protéiforme qui s'appelle le "précédent". Eugène Pierre avait passé son existence à perpétrer un énorme bouquin en six ou sept volumes, tous in octavo, qui ne prétendait à rien moins qu'à codifier toute la matière législative et qu'il avait, à cette fin, modestement intitulé Traité de droit politique et parlementaire. Dans cette indigeste compilation, qu'il polissait et repolissait chaque année, il était parvenu à réaliser cette formidable gageure de “codifier le précédent”.
Eugène Pierre n'avait-il pas aussi, un beau jour, imaginé le "procès-verbal inaltérable" ? Ne s'était-il pas avisé de faire recopier ce compte rendu à la main, par un calligraphe, sur un parchemin tellement parcheminé qu'aucune morsure du temps ne pût avoir d'action sur lui ? Seulement, comme l'encre prend difficilement sur un support de ce genre, il fallait au copiste un mois environ pour reproduire en ronde et en bâtarde une séance de sept ou huit pages à l'Officiel, ce qui est un minimum. De sorte qu'au moment où Eugène Pierre mourut, le travail n'en était encore qu'aux derniers jours du corps législatif. Un statisticien avait, calculé que de ce train il faudrait trois siècles au calligraphe, et encore sans manger, boire ni dormir, pour arriver jusqu'à 1900. Ai-je besoin d'ajouter que la jeune présidence d'aujourd'hui a, là aussi, fait passer un souffle purificateur et que le “procès-verbal inaltérable” a disparu ? On se contente de faire réimprimer la composition de l'Officiel sur un alfa suffisamment résistant pour que l'on soit sûr qu'il bravera les injures de la postérité la plus reculée. » (Le Quatrième Questeur, L'Illustration, juin 1932).

 

29. Amédée LE FAURE

Amédée LE FAURE(1838-1881) est le second secrétaire-rédacteur passé ensuite de l'autre côté de la barrière. Il suivit la guerre de 1870-71 comme journaliste pour La France, ce dont il tira une Histoire de la guerre franco-allemande en quatre volumes, avec portraits, cartes, etc. (1878). Secrétaire-rédacteur en mars 1876, il fut élu député de la Creuse (Aubusson) en 1879 et réélu en 1881. "Il siégeait à l'Union républicaine et s'était fait une spécialité des questions militaires".
Il a dirigé la publication d'un Dictionnaire militaire et écrit : Aux avant-postes ; Atlas de la guerre de 1870-71 ; Procès du maréchal Bazaine ; Les lois militaires de la France, commentées et annotées ; La guerre d'Orient, 1876-77...
Alors qu'on le voyait bientôt ministre de la guerre, il mourut d'un accès de malaria après un voyage en Tunisie.

 


30. Léon GUILLET

Léon Guillet(Nantes, 1846 - février 1918), fils de confiseur. Il entre au compte rendu en mai 1879, à la faveur du concours organisé pour remplacer Le Faure. Il devient directeur adjoint en 1910, puis succède à Paulian comme « chef de ce personnel d'élite » qu'étaient les secrétaires-rédacteurs (selon les termes du Figaro et du Gaulois) quelques jours seulement avant sa mort - à 71 ans !
En 1910, le Figaro en parle comme « ayant autrefois rendu compte des séances [de la Chambre] dans un journal de Paris » et « actuellement » doyen des journalistes parlementaires et latiniste distingué. En 1918, le même journal indique qu'il aurait débuté dans le journalisme « il y a près de cinquante ans » et poursuivi cette carrière tout en travaillant à la Chambre, mais il semble qu'il n'ait plus rédigé que la chronique hippique du Temps, journal républicain conservateur.

Cependant, Guillet est plutôt un vétéran de la presse de centre gauche. En 1869-1870, il avait collaboré au Rappel du clan Hugo, ainsi qu'à la Presse libre de Malespine, devenue La Réforme en mai 1869, où il rédigeait un "carnet parisien" et côtoyait de futurs Communards. Après la guerre, on le retrouve au Gaulois de Tarbé, qu'il quitte en mai 1871 en même temps que Francisque Sarcey, et au Charivari auquel il donne des chroniques rimées à la manière d'Armand Gouzien en 1870-1873. En 1872, en collaboration avec Robert Delizy, il tient également un "carnet parisien" à L'Événement d'Edmond Magnier, où se rencontraient Halévy et Alphonse Daudet. Il semble n'avoir commencé à tenir la chronique parlementaire qu'en entrant au XIXe siècle de Gustave Chadeuil, journal orléaniste soutenant Thiers, en 1871-72. Dans les années 1874-77, il est rédacteur (et même secrétaire de rédaction) du Courrier de France de Guyot-Montpayroux, un journal de centre gauche, avant de passer à La Presse rachetée par l'industriel Hubert Débrousse (qui avait fondé le Courrier de France) et où sa présence est attestée en 1878. Son orientation politique est encore confirmée par le rôle de secrétaire qu'il aurait tenu à partir de 1873 et pendant plus de trente ans auprès du député de l'Orne Jules Gévelot - également maire de Conflans et industriel de la cartouche.

En 1869, Guillet aurait travaillé avec Edmond Bazire à une comédie en trois actes, Un homme, pour le Vaudeville et aurait eu dans ses cartons une courte pièce, Heureux en amour. Lorsque Paul Bosq (voir supra) le dit « passé maître dans l'art des quatrains », il pense certainement à ses chroniques rimées mais on trouve ici ou là des allusions à des poèmes de circonstance, lus lors de cérémonies à Domfront ou de réunions de l'association des anciens élèves du lycée de Nantes ; d'autres ou les mêmes sont cités dans la Bretagne artistique et littéraire en 1885, 1886, 1905, mais on s'abstiendra de reproduire son « Effet de neige », paru en 1888 dans la Revue illustrée de Bretagne et d'Anjou. En 1923, ses oeuvres poétiques posthumes ont été publiées sous le titre Les deux sources (En revanche, « Allez, les enfants... et vous serez des chefs », que lui attribue le catalogue de la BNF, est de son homonyme, directeur de l'École centrale).

 

En février 1880, le Bureau de la Chambre « a nommé secrétaire-rédacteur M. Bourdon, ancien procureur de la République à Lille, et a désigné M. Jules Clère pour remplir la première vacance qui se produira dans ce service. »Le troisième au concours étant Jules Dalsème, « rédacteur du Petit Journal ».

31. Georges BOURDON(-VIANE)

(1840-1905) Entré en mars 1880, il partit en 1900. Procureur impérial à Saint-Omer en 1870, il avait été nommé à Lille après le Quatre-Septembre... et révoqué en mars 1871 par M. Dufaure et dû subir diverses tracasseries – il est vrai qu'il appartenait, comme Géry Legrand et Bergeret, au groupe du Progrès du Nord. Bourdon se fit alors inscrire au tableau des avocats. Docteur en droit, "professeur libre", auteur d'un Manuel élémentaire de droit international privé (1883) et de divers autres manuels de droit. C'est lui qui a préparé Mlle Bilcesco, une Roumaine, au doctorat en droit, qu'elle fut la première femme à obtenir en France (1890) mais il a aussi été condamné en 1893 pour avoir reproduit et publié sous son nom des cours d'Adhémar Esmein. A tenu la chronique parlementaire au Temps. A également collaboré au Figaro, où un de ses articles lui valut en 1901 d'être boxé par Francis de Croisset. Mort à 67 ans d'une attaque de goutte.


32. Jules CLÈRE

CLERE(Paris, 1850-1934), publiciste. Après le lycée Henri-IV et des études de droit, débuta au Courrier de Paris par des articles de critique littéraire sous le nom de Jules Rècle. Il appartint successivement à La Réforme, au Courrier français de Vermorel, à la Revue de la Décentralisation, etc. avant d'entrer en 1871 au National dont il fut pendant des années le collaborateur quotidien. A écrit Les hommes de la Commune, biographie complète de tous ses membres (Dentu, 1871) ; Histoire du suffrage universel (1873) ; Étude historique sur l'arbitrage international (1874) ; Le Congrès de Bruxelles (1874) ; Biographie des députés (1875 ; 1877) ; Biographie complète des sénateurs (1876) ; Les tarifs des douanes, tableaux comparatifs (1880). Avant de devenir secrétaire-rédacteur en janvier 1881, il a été secrétaire des commissions parlementaires des traités de commerce et du tarif général des douanes, et secrétaire adjoint de l'Institut de droit international aux sessions de Paris et de Bruxelles (1878 et 1879). Hors cadres en 1901, secrétaire-rédacteur honoraire en 1911, il a vraisemblablement pris sa retraite en 1910, à soixante ans. Considéré comme spécialiste de questions de droit international et d'économie politique, il a été ensuite vice-président de la Société des gens de lettres et membre très actif de son comité pendant dix-huit ans, se faisant le défenseur du domaine public payant.

 

 

33. Jules DALSÈME

(Nice, 1845-1904). Polytechnique (1865), puis École d'application de Metz. Donne sa démission de sous-lieutenant en 1869 pour entrer dans le professorat : enseigne les mathématiques à l'école normale d'instituteurs de la Seine. Écrit plusieurs ouvrages en collaboration avec son frère aîné Achille : Les mystères de l'Internationale, son origine, ses buts, ses chefs (1871) ; Paris pendant le siège et la Commune (1871) ; Histoire des conspirations sous la Commune (1872) – tous deux appartiennent à la rédaction du Petit Journal. Seul, il publie plusieurs ouvrages élémentaires sur la géométrie, l'algèbre et la tachymétrie (géométrie intuitive !). En 1882, donne La monnaie, histoire de l'or, de l'argent et du papier ; en 1883, L'art de la guerre, simples notions et Le baillon. Entre au compte rendu en mars 1883 et y reste jusqu'à sa mort. A tenu pendant quelque vingt ans la chronique parlementaire du Petit Journal, utilisant parfois le pseudonyme collectif des rédacteurs, Thomas Grimm ; il en aurait démissionné au moment du boulangisme. Également ancien rédacteur du Temps. Bergeret insista lors de ses obsèques sur sa réserve. (Sources : Vapereau, 1893 ; Polybiblion, Le Temps et L'Univers israélite, 1904).

 

34. Jean-Baptiste MISPOULET

(Montpezat, 1849 - Paris, 1917), docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Paris, chargé de cours à la faculté des lettres de Paris. Le régime des mines à l'époque romaine, Le mariage des soldats romains, Les institutions politiques des Romains (2 vol., 1883), La vie parlementaire à Rome sous la République, essai de reconstitution des séances historiques du sénat romain (1899). Entre au compte rendu en février 1885.

« Doyen des secrétaires-rédacteurs de la Chambre des Députés, J.-B. Mispoulet est mort à Paris au mois de mai 1917. Élève de Léon Renier au Collège de France et d'E. Desjardins à l'École des Hautes-Études (1876-1878), il avait préparé, avec R. de la Blanchère et l'abbé Thèdenat, un Manuel d'Épigraphie romaine, d'après les cours de Léon Renier et de Desjardins. M. Châtelain veut bien m'apprendre que dans ce Manuel, resté inédit, le chapitre IV : “Pouvoirs de l'Empereur, carrières sénatoriale et équestre”, était l'oeuvre propre de Mispoulet. En 1882-3, Mispoulet publia en deux volumes Les Institutions politiques des Romains, ouvrage très sérieux, fondé en partie sur des recherches personnelles et qui a rendu de très bons services ; il est depuis longtemps épuisé. Jusqu'à la fin de sa vie, Mispoulet ne cessa pas d'écrire des mémoires sur l'épigraphie et les antiquités romaines; il était particulièrement compétent sur l'archéologie militaire (voir la Revue de Philologie, les Comptes rendus de l'Académie des inscriptions, etc.). Modeste autant que laborieux, il ne rechercha ni distinctions, ni places. De 1883 à 1889, il fit, à la Sorbonne, un cours libre sur les institutions romaines ; de 1904 à 1908, il donna à l'École des Hautes-Études une conférence supplémentaire (et gratuite) sur les institutions et l'épigraphie du IVe siècle. Parmi ses auditeurs, pour la plupart des étudiants en droit, figura un jeune homme dont les études romaines attendent beaucoup, M. Piganiol.
Mispoulet qui manquait de qualités brillantes, joignait à une science solide beaucoup de bonté. Personne n'a fait appel en vain à son érudition et à sa complaisance ; sa mort a contristé de nombreux amis qui, presque tous, étaient devenus ses obligés. » (S. R., Revue archéologique, 1917, p. 353)


La Société archéologique du Tarn-et-Garonne publia la nécrologie suivante :
« M. le chanoine Galabert a adressé la note suivante sur la vie et les travaux de ce savant aussi modeste que laborieux : “Né à Montpezat le 15 avril 1849 ; après avoir fait ses études aux lycées de Montauban et de Cahors, il se rendit à Paris à dix-sept ans, et par ses travaux il put venir en aide à ses parents que le phylloxéra avait ruinés. Il s'engagea à l'armée de l'Est et y mérita la médaille militaire dont il était justement fier. Ayant conquis le doctorat en droit, le diplôme de l'École des Hautes-Etudes, il écrivit divers ouvrages et plusieurs mémoires qui lui valurent une grande notoriété dans le monde savant. En 1885 et les deux années suivantes, il fit à la Sorbonne un cours libre sur l'histoire et l'épigraphie romaines; il en fit un autre vers 1902.
Entré le 15 janvier 1885 à la Chambre des députés comme secrétaire-rédacteur, il remplit cette fonction pendant trente-deux ans, jusqu'à sa mort. À ce travail considérable et déjà absorbant il joignit le secrétariat de la Commission des chemins de fer, celui de la Commission d'enquête sur le canal de Panama. Pendant les quinze dernières années il rédigea pour le Journal Officiel les comptes rendus des Académies des Inscriptions et Belles-Lettres, des Sciences morales et politiques, ceux de l'Académie française et de l'Académie des Beaux-Arts. Au milieu de ces travaux absorbants il trouva le temps d'écrire, en 1882, Institutions politiques des Romains, qui lui valut le prix Kenigsmarter ; Manuel de droit romain, d'après Pellat, ouvrage très remarqué ; en avril 1899 il présenta à l'Académie française La vie parlementaire à Rome. Cet ouvrage, qui lui valut le prix Bordin, devait être complété par un volume intitulé Le IVe siècle, qui a été interrompu par la mort.
Ces travaux ne l'empêchèrent point d'écrire divers mémoires sur le mariage des soldats romains, sur les spurii, etc.; l'un d'eux fut récompensé par le prix du Budget. Il fit encore diverses communications, notamment sur l'Inscription de la plaque de bronze de Narbonne (maintenant transportée au Louvre) ; sur les Mines d'Alpustrel en Portugal ; sur un Diplôme de soldat romain ; sur une plaque de bois trouvée à Alexandrie, donnant congé à un légionnaire ; sur une pièce de monnaie absolument unique.
Un labeur incessant avait ébranlé la santé jadis brillante de M. Mispoulet ; sans autre avertissement préalable la mort est venue le surprendre à Paris le 15 mai dernier.” »


35. Paul SOUBEIRAN

(Avignon, 1843-1904) journaliste républicain (et libre-penseur), proche de Gambetta et de Louis Blanc, il collabora comme tel au Paris, à la République française, puis à L'Homme libre. Décoré de la Légion d'honneur en 1887, pour « 18 ans de services dans la presse » et « belle conduite pendant la guerre de 1870-71, 1 blessure. Titres exceptionnels. » Entré au compte rendu en février 1885 comme Mispoulet, il y resta également jusqu'à son décès.


36. Émile DERAINE

(Paris, 1848- Paris, 1920), fils de libraire. Est surtout spécialiste de l'histoire de Château-Thierry et donc de la biographie de La Fontaine et de son ménage : Au pays de Jean de La Fontaine (2 vol., 1909 et 1912). Vice-président très actif, quoique souvent retenu à Paris, de la société d'histoire locale, qu'il inonde de communications à partir de 1905.
Son dossier de la Légion d'honneur donne l'état de ses services : « 1885 : secrétaire adjoint des commissions de la Chambre des députés ; secrétaire-rédacteur stagiaire. 1890 : secrétaire-rédacteur ; secrétaire adjoint de la commission de l'armée. Délégué cantonal de la ville de Paris depuis 1877.
Services militaires : campagne de 1870 dans la mobile. [De 1876 à 1901], sous-lieutenant de réserve d'artillerie, puis de l'armée territoriale ; puis lieutenant et capitaine. 1892 : secrétaire général de la société de tir à canon de Paris (École d'instruction annexe du gouvernement militaire de Paris). » En fait, il serait devenu titulaire en juillet 1888 et aurait pris sa retraite en 1906.

 

37. Alphonse PAGÈS

(Paris, 1836-1894). Lorsqu'il meurt d'une embolie à 58 ans, on signale qu'il était secrétaire-rédacteur depuis huit ans. Il est en fait entré comme Deraine en juillet 1888, après trois ans comme commis du service des commissions, et est resté jusqu'à sa mort. Cependant, l'almanach de 1889 ne le mentionne pas...
 Après le collège Sainte-Barbe, commença des études d'ingénieur (École des Mines) qu'il abandonna pour le journalisme et la littérature. Il débuta au Causeur de Louis Jourdan [il y publie en 1860 un poème intitulé Le Progrès] et au Soleil de Jules Noriac; collabora successivement à l'Avenir national (Desonnax), à L'Homme libre (Louis Blanc), aux Nouvelles de Paris, au Globe, etc., et enfin au National où il rédigea, à partir de 1878, la chronique judiciaire.
Pendant le Siège, a fondé et animé presque à lui seul un quotidien à cinq centimes, La Populace, devenu La France nouvelle, « dont le titre a été repris depuis par le parti clérical ».

Gendre du directeur de l'Odéon Charles La Rounat, il est auteur de pièces de théâtre (Molière à Pézenas, comédie en un acte et en vers, Odéon, 1867 ; La citerne des Feuillants, drame en cinq actes joué en 1868 au théâtre Beaumarchais ; La dernière leçon (1868, avec son frère Abel qui signe Henri Hazart) ; L'honneur du nom, drame en deux époques et dix tableaux, d'après Monsieur Lecoq et en collaboration avec Gaboriau, 1869 ; Colombine, avocat pour et contre, comédie en un acte, en vers), et de traductions de Poe (Le Scarabée d'or), de Kotzebue (Misanthropie et Repentir, 1858 ?, joué en 1863 à l'Odéon) et du Norvégien Björnson (Synnövé Solbakken, 1868, avec F. Baetzmann). Vice-président de l'Association littéraire internationale.
Promoteur de l'enseignement populaire, il participe à l'entreprise de l'École du peuple (1860 à 1863) : on le décrit comme le "grand vicaire" du directeur, l'ouvrier tapissier Théodore Six. En 1868, fonde l'Écho de la Sorbonne, "moniteur de l'enseignement secondaire des jeunes filles", qu'il dirige pendant six ans, avec la librairie du même nom, en association avec sa mère (?), Mme Vve Boulanger. Donne des conférences, publie de nombreux livres dont : un Amadis de Gaule (Bibliothèque de Don Quichotte, 1868) ; un Balzac moraliste (1866) ; une anthologie des Grands poètes français (1873, rééd. 1882) ; Questions d'enseignement. Les écoles d'apprentis (1879).

Le Dictionnaire de Jules Lermina (1885) conclut ainsi sa notice : « Tout en étant revenu, par [s]es dernières productions, à la littérature d'imagination, que sa campagne en faveur de l'instruction laïque des jeunes filles lui avait fait abandonner depuis 1870, Alphonse Pagès ne délaisse pas la critique et l'histoire littéraires. Il écrit une grande Histoire illustrée de la littérature française sur un plan tout à fait nouveau et a réuni, en vue de cet ouvrage, une collection iconographique déjà considérable. » 
De la littérature populaire relevait peut-être déjà un Spartacus pour lequel Saint-Saëns écrivit une ouverture (1862). Les années 1880 semblent être en tout cas pour Pagès celles du roman-feuilleton, purement et simplement, avec des titres comme Grondache et Cie - articles de piété (1886) ; Le mystère de Mantes (1887) et Les victoires de l'amour (1888) – ces deux derniers avec son  frère Abel-Henry Hazart – ; L'homme aux 600 000 fr. (1889)...

Dans sa nécrologie (Le XIXe siècle du 20 décembre 1894), H. Fouquier insiste sur le républicanisme de Pagès.

 

38. Hippolyte LEMAIRE

(1849-1908) : « jeune professeur [de mathématiques, semble-t-il, et d'abord en province], très populaire au Quartier latin et très lié avec toute la colonie artistique de la rue Notre-Dame des Champs », écrit le Figaro en 1882 ; « gendre de feu M. de Bouteiller, dernier député de Metz au Corps législatif  ». Commence par écrire des nouvelles avant de se consacrer au théâtre. Avec Philippe de Rouvre, qui est déjà secrétaire-rédacteur au Sénat, il donne à l'Odéon, en 1882, une pièce en quatre actes, Le mariage d'André (mariage qui se serait révélé incestueux si la belle-mère n'avait, elle aussi, été infidèle ; la critique mit cette intrigue turpide sur le compte de la jeunesse). En 1888, succède à Monselet comme critique dramatique au Monde illustré. Devient secrétaire-rédacteur en mai 1895. Lecteur-examinateur à la Comédie française à partir de 1904, il collabore néanmoins aux Archives parlementaires. Meurt à 59 ans d'une crise de diabète, l'année où paraît L'eau qui dort.


39. Gaston BARBIER

(1866, La Ferté-Gaucher - 1921, Rumigny, Ardennes), arrivé en mai 1895 après huit ans au service des commissions, il finit chef du service (1919-1921). « Collaborateur assidu du Parlement et l'Opinion¸ secrétaire adjoint de plusieurs commissions de la Chambre des députés, notamment de la commission d'assistance et de prévoyance sociales », d'après la nécrologie du Figaro. Officier de la Légion d'honneur en 1919 au titre du ministère du travail. Voir aussi la nécro de Polybiblion, 1921, p. 142. A travaillé avec Louis Claveau aux Archives parlementaires.


40. Paul MERLIN

(1861-1931) était fils et frère de gouverneurs des colonies. Avocat à la cour d'appel. Secrétaire-rédacteur adjoint en mai 1895 comme Gaston Barbier. Deviendra chef adjoint. Le premier peut-être à prendre sa retraite à soixante ans, en décembre 1921. Lorsqu'il meurt à 70 ans, d'une mauvaise grippe, il n'était que rédacteur politique au Temps. « Dans le monde parlementaire, on appréciait hautement sa compétence, la sûreté de ses jugements et  sa courtoisie confraternelle » (Le Figaro). Ses collègues semblent avoir eu un autre avis : il est resté célèbre dans le service pour ses absences à répétition et Paulian, excédé, avait constitué un dossier de ses mots d'excuse, probablement avec l'idée de sévir. Mais peut-être était-il vraiment de santé fragile...


41. Louis CLAVEAU

(Paris, 1858-1933), fils d'Anatole. Commis au bureau de l'expédition des lois et des procès-verbaux à partir de 1884. nommé secrétaire-rédacteur le 1er janvier 1900. Collaborateur, puis un des "continuateurs" de Mavidal et Laurent (à partir du tome LXXII) pour la publication des Archives parlementaires. Secrétaire de la Société des études robespierristes. Prend sa retraite en octobre 1919.


42. Paul CARRIER

Carrier(Sedan, 1874-1948). Après Louis-le-Grand, licence de lettres et de langues vivantes à la Sorbonne. Passe le concours de secrétaire-rédacteur en 1902 tout en préparant l'agrégation d'allemand qu'il obtiendra ensuite. Secrétaire administratif de la commission de l'armée, il assiste Maurice Berteaux dans l'élaboration de la "loi des deux ans" (1905).
Succède en 1921 à Gaston Barbier, à la tête du CRA, et en octobre 1925 à Eugène Pierre, comme secrétaire général (de la présidence jusqu'en 1931, de la Chambre de 1931 à 1941).

 

 

 

 

André MESUREUR (1877-1964) a brièvement émargé à partir de mars 1903 – peut-être n'est-il pas allé au-delà de la période d'essai. C'était le fils de Gustave, premier président du parti radical socialiste... et vice-président de la Chambre jusqu'en 1902. André suivit son père à l'Assistance publique quand celui-ci en fut nommé directeur général, et fit là toute sa carrière, terminant comme receveur de l'AP.

 
43. Georges ROUSSEAU-DECELLE

(La Roche-sur-Yon, 1878-Préfailles, 1965). Après le lycée Henri-IV, fait son droit et Sciences-Po. Docteur en droit. Devient secrétaire-rédacteur en décembre 1903 et chef en 1921 – jusqu'en janvier 1943, officiellement. « Dans les années 40, fut même inspecteur des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Après la guerre, il reprit du service et créa le service du compte rendu analytique de la nouvelle Assemblée de l'Union française qui siégeait au château de Versailles. Il travailla également pour le Conseil économique ».
Il est surtout connu pour son exceptionnelle collection de papillons et pour ses articles dans la Revue d'ornithologie. Vice-président de la Société nationale d'acclimatation. Son frère René, peintre, est connu pour quelques toiles comme « Jaurès à la tribune » (Séance à la Chambre des députés)...


44. Henry DALSÈME

(1875-1965), fils de Jules. Licencié ès-sciences, il enseigna à partir de 1901 dans le primaire supérieur, puis fut reçu secrétaire-rédacteur en avril 1904. Secrétaire de la commission de l'administration générale. Journaliste à la Petite République. Bien qu'amputé en 1909 de l'avant-bras gauche, servira en 1914 aux étapes. Chef adjoint en 1925. À son départ à la retraite en 1941, il est nommé chef de service honoraire. Il dirigera après la guerre le secrétariat de la Commission de la Constitution et sera, de 1947 à 1951, chef adjoint du compte rendu analytique de l'Assemblée de l'Union française. Maire de Meudon (1912-1922, 1925-1929 et 1936-1940).


45. René MILLAUD

(1875-1960). Issu du remariage de la chanteuse Anna Judic avec Albert Millaud, ancien chroniqueur parlementaire du Figaro et librettiste d'Hervé (Mam'zlle Nitouche), d'Offenbach et de Lecocq. Il est donc le petit-fils de Moïse Millaud, fondateur du Petit Journal. Docteur en droit. Secrétaire-rédacteur de décembre 1904 à 1938. Ami d'Édouard Herriot, de Tristan Bernard, etc., il est membre de l'Académie des gastronomes (1932 : Le club des Cent ; histoire d'un club gastronomique) et de la société J.-K. Huysmans. Il est également amateur de photographie  (La Photographie, 1924) et à partir de 1907, il photographie les députés avec un appareil-espion fabriqué par Gaumont ; il aurait été le premier à utiliser un appareil 35 mm en 1905.
 MILLAUDPhotographié (debout, au centre) en 1907
avec Jules Renard, sa mère Anna Judic, et Mme Jules Renard


A publié, outre l'article cité plus haut (« Le laboratoire d'où sortent nos lois », Science et vie, juin 1914, p. 305 et sv.), La Chambre des députés, guide pratique des séances, 1933.

 

 

 


46. Pierre-Édouard WEBER

né à Bâle en 1871. Avocat à la Cour d'appel de Paris, de 1894 à 1906. Entre au compte rendu en février 1906. Y serait resté jusqu'en 1936. Spécialiste d'hygiène sociale (L'ouvrier stable et l'habitation ouvrière - en collab., 1897). Trésorier de la Ligue anti-allemande pendant la première Guerre mondiale.

 

47. Charles COLAS

(1879-?) Entre en juin 1909 après avoir été rédacteur au ministère des travaux publics. Licences de lettres et de droit. Publie en 1912 un Guide de l'électeur présentant la nouvelle loi électorale et a écrit au moins un article (sur "L'indemnité parlementaire"). Chef en 1943. Caporal en août 1914, il avait été fait prisonnier à Dixmude ; avant d'être rapatrié comme grand blessé en octobre 1917, il avait été interné en Suisse où il fut l'un des organisateurs du "Sanatorium des alliés".

 

48. Fernand GALMARD

(Mamers, Sarthe, 1863 - 1913). Professeur de philosophie et publiciste, il est nommé secrétaire-rédacteur en mars 1911 et meurt peu après.

 

49. Adrien PAULIAN

(1886-1967), fils de Louis Paulian. Docteur en droit, avec une thèse sur « La recognizance dans le droit anglais. Contribution à l'étude de la liberté individuelle » (1911), il traduisit aussi, de l'anglais, une Esquisse du droit criminel anglais (1921). Commis en 1907, il était attaché au secrétariat général en 1912. Devient secrétaire-rédacteur en mai 1913. Il dirigera le service sous la Quatrième République jusqu'en 1952 (voir Le dernier siècle).

 

50. Pierre (de) PRESSAC

La particule n'est pas d'origine ! (Bar-le-Duc, 1878-1955). Études de lettres et de droit. Archiviste-paléographe, il est archiviste de la Chambre à partir de 1904, et devient secrétaire-rédacteur en 1914, jusqu'en 1933. Secrétaire de la commission des mines et de la force motrice. En 1926, il entre au conseil municipal de Paris au titre du 3e arrondissement (Arts-et-Métiers), et en sera un temps vice-président – son mandat est prolongé en 1940. A adhéré au Rassemblement national populaire de Déat et collaboré à La Gerbe d'Alphonse de Châteaubriant.

Auteur de Les forces historiques de la France, La tradition dans l'orientation politique des provinces (1928), de Considérations sur la cuisine (1931) et de Bernadotte, un roi de Suède français (1942), ainsi que de brochures ( L'échiquier politique et parlementaire, 1930 ; À la recherche de l'argent perdu, 1936...).

 

 Je n'enfreindrai mon engagement de discrétion sur cette période qu'avec ces deux photos, communiquées par Raoul Dubois.

Le premier cliché date de 1950 environ. Y figurent  les secrétaires des débats de l'époque, moins Pierre Guille et Jacques Lassaigne.

CRA fifties Copier

De gauche à droite : Raoul Dubois, Jean Meunier, Adrien Paulian (directeur du service, partiellement caché), Pierre Julien, Jean Peyssard, Jean Pouillon, Louis Michaud (directeur adjoint), Maurice Huguet, Henri Mancardi. Assis : André Tranchand et Bernard Pingaud.


La seconde photo a été prise dans le bureau du service, et date des années 1960. On peut se demander si la table commune n'était pas celle autour de laquelle travaillaient déjà Paulian et ses collègues en 1914.

CRA2
De gauche à droite : Jean Nodot, Henri Mancardi, Marie-Émilie Rey, Raoul Dubois, un agent nommé Proust, Pierre Julien, Maurice Huguet et (de face) Pierre Guille.

 

 

Le décret de Louis-Napoléon Bonaparte, du 13 décembre 1851, qui constituait la commission consultative, comportait un quatrième et dernier article ainsi rédigé : « M. Denis Lagarde, ancien secrétaire-rédacteur de l'Assemblée législative, est nommé secrétaire-rédacteur, chef du service des procès-verbaux de la commission consultative. » Denis-Lagarde restera chef du service jusqu'en 1863. Lui succéda alors, pour trois ou quatre ans, Alexandre Tardieu ; Pierre Maurel-Dupeyré, qui l'avait pourtant précédé dans le service, dut attendre son tour jusqu'en 1866, mais il restera en place jusqu'en 1890.

On a noté en bleu le nom de ceux qui, comme lui, poursuivront leur carrière sous la IIIe République.


11. Alexandre TARDIEU

(Rouen, 1803- Paris, 1868). Entré en avril 1852, il succéda comme chef à Denis Lagarde en 1863, jusqu'à son départ en janvier 1867. Avocat, né à Rouen dans une famille d'artistes : une dynastie de graveurs et un père peintre d'histoire. Frère de Jules, éditeur. A tenu la rubrique des Beaux-arts dans divers journaux. A publié pendant près de trente ans, dans plusieurs grands journaux de Paris (le Courrier français, le Constitutionnel,…), de nombreux articles sur des sujets de littérature, de beaux-arts et d'archéologie. « Il a notamment rendu compte de plusieurs salons dans le Courrier français (tout en y tenant peut-être la rubrique parlementaire, si l'on en croit les Indiscrétions contemporaines). Les articles qui ont paru dans le Constitutionnel, sur l'exposition universelle de 1855 et sur les Salons de 1857 et de 1859, sont également de lui. M. Alexandre Tardieu a inséré, en 1855, dans les Archives de l'art français, t. IV, une notice sur les Tardieu, les Cochin et les Belle, graveurs et peintres, où il a rappelé sommairement les travaux considérables que plusieurs générations de ces artistes, ses parents, ont exécuté dans une période de près de deux siècles. »
André Tardieu, trois fois président du Conseil entre 1929 et 1932, descendait d'une branche collatérale.
Source principale : Ed. Frère, Manuel de bibliographie normande, ou Dictionnaire bibliographique et historique, 1858-60.


12. Pierre MAUREL-DUPEYRÉ

(Le Moule, 1817 - 1893) est issu d'une famille de planteurs de la Guadeloupe (son frère cadet sera avocat général à Chambéry). D'abord journaliste et secrétaire, puis chef de cabinet de Louis Blanc, il débat en 1842 dans la revue de celui-ci (Revue du progrès politique) avec Victor Schoelcher, suggérant une transition entre l'esclavage et la liberté afin de préserver les intérêts des colons créoles. À Paris, en 1848, il porte à l'Hôtel de Ville l'adhésion de ses compatriotes guadeloupéens à la République.
Auteur en 1844 d'une comédie historique (en 3 actes, mêlée de chants), Paris bloqué, ou les derniers jours de la Fronde, qui tirait sur le vaudeville. A aussi publié dans Le Constitutionnel quelques romans historiques et, en 1856, une longue nouvelle, Nelly (aventure créole) ; a donné en 1882, à l'Odéon, sous le pseudonyme de Félix Portland, Mauritius and C° ou Rotten-Row, comédie anglaise passablement décriée par la critique (« C'est le troisième membre de la sténographie parlementaire [sic] qui se fait représenter à l'Odéon depuis trois semaines », note alors la Gazette anecdotique - les deux autres étaient Hippolyte Lemaire et Ernest Boysse). La Revue encyclopédique (1893, p. 200) mentionne de lui deux romans publiés dans Le Temps : Blanche-Marie (1891) et Le Collier de perles (1893). En 1886, il avait fait paraître Le procès-verbal de la vie (voir infra).
Entre à l'Assemblée nationale en 1848, sur la recommandation de Louis Blanc, et reste secrétaire-rédacteur sous l'Empire ; chef adjoint en 1866 et chef en 1867, jusqu'en décembre 1889 (à 72 ans !). En 1869, est envoyé à Londres par son administration pour faire rapport sur "Les Usages du Parlement anglais" (publié en 1870).
Voici la notice nécrologique, signée " G. B. " (vraisemblablement Gaston Bergeret), qui parut en 1893 dans la Revue bleue (I, p. 128) :

« M. Maurel-Dupeyré, chef honoraire des secrétaires-rédacteurs de la Chambre des députés, qui est mort la semaine dernière, avait vu passer bien des régimes ; d'abord journaliste et secrétaire de Louis Blanc, il était entré comme rédacteur du procès-verbal à l'Assemblée nationale en 1848 ; il a, pendant quarante ans, dirigé le service du compte rendu analytique. C'est lui qui a créé ce service, qui en a constitué l'esprit et les traditions, au milieu de toutes les difficultés résultant de l'instabilité de nos gouvernements. Ce n'est pas, en effet, une médiocre entreprise que de concilier l'exactitude et l'impartialité, qui sont les besoins professionnels de ce service, avec les exigences successives et contradictoires des partis politiques et des prétentions personnelles des hommes qui conquièrent alternativement la faveur parlementaire. À force de tact et de bonne foi, de courtoisie et de fermeté, il était arrivé à désarmer la passion, et les comptes rendus qu'il a signés sous la République comme sous l'Empire, étaient universellement acceptés comme la reproduction aussi fidèle que possible de la vérité. Les secrétaires-rédacteurs qu'il a formés ne peuvent aspirer qu'à suivre ses enseignements et son exemple. Tant d'événements dont il a dû être le témoin muet et inactif avaient fini par imprimer à son caractère une résignation indulgente et un peu mélancolique. Peut-être ne croyait-il plus beaucoup aux vertus politiques, mais le spectacle des changements ne lui avait laissé aucune amertume, et c'est avec une sérénité philosophique qu'il regardait passer les faiblesses des hommes. Maurel-Dupeyré appartient aux lettres par des œuvres discrètes, pour lesquelles il n'a pas cherché le bruit : quelques nouvelles d'une finesse exquise, une pièce intitulée Rotten-Row, jouée sous un pseudonyme à l'Odéon, beaucoup d'articles épars çà et là, et un livre de philosophie, publié il y a cinq ou six ans : Le Procès-verbal de la vie, où il semble s'être réfugié pour échapper au tumulte des séances ; c'est une apologie du travail, de la prière et de la souffrance : les trois choses peut-être qui trompent le moins. »


En 1852-53, l'effectif du service est porté de trois à cinq membres. Il restera stable jusqu'en 1861. Les deux nouveaux auront une carrière en dents de scie.


13. Octave GASTINEAU

(Saumur, 1824 - Paris, 1878). Ancien secrétaire du ministre de l'instruction publique (1849), figure dans l'almanach de 1852 comme un des secrétaires particuliers du président ; en 1853, il est le quatrième secrétaire-rédacteur, mais Guillemard et lui sont bizarrement rétrogradés en fin de liste dans l'almanach de 1865. Cependant, les changements intervenus dans le service lui assurent assez rapidement un meilleur rang, quoique sans rapport avec son ancienneté. Et, en 1875, il figure, juste après les deux frères Lagache, comme "secrétaire du service sténographique".
Avocat raté (du barreau d'Angers), c'est avant tout un auteur de comédies, de vaudevilles : Mousseline-Club (1867), La Czarine (1868), Les souliers de bal (1871), L'entresol (1873), etc. Il en a écrit en collaboration avec "l'Alexandre Dumas du vaudeville", Clairville (Le wagon des dames, 1866 ; Ernest, 1869, Le grand-duc de Matapa, etc. ; et tous deux avec Henri Rochefort, Nos petites faiblesses, vaudeville en 2 actes de 1862), et, avec W. Busnach, Mon mari est à Versailles (1876). À la fin de sa vie surtout, avec le même Clairville, Gastineau a écrit des livrets d'opérette (Le grand-duc de Matapa, 1868 ; Babiole, pour de Rillé, et Panurge, pour Hervé) mais, s'il est encore un peu connu, c'est pour sa participation à l'adaptation théâtrale de L'Assommoir, aux côtés de Busnach : bien que très contestable, elle fut un succès. Malheureusement, Gastineau était mort avant l'achèvement du travail. A publié dans les journaux sous le pseudonyme d'Octave Marilly.
« Il avait de l'observation, le mot comique. Il recherchait volontiers les sujets ingénieux qu'il traitait avec beaucoup de naturel  ». Henri Becque.
Sources : Annales du théâtre, IV, 1979, p. 632.


14. Norbert GUILLEMARD

Né à Elbeuf en 1799, il disparaît en janvier 1866 et, à ma connaissance, n'est pas mentionné par ses collègues dans leurs souvenirs. On le voit toutefois diriger la sténographie dans le reportage du Grand Journal qui suit et cela n'a rien d'étonnant : selon l'Histoire des journaux d'Edmond Texier (1851, p. 229), cet actionnaire et gérant de la Gazette des tribunaux (il le restera jusqu'à sa mort, en juillet 1870) aurait été lui-même sténographe au Messager, au Moniteur parisien, puis à L'Ordre. Mais c'est aussi, selon deux sources concordantes, un avocat.
C'est pour le reste un grand spécialiste de l'halieutique de loisir ! Les amateurs de pêche à la ligne ont longtemps prisé, autant que le Dictionnaire du pêcheur : Traité complet de la pêche en eau douce et salée d'Alphonse Karr (1855), sa Pêche à la ligne et au filet dans les eaux douces de la France (Hachette, 1857) où il se recommande d'Ovide, de Trajan, de Louis le débonnaire, de Boileau et de Walter Scott… Même s'il évite d'encourager la pêche au saxophone (p. 336), son sens de la légalité paraîtrait aujourd'hui quelque peu limité : « Ce procédé-là n'est pas aussi totalement proscrit que l'autre ; profitez-en lorsque le règlement local ne s'y opposera pas. » L'auteur est un lettré, qui cite Martial et Ausone, et il est très ferré sur la réglementation. Mais qu'est-ce qui nous assure qu'il s'agit bien du secrétaire-rédacteur du Corps législatif ?
Une mention explicite dans un procès pour plagiat, dont les pièces ont été publiées par le plaignant dans sa revue La Campagne : recueil descriptif et littéraire. Ce Charles de Massas avait publié en 1852 Le pêcheur à la mouche artificielle et le pêcheur à toutes lignes, et il estimait que Guillemard avait pratiqué à son détriment ce qu'il appelle "la pêche à la reprise". Son avocat, qui n'était autre que Jules Favre, eut beau multiplier les comparaisons de textes, ponctuées de : « C'est une différence, mais cette différence, en est-elle une ? », Massas fut condamné aux dépens – et obligé de supprimer de la seconde édition de son livre une vignette représentant son adversaire en train de pêcher... dans sa bibliothèque. Le tribunal fut sans doute sensible à cet argument irréfragable, glissé dans son plaidoyer par le défenseur de Guillemard (après avoir été celui de Hugo, de Karr et des Goncourt), Me Paillard de Villeneuve : son client, « attaché comme gérant à la Gazette des tribunaux, et comme rédacteur au Corps législatif, ne saurait descendre à des actes tels que ceux dont on l'accuse ».


Sous Morny arrivent au Corps législatif, comme chef de cabinet, Ernest L'Épine, alias Eugène Manuel, alias Jean Quatrelles (1826-1893), auteur de romances, de nouvelles et d'articles fantaisistes, comme cette Histoire aussi intéressante que vraisemblable de l'intrépide capitaine Castagnette, neveu de l'homme à la tête de bois (1862), puis Alphonse Daudet. Les deux écrivent des pièces en collaboration. Ils sont rejoints par Ludovic Halévy, présenté à Morny par Offenbach. Introduit par son frère, Ernest Daudet suivra.
À lire certains, on a le sentiment que le service des secrétaires-rédacteurs se limitait alors à ces deux noms. E. Daudet, dans ses Souvenirs , donne une idée plus exacte de cette période. On peut même se demander si le départ d'Halévy ne fut pas un événement au moins aussi important que son arrivée...

« Lorsque je pris possession de l'emploi auquel je venais d'être appelé en même temps que Ludovic Halévy, le service se composait du chef Denis de la Garde, et de trois subordonnés, André (sic) Tardieu, frère de l'éditeur Jules Tardieu qui avait publié les Amoureuses d'Alphonse Daudet, et qui lui-même était poète ainsi qu'il l'a prouvé dans sa légende de Mignon, de Pourchel, et enfin de Maurel-Dupeyré. Celui-ci seul tenait à la littérature ; il avait publié dans le Constitutionnel deux ou trois romans historiques sur le seizième siècle, auquel par les traits de son visage, et par ses longs cheveux plaqués autour de la tête, il semblait appartenir. J'ai toujours été frappé de sa ressemblance avec les portraits de Louis XIII. Peu de temps après mon entrée dans le service, il en devint le chef, Denis de la Garde ayant demandé sa mise à la retraite et la santé de Tardieu l'ayant obligé à suivre cet exemple. Après leur départ, on nous adjoignit successivement tout un groupe de camarades dont je conserve le plus cordial souvenir. Mais Ludovic Halévy, jusqu'au jour où il donna sa démission, resta le personnage le plus important de notre service ; il devait ce privilège à son intimité avec Morny qui était alors président de la Chambre. Souvent, à la fin des grandes séances, il arrivait que notre chef eût à faire demander au président un conseil ou un ordre qu'avait rendu nécessaire la réclamation d'un député sur laquelle il n'osait lui-même prononcer ; c'est alors Halévy qui allait soumettre le cas au président. Quelquefois, l'absence de notre collègue se prolongeait à notre grand dépit et alors, entre nous, nous nous disions en riant jaune, car nous étions pressés d'aller dîner : « Peut-être causent-ils d'une prochaine pièce. » Nous n'ignorions pas qu'Halévy faisait partie de la petite coterie d'auteurs, Hector Crémieux, Jacques Offenbach et autres, auxquels Morny, toujours féru d'essais dramatiques, aimait à demander conseil. » Ernest DAUDET, Souvenirs de mon temps, 1921.


15. Ludovic HALÉVY

(1834-1908) est devenu rédacteur au Corps législatif en janvier 1861 et y restera jusqu'en 1867. Ce sera l'apogée de sa carrière administrative.
HALEVYNé en 1834, il est fils de Léon et neveu de Fromental, l'un "littérateur", l'autre compositeur. À Louis-le-Grand, se lie avec Prévost-Paradol qui lui apprend à "bien lire". 1852-58 : rédacteur au secrétariat du ministre d'Etat ; 1858-61 : chef de bureau au ministère des colonies. « Halévy était sorti du collège en juillet 1852. Le lendemain (…), il entrait au ministère d'État comme attaché au cabinet du secrétaire général, et là commençait sa carrière administrative qui a été très brillante et l'aurait été davantage s'il avait voulu ; mais cet employé singulier n'avait qu'une ambition : arriver à donner sa démission. Il n'en est venu à bout qu'en 1865, après avoir été successivement attaché au ministre d'État, chef du cabinet du secrétaire général, secrétaire adjoint du conseil des bâtiments civils, sous-chef et chef de bureau au ministère de l'Algérie et des colonies, secrétaire-rédacteur du Corps législatif ; toutes places sérieuses et non des sinécures. » (Jules Claretie, Revue bleue, août 1883, p. 138).
Dès 1855, il se lance dans l'écriture de livrets, pour Offenfach (Ba-ta-clan, chinoiserie musicale en un acte, 1855 ; Orphée aux Enfers, 1858) ou pour d'autres. Le ministère de l'Algérie ayant été supprimé en novembre 1860, Offenbach recommande Halévy à Morny qui, ayant contracté le virus du théâtre, désirait écrire une comédie : ce sera Un mari sans le savoir, pièce jouée à l'Hôtel de Lassay en décembre 1860, puis Monsieur Choufleury restera chez lui le…, mise en musique par Offenbach, et cinq ou six autres encore. Par commodité, pour avoir toujours son collaborateur sous la main, Morny lui donne la place de secrétaire-rédacteur en 1861.
« Après la mort du duc de Morny, dont il avait été avec son père un des collaborateurs littéraires, il donna sa démission pour se consacrer au théâtre où il avait déjà produit d'assez nombreux ouvrages. » [Vapereau, 1893 ; Cf. aussi J. Claretie, in Revue bleue]. Son départ semble avoir été l'occasion de nouveaux recrutements, si l'on en croit Adrien Marx (Un peu de tout, "Les coulisses du corps législatif", 1868) :

« Il advint qu'un soir - à la première représentation de Maison neuve, au Vaudeville -, ma stalle se trouva voisine de celle d'un député qui me veut du bien.
- Vous ne savez pas ? me dit-il à la fin du second acte, Ludovic Halévy abandonne le banc des secrétaires-rédacteurs. Il donne sa démission pour se consacrer tout entier aux bus qui s'avancent dont ses contemporains raffolent, et quitte l'amphithéâtre dominé par M. Schneider pour le théâtre où mademoiselle Schneider domine.
- Ah bah !
- Je tiens la nouvelle de source certaine… J'ai même ouï dire que sa place allait être mise au concours. Vous devriez vous mettre sur les rangs… Le poste de secrétaire-rédacteur est fort honorable, pas pénible et grassement payé… Vous plairait-il que je touche un mot de votre candidature au comte Walewski ?
(…) Quinze jours plus tard, je m'asseyais avec la gravité obligatoire au pied de la tribune où se discutent les intérêts de l'empire. »

La scène est précisément datée : la pièce de Victorien Sardou fut créée au Vaudeville le 4 décembre 1866.
Cependant, le vaudeville et l'opérette n'occupaient pas que les gens du compte rendu. Toujours selon Marx, quand on s'approchait de députés qui semblaient engagés dans une conversation sérieuse, voici ce qu'on entendait : « - Il y a dans la Vie parisienne un fond de philosophie que vous chercheriez en vain dans la Duchesse de Gérolstein… »

 

16. Ernest DAUDET

(le frère aîné) était entré en même temps qu'Halévy, mais il restera plus longtemps : jusqu'en 1869.
Né en 1837 à Nîmes, il monte à Paris à vingt ans et réussit à se faire engager au journal orléaniste Le Spectateur. Quand celui-ci est supprimé après l'attentat d'Orsini, il entre à l'Union, et, ayant la charge de son frère, survit en rédigeant les mémoires d'un vieux gentilhomme de la chambre de Charles X. Il devient rédacteur en chef de la France centrale, à Blois, puis de l'Écho de l'Ardèche à Privas. Alphonse ayant enfin trouvé un emploi de troisième secrétaire au cabinet de Morny, sous les ordres de L'Épine, il obtient pour son frère un poste de secrétaire-rédacteur, en 1861.

Chef de cabinet du grand référendaire du Sénat (en 1869), il doit quitter le Parlement en 1870 et « se jette dans la réaction », hésitant entre le bonapartisme et le légitimisme. Après le 24 mai 1873, le gouvernement de l'ordre moral le nomme directeur du Journal officiel et du Bulletin des communes, mais il doit abandonner ces fonctions à l'entrée de M. Ricard au ministère (mars 1875). Il devient alors rédacteur en chef du journal monarchiste L'Estafette [sorte de Figaro du soir fondé par Villemessant] puis, en 1877, directeur du Petit Moniteur. « Bien accueilli dès l'abord dans le parti légitimiste, duquel le rapprochaient ses traditions de famille, puis rallié à l'Empire dès qu'il crut s'apercevoir qu'une restauration monarchique était impossible, il resta, comme il se définit lui-même, un conservateur libéral », lit-on dans Polybiblion, 1921, dont la nécrologie rappelle qu'il était le petit Jacques du Petit Chose, « si larmoyant et toujours si bon », et conclut : « C'est un témoin agréablement instructif d'une époque déjà si loin de nous. »
daudetOn ne donnera pas sa bibliographie entière, qui compterait 130 items et se partage entre le roman et l'histoire – ses livres les plus importants en ce domaine étant une Histoire de la Restauration (1882), et une Histoire de l'émigration en cinq volumes (1886-1889) – avec un peu de théâtre (La Vénus de Gordes, 1875 ; Marthe, 1890). On se bornera aux œuvres publiées sous le Second Empire, où la part de l'histoire se limite à deux brochures : Les journaux religieux et les journaux catholiques (1860) et La trahison d'Émile Ollivier (1864), et à un ouvrage consacré au Cardinal Consalvi (1866), cependant que le roman l'emporte largement : Thérèse, 1859 [« Deux ans après son arrivée à Paris, il donne Thérèse, un délicieux roman où percent déjà, en nuances délicates, cette émotion, cette sensibilité et ce charme qui feront de lui plus tard l'un des plus éclairés confidents des cœurs. Un style souple, aisé, naturel, une psychologie attendrie et chaste témoignèrent aussitôt de son talent naissant… », Album Mariani, Figures contemporaines] ; Les duperies de l'amour, 1865 ; Les douze danseuses du château de Lamôle, 1867 ; Marthe Varades, La succession Chavanet, 1868 ; Le missionnaire, Le prince Fougoutzine, Le roman d'une jeune fille, Les soixante et une victimes de la Glacière, 1869 ; Jean le Gueux, 1870.
Sources : Album Mariani, Figures contemporaines ; Curinier, Dictionnaire national des contemporains ; Gubernatis, Dictionnaire international des écrivains du jour ; biographies diverses d'Alphonse Daudet et, d'Ernest lui-même, Souvenirs de mon temps (1921). Voir cet article.


Un passant :
17. Zénon de GRENIER

Après deux identifications erronées, en voici une dernière, définitive, que je dois aux indications fournies par Michel Kerautret à partir des archives de l'Assemblée.

Né en 1820 à Montauban, de son nom complet André Zénon Fonclaire de Grenier, il était conseiller de préfecture et secrétaire général à Clermont-Ferrand depuis mars 1857 quand il entra en décembre 1861 au compte rendu où il fut chargé de la dictée aux journalistes (voir la citation du Grand Journal ci-après). Y avait-il été introduit par Morny, président du conseil général du Puy-de-Dôme ? L'a-t-on cantonné dans une tâche qu'il aurait jugée subalterne ? S'est-on débarrassé de lui après la mort de son protecteur ? Toujours est-il qu'on le retrouve à nouveau conseiller de préfecture, cette fois dans le Nord, à partir de février 1866. Il retourna à Paris en 1869, comme sous-chef de bureau au ministère de l'intérieur, et sa carrière n'évoluera plus. Resté célibataire, il meurt prématurément en octobre 1872, chez sa mère à Montauban où la maladie avait dû le ramener.
La Société des sciences, des lettres et des arts du Tarn-et-Garonne, à laquelle il appartenait, publia peu après ses poésies posthumes, « imitations de Heine », en se bornant pour tout éloge funèbre à le déclarer « dessinateur humoriste, charmant musicien et aimable écrivain ».


Entre en novembre 1863 :
18. Adrien LETELLIER

( Neufchâtel-en-Bray, 1807 - 1875) : Anatole Claveau (Souvenirs…, I, p. 111-112) dresse ce portrait de « l'héroïque Letellier » :

« J'avais à côté de moi, à notre banc, un vieux journaliste nommé Letellier, fortement revenu de la rhétorique. Il avait pris part autrefois, sous Louis-Philippe, aux grandes batailles de la presse et possédé toute la confiance de M. Guizot. Quelque chose lui en était resté. Il méprisait un peu, si cotés qu'ils fussent, les gens d'opposition et cherchait doucement à me prémunir contre l'effet, toujours fâcheux suivant lui, des harangues tribunitiennes ; c'est ainsi qu'il les appelait. Tribun, tribune, il mettait tout cela dans le même sac. À la façon dont il expédiait notre compte rendu, il avait dû faire, vingt ans auparavant, un très substantiel publiciste. Je crois même que, rédacteur de l'Assemblée nationale en 1848, il avait été mêlé, précisément par M. Guizot, à un essai infructueux de fusion entre les deux branches de la monarchie française [1850]. Pour sa part, il en gardait rancune à la branche aînée, et longtemps après, lorsqu'une seconde tentative, plus sérieuse, se brisa contre l'obstination du comte de Chambord, il me rappela qu'il avait prévu et prédit l'échec final. Les légitimistes n'étaient pas pour lui des exilés, mais des émigrés. “Il n'y a rien à faire avec ces gens-là !” disait-il. Au total, il n'aimait pas beaucoup plus Thiers que Berryer. Il maugréait contre tous les orateurs en écrivant.
Un type original, que ce vieux Letellier, propre, mais un peu râpé, dans notre installation en plein hémicycle, en pleine lumière. Tous les matins, il avalait une pastille de Vichy et lisait une page de Montesquieu, assurant qu'il n'y avait pas de meilleur régime pour faire un bon journaliste. J'en essayai sans constater chez moi un progrès sensible. Letellier, au contraire, était frais comme une rose et très alerte d'esprit, à soixante-huit ans ! Par exemple, il perdait peu à peu la vue, et nous admirions son courage à rester dans le service malgré cette infirmité. Il y demeura jusqu'à l'extrême limite, avec un abat-jour vert, et n'y renonça même pas lorsque ses yeux s'éteignirent tout à fait. Sa femme, son excellente et dévouée compagne, à peine plus jeune que lui, l'amenait tous les jours de la rue Chanoinesse à la Chambre. Là, il trouvait un ami de bonne volonté qui le conduisait au banc, où son oreille lui suffisait pour prendre quelques notes à la volée à travers le discours de l'orateur. Aveugle, il les écrivait très gros sur d'étroites bandes de papier. Son quart d'heure fini, il retournait dans notre bureau ; son ami lui relisait les notes qu'il avait prises et, avec ce simple memento, avec sa mémoire surtout, il reconstruisait complètement le discours entendu et le sens y était toujours, sinon la lettre. J'appris pourquoi on ne le mettait pas à la retraite : il n'avait pas de quoi vivre ! »

Après L'Assemblée nationale, fut au Spectateur qui en prit la suite jusqu'en 1858 (et où il accueillit E. Daudet qui lui en fut reconnaissant). A également collaboré au Courrier de Paris, puis à la Revue européenne (vers 1860). Restera au compte rendu analytique jusqu'en 1874.


Arrêt sur image
Le Grand Journal d'Albéric Second a donné le 3 avril 1864 cet article dont s'est peut-être inspiré Pierre Larousse. Le Salut public du 8 avril l'a en tout cas repris presque intégralement, en ajoutant quelques détails touchant la personnalité des secrétaires-rédacteurs – on les donne entre crochets :

… J'avoue humblement que le soir en lisant à neuf heures dans mon journal une discussion législative à peine close, je me suis senti tourmenté par le besoin de savoir :
1° Comment des discours peuvent être si rapidement recueillis ;
2° Comment ils peuvent ensuite être communiqués si rapidement aux journaux.
Et le résultat des recherches auxquelles je me suis livré m'a paru assez curieux pour être communiqué à mes concitoyens. (…)
Comme j'ai l'intention de ne dire ici que des choses de ma compétence, je ne vous parlerai ni des honorables députés, ni de leur président, ni des huissiers, ni de M. Gustave Claudin, auquel ses hautes fonctions au Moniteur universel assignent un poste à la droite du bureau. J'arriverai tout droit à. mon but sans m'arrêter à la buvette, au fumoir de MM. les députés, à leur salle de conférences. Tout cela touche à un ordre de faits trop voisin de la politique ; je m'en tiendrai donc à la reproduction des débats du Corps législatif, à la confection du compte rendu analytique publié par les journaux quotidiens et de la sténographie (l'in extenso) du Moniteur universel.

I. Autrefois, chaque journal envoyait à la tribune des journalistes un rédacteur spécial chargé de rédiger un compte rendu approprié à sa publicité. Columbus, l'ancien garçon de service de la tribune des journalistes, raconte qu'il voyait arriver autrefois tous les jours M. Pelletan donnant le bras à M. Limayrac ; il se souvient des bons mots de M. Marrast, des paradoxes de M. Lireux ; il assure que M. Boilay était un peu fier; il a connu Cauchois Lemaire...
Aujourd'hui le Corps législatif fournit aux journaux un compte rendu analytique de ses séances, rédigé sous la garantie de la représentation nationale, anonymement, sans passion et aussi impartialement que peut être fait un travail humain impartial. Il n'y a plus de tribune des journalistes, il y a un bureau où l'on communique, où l'on dicte les comptes rendus des séances. Les rédacteurs ont été remplacés par des employés, par des scribes. Aussi le service administratif du compte rendu analytique est-il très-important.
Le service de la rédaction est ainsi composé : M. Alexandre Tardieu, chef des secrétaires rédacteurs. MM. Maurel Dupeyré, Octave Gastineau, Guillemard, Ludovic Halévy, Ernest Daudet, de Grenier, Letellier, secrétaires rédacteurs.

Son mécanisme est aussi simple que possible. Quatre secrétaires rédacteurs, MM. Maurel Dupeyré, Ludovic Halévy, Daudet et Letellier, sont chargés de la rédaction du compte rendu. Installés sur un bureau très-bas, placé au-dessous du bureau-tribune des ministres et des commissaires du gouvernement, et faisant face aux bancs des députés, ils rédigent au fur et à mesure qu'ils se débitent les discours des orateurs ; ils tiennent compte des interruptions et notent tous les incidents plastiques de la discussion. Leur travail essentiellement rapide, courant, doit être fait à main levée, sans hésitation, en conservant aux discours leur cachet, leurs mouvements, leur éloquence. Un secrétaire rédacteur doit savoir abréger, sans rien passer, élaguer ou amoindrir. Aussi a-t-il fallu choisir avec discernement ces hommes qui écrivent la vraie histoire de France.

[M. Maurel-Dupeyré est rompu au service du compte-rendu analytique par une longue pratique ; il est aisé de le reconnaître parce qu’il ressemble à Eugène Delacroix.
M. Ludovic Halévy est le neveu de l'auteur de la Juive. Vaudevilliste à ses heures, il a signé plusieurs jolies pièces, entre autres le Brésilien et les Brebis de Panurge avec M. Meilhac. Il passe pour être très habile dans le travail de la rédaction du compte-rendu.
M. Daudet, – le frère du poète, — est un jeune homme plein d'intelligence et qui apporte le plus grand zèle dans ses fonctions un peu nouvelles pour lui.
M. Letellier, le dernier nommé, est un ancien rédacteur de tous les anciens journaux.]

Chaque secrétaire rédacteur tient la plume pendant un quart d'heure. Ils ont donc chacun trois quarts d'heure d'interruption qu'ils utilisent à reviser leur travail avec M. Alexandre Tardieu, leur chef.

Toutes les fois qu'un député le demande, il peut contrôler la portion du compte rendu qui le concerne. M. le président de Morny et quelques membres de la Chambre usent seuls de cette faculté. Les honorables s'en rapportent d'ordinaire à l'habileté des secrétaires rédacteurs.

Dès que les feuilles sont revisées, on les porte au bureau des journalistes. Là, deux dictées sont faites concurremment par MM. les secrétaires Octave Gastineau et de Grenier. Cette dictée commence d'ordinaire à trois heures et se termine à neuf heures le plus souvent, quelquefois à minuit. Le bureau des journalistes mérite sa mention quoiqu'il ne jette pas le vif éclat de l'ancienne tribune. M. Gastineau, qui le préside, est aussi un littérateur. [Il a été successivement attaché au ministère de l'intérieur et secrétaire de feu M. Billault. Il a fait représenter plusieurs pièces de théâtre] ; il mène rapidement sa dictée et est adoré des journalistes qui sont : pour le Constitutionnel, M. Boniface Desmarets ; pour la Patrie, M. Bouchery ; pour le Journal des Débats, M. *** ; pour la Presse, M. Bauer ; pour la Nation, M. Jules Mahias ; pour le Siècle, M. Louft ; pour l'Opinion nationale, M. Genret.
Chacun de ces messieurs se fait accompagner d'un aide qui écrit la seconde dictée sous la direction de M. de Grenier. Pendant toute la durée de la dictée, un service de porteurs établit un va-et-vient entre le Corps législatif et chaque bureau de journal.
M. Delamarre, le directeur de la Patrie, avait en 1860 adjoint au secrétaire de la rédaction Alfred Tranchant, chargé de la Chambre, un écuyer à cheval, en bottes molles et en casquette de chasse. Cette combinaison ne dura qu'une saison; elle avait été baptisée du nom d'écuyer tranchant par les confrères qui ne disposaient que de piétons. Pendant plusieurs sessions, l'Opinion nationale et la Presse eurent des relais nombreux de coureurs à pied. Aujourd'hui, sauf la Nation, qui, à cause de son édition de neuf heures du soir, a organisé son service du Corps législatif, les journaux n'occupent chacun que trois ou quatre porteurs.

II. Pendant que les secrétaires rédigent et dictent le compte rendu analytique, à côté d'eux se confectionne la sténographie destinée au Moniteur.
Le service sténographique, placé spécialement sous la direction de M. Guillemard, secrétaire rédacteur, se compose de vingt sténographes, dont seize rouleurs et quatre réviseurs. On nomme sténographes rouleurs, ceux qui sténographient et traduisent la version même destinée à la composition du journal officiel. Le nom de rouleurs leur vient, on va le voir, de la nature même de leur travail. Les réviseurs sténographient la version qui sert au contrôle du travail des rouleurs.

Les rouleurs prennent - le mot est consacré - pendant deux minutes. Ils se placent à la gauche du président, au bas du bureau ; ils travaillent debout; leur papier est placé sur une planchette faisant saillie sur la Chambre, de telle sorte que leur regard peut embrasser tout l'ensemble des gradins ; enfin ils écrivent au crayon pour économiser le mouvement qu'occasionne le trempage de la plume dans l'encrier. Un chronomètre est fixé devant leurs yeux. A côté du rouleur roulant se tient, sur sa droite, le rouleur qui doit le remplacer. Dès que le chronomètre marque la fin des deux minutes de travail, le deuxième rouleur pousse du coude gauche le coude droit du premier rouleur, celui-ci s'efface rapidement tandis que son successeur s'installe à sa place rapidement. En terme de rédaction, ils n'armorcent (sic) pas leur copie; ils prennent ce qu'ils entendent et ne perdent point un temps très-précieux pour eux, à enchaîner bout à bout leurs sténographies. Les premiers et derniers mots se répètent quelquefois avec les derniers et premiers mots de leurs collègues, ceci est l'affaire du secrétaire rédacteur chargé de comparer le travail des rouleurs et le travail des réviseurs.
Dès que le rouleur a terminé ses deux minutes de sténographie, il va traduire son feuillet. Il a vingt-huit à vingt-neuf minutes pour transcrire deux minutes de parole. On a calculé mathématiquement que la voix humaine était sept fois et demie plus rapide que l'écriture usuelle ; le rouleur a donc largement le temps de faire consciencieusement sa traduction.

Les réviseurs se tiennent à la droite du président, au bas du bureau ; ils travaillent sur une planchette absolument semblable à celle des rouleurs. Ils prennent une demi-heure, ne traduisent pas ; mais à la fin de la séance, ils comparent leur sténographie à la traduction des rouleurs. Le travail complet est contrôlé par M. Guillemard. Nécessairement, les réviseurs sont choisis parmi les plus habiles rouleurs. Les rouleurs sont nommés au concours. Cependant les sténographes de la Chambre n'ont pas leurs noms sur l'annuaire des grands corps de l'État : leur talent et leur individualité restent anonymes comme la force de la machine à vapeur.
MM. les députés dont les plus longues harangues ont la valeur d'une courte interruption - Bravo ! très-bien ! à la question ! la clôture ! - ignorent peut-être que certains de leurs confrères - pour revoir la sténographie de leurs discours - restent jusqu'à onze heures dans la salle des conférences. À onze heures, M. Alexandre Tardieu se rend au Moniteur. Il est accompagné à tour de rôle par MM. Maurel-Dupeyré, Ludovic Halévy ou Letellier. Jusqu'à trois heures du matin, le chef des secrétaires et son adjoint corrigent les épreuves, surveillent la mise en pages de la séance, et s'il se glisse une erreur, ce n'est pas, on le voit, faute de précautions.
Le lendemain, le Moniteur, le Constitutionnel, les Débats, la Presse, etc., portent à cent cinquante ou deux cent mille exemplaires par toute la France, par toute l'Europe, dans le monde entier, les deux versions des débats du Corps législatif.
De tout ceci, nous concluons que les machinistes qui ont inventé l'imprimerie, la sténographie et discipliné la vapeur ont produit en somme des miracles qui peuvent lutter même avec le fameux virement de bord du vaisseau du Fils de la Nuit.

                                                                                                                       UN HABITUÉ DE LA MAISON.


Arrivèrent en juillet 1865 Claveau et Béhaghel, qui seront tous deux sous-chefs en 1873. On a également vu que POURCHEL fut réintégré comme auxiliaire en janvier 1866 (voir époque précédente).

 

 

19. Anatole CLAVEAU

(Bièvre, 1835 - 1914) École normale, lettres, en 1854. En sort au bout de peu de temps pour suivre la carrière littéraire. Journaliste et romancier, mais Vapereau le jugeait "meilleur dans la critique que dans le roman" (Année littéraire, 1861) et on se demande si Claveau n'a pas tenu compte de ce verdict… L'un des collaborateurs de la première édition du Dictionnaire des contemporains, il écrivit de 1854 à 1865 dans le Petit Journal (sous le pseudonyme de Jacques Bonhomme), rédigea de 1858 à 1865, dans la Revue contemporaine, une chronique littéraire qui le fit remarquer et où il parla à peu près de tous les auteurs du XIXe siècle qui comptent (voir par exemple son analyse de Salammbô) ; puis prit une part active au Journal de Paris et à la rédaction du Peuple. De 1862 à 1864, a aussi écrit dans le Journal des Débats et, en 1884, succédé à Coppée à la Patrie.

Nommé secrétaire-rédacteur en juillet 1865, il succède à Maurel-Dupeyré, à la tête du service, en 1889. Jusqu'en 1903.

A ClaveauPrésident du Cercle de la critique dramatique. A écrit : Le roman de la comète (1857) ; Nouvelles contemporaines (1860) ; Profils parlementaires (1868) ; Contre le flot (1886) ; Un chef de service, portait d'après nature (1888) ; Fin de siècle, pile ou face (1889) ; Études sur Alfred de Musset (1894) ; Sermons laïques (1898) ; Une partie carrée (feuilleton dans L'Époque) ; La langue nouvelle: essai de critique conservatrice, 1907. Causerie hebdomadaire depuis 1890 dans Le Soleil ; a collaboré au Figaro, au Gaulois, au Temps, à la Patrie (critique dramatique), etc., souvent sous des pseudonymes (Daniel René - partagé avec Octave Mirbeau à Paris-Journal en 1880 -, Lequevel de Lacombe ; Quidam et Pas Perdus pour des "comptes rendus fort documentés des débats et de l'atmosphère qui régnait au Parlement", dans le Figaro, Qui sait ?) Donne en 1913-14 des Souvenirs politiques et parlementaires d'un témoin en deux volumes (1865-1870 et 1871-1873).
Sources : J.-A. Azais, Annuaire international des lettres et des arts, 1921 ; Polybiblion, 1914. Chercher : L'Illustration du 25 avril 1914.

« Si je suivais l'ordre chronologique des événements auxquels j'ai assisté, je devrais dès maintenant conduire mes lecteurs au Corps Législatif, où je venais d'être admis comme secrétaire-rédacteur du compte-rendu analytique (...) Je ne renonce pas à les y conduire; mais ils me pardonneront de ne pas m'y attarder, et de passer rapidement, en me réservant d'y revenir plus tard, sur le spectacle qu'offrit alors l'enceinte législative.
La raison de ma réserve actuelle, la voici en deux mots : je ne pourrais rien dire qui n'ait été déjà dit par mon excellent et regretté collègue, Anatole Claveau. Il avait été nommé secrétaire-rédacteur deux ans après moi. Il occupa ce poste pendant de longues années. Finalement, après le départ de Ludovic Halévy, à qui ses succès de théâtre avaient ouvert une nouvelle carrière et après qu'en 1869, j'eus donné ma démission, Anatole Claveau devint le chef de cet important service.
On peut dire que toute sa vie s'est écoulée au Palais-Bourbon. Il a vu tout ce qui s'y est passé au cours des heures émouvantes qui ont précédé la guerre de 1870, la chute du gouvernement impérial et la fondation de la République; il a entendu tout ce qui s'y est dit et, pour un esprit tel que le sien, rien de ces choses ne devait être perdu. La marche du gouvernement impérial vers la liberté, l'entrée en scène d'Émile Ollivier, la résistance des hommes, alors au pouvoir, qui pressentaient que la création d'un régime nouveau les déposséderait de leurs fonctions, le déchaînement d'intrigues qui fut le résultat de ces rivalités, autant d'épisodes sur lesquels Anatole Claveau prenait quotidiennement des notes, qu'il se proposait d'utiliser plus tard pour un travail de reconstitution historique. Érudit comme un normalien, écrivain de race, il eût été pour les lettres françaises une brillante parure; ses débuts à la Revue Contemporaine avaient été remarqués. Mais, le plus souvent, les circonstances, plus encore que la volonté, déterminent les vocations. La sienne le confina dans le monde parlementaire, non en qualité d'acteur, mais en qualité de témoin, un témoin de premier ordre dont les souvenirs, qu'il a écrits après avoir pris sa retraite, attestent une rare fidélité de mémoire et des facultés de vision qui, comme observateur, le placent au premier rang.
Après qu'il eut été fixé à son poste par l'intérêt et la variété du spectacles il n'en détourna plus les yeux et son existence fut absorbée sans qu'il songeât à s'en distraire autrement que par des exercices physiques, qui rafraîchissaient son intelligence, ainsi qu'il se plaisait à le dire, et le maintenaient en bon état de santé. Il aimait passionnément la chasse et la pêche, c'est en chassant et en pêchant qu'il trouvait le repos. Je me souviens de l'avoir entendu, lorsque les princes d'Orléans, sous la République, furent rentrés en France, exprimer sa reconnaissance pour le duc d'Aumale qui lui avait accordé la faveur de se livrer dans la forêt de Chantilly à son plaisir préféré. Lorsqu'il eut atteint l'âge de la retraite, il songea à réaliser ses anciens projets. Il publia deux volumes où le rideau est levé sur les innombrables épisodes dont le Palais-Bourbon a été le théâtre de 1865 à 1873 et sur les personnages qui y ont évolué. Ce n'est pas de la grande histoire pouvant être comparée, par exemple, à l'œuvre d'Émile Ollivier : l'Empire libéral, non plus qu'à d'autres ouvrages tels que celui de Pierre de la Gorce. Ils tiennent de la chronique plus que de l'histoire. Ils n'en sont pas moins instructifs et révélateurs… » Ernest DAUDET, Souvenirs de mon temps, 1921.


« Le Figaro vient de perdre un de ses plus anciens et plus brillants collaborateurs. M. Anatole Claveau qui, depuis trente ans rédigeait, sous la signature de Pas-Perdus, le compte rendu des séances parlementaires, est mort brusquement hier soir au moment où il s’apprêtait à quitter Paris pour une courte villégiature. Il avait soixante-dix-neuf ans. Nos lecteurs savent quel souci d’exactitude et d’impartialité notre collaborateur éminent et vénéré camarade apportait en ces comptes rendus. Il excellait à extraire d’un discours la substance, à en dégager les arguments essentiels, à en marquer de quelques traits précis le caractère et la portée. Né à Bièvre (Seine-et-Oise) en 1835, il était entré à dix-neuf ans à l’École normale et avait fait ses débuts d’écrivain au Dictionnaire des contemporains. Il donnait, en même temps, au Journal de Paris et à la Revue contemporaine des chroniques littéraires remarquées.
C’est précisément à l’une de ces chroniques qu’il dut d’entrer au Corps législatif pour en devenir – et en rester près de cinquante ans – l’historiographe. Il en a raconté, jadis, l’aventure, dans le Figaro.
C’était en 1865. Meilhac et Halévy venaient de donner aux Variétés leur triomphale Belle Hélène. Il fit donc paraître dans la Revue contemporaine un article très vif contre les auteurs de l’œuvre sacrilège et charmante où courait tout Paris. Ludovic Halévy pria Claveau de venir le voir. Il était entré comme secrétaire-rédacteur au Corps législatif en 1851. Ses travaux d’auteur dramatique et la mort du duc de Morny qui avait protégé ses débuts dans l’administration allaient l’en faire sortir, mais il sut montrer à Anatole Claveau les avantages qu’il pouvait y avoir pour lui à y entrer. Et c’est ainsi qu’à la suite d’une conversation qui eût pu n’avoir rien de cordial, Anatole Claveau entrait, sur la recommandation de l’auteur de la Belle Hélène au Corps législatif comme secrétaire-rédacteur.
Très laborieux, il avait continué de consacrer aux lettres tous les loisirs que ses fonctions lui laissaient.
En même temps qu’à la Revue contemporaine et au Journal de Paris, il avait donné, de 1857 à 1865, des articles au Courrier franco-italien, au Peuple, à la Revue de l’instruction publique, au Journal des Débats ; et c’est de la même époque que datent ses deux premiers volumes : le Roman de la comète et un recueil de Nouvelles contemporaines. Après trois années de Corps législatif, en 1868, il publiait un volume de Profils parlementaires, où le « rédacteur » se révélait moraliste excellent, et non moins curieux d’observer les hommes qu’attentif à noter leurs propos.
En sorte que le jour où Francis Magnard proposa à Anatole Claveau de venir expliquer et décrire dans le Figaro les débats dont il était officiellement chargé de suivre les péripéties quotidiennes, il fournit à cet écrivain délicieux l’occasion de créer un genre.
Les articles de Pas-Perdus, c’était, en effet, quelque chose de mieux que du reportage parlementaire. C’était de la pure chronique, où la physionomie de l’orateur s’évoquait à côté de son discours, où l’écrivain savait ne pas séparer du débat qu’il racontait l’atmosphère de ce débat, le détail pittoresque des circonstances où il se poursuivait.
Et comme cette besogne ne suffisait pas encore à l’activité de Claveau, il donnait, çà et là (et au Figaro même, sous la signature Quidam) des chroniques exquises. Au Petit Journal, au Soleil, il avait longtemps écrit. Et puis, il publiait des livres : Contre le flot, Un chef de service, Pile ou face, Une partie carrée, qui étaient de jolies histoires, ou des recueils de ces causeries où son fin talent de narrateur philosophe excellait.
Le plus récent de ces recueils est celui qu’il a publié en 1898, sous le titre de Sermons laïques. Il avait, un peu auparavant, composé une délicate étude sur Alfred de Musset ; et, plus récemment, en 1907, paraissait son volume de La Langue nouvelle, copieuse et savante satire où ce fervent amoureux de la langue française entreprenait de la défendre contre les novateurs qui ont entrepris de la restaurer !
Enfin, des Souvenirs politiques et parlementaires d’un témoin, les deux premiers volumes ont paru l’année dernière et au début de celle-ci. Il y a là des pages qui resteront, des portraits que réclameront les anthologies.
Anatole Claveau était officier de la Légion d’honneur. Il laisse une veuve, deux fils et deux filles mariées, à qui nous adressons nos condoléances émues, et sept petits-enfants.
Son état de santé, depuis qu’il avait pris sa retraite, l’obligeait à ne quitter son logis qu’aux heures et pendant le temps que sa besogne de journaliste le réclamait. Il envoyait au Figaro sa copie, et on ne l’y voyait plus que rarement. (…) C’était un colosse doux, d’imposante prestance et d’une grande timidité. Et aussi d’une ravissante politesse, avec un sourire resté très jeune et des yeux bleus, où il y avait de la bonté, de l’ingénuité, et tant d’esprit ! » Émile BERR (Figaro du 17 avril 1914).

 

20. Arthur BEHAGHEL

(Nancy, 1833 - Spa, Belgique, 1888) est issu d'une famille royaliste du Nord ; son père, général de brigade, était proche de Saint-Arnaud, ministre de la guerre de Napoléon III. Journaliste gouvernemental au Puy (1852-56), puis chef de cabinet du préfet de la Haute-Loire jusqu'en 1859. En 1860, part pour cinq ans en Algérie, où il écrira dans différents journaux, se heurtant à une application particulièrement stricte de la loi de 1852 sur la presse. Il proteste dans La liberté de la presse, ce qu'elle est en Algérie (lettre à M. le baron David) (1863), ce qui lui vaut une condamnation à un mois de prison. De cette expérience algérienne, il tirera deux livres (Guide à Alger et surtout L'Algérie : histoire, géographie,…administration, les deux de 1865), mais aussi une réputation de journaliste libéral alors même qu'il travaille en secret pour le gouvernement. Entré en 1865 au service du compte rendu, et émargeant déjà au ministère de l'intérieur, il propose pour 500 fr. de publier chaque jour dans un journal « une correspondance formant compte rendu des débats législatifs et dans laquelle (…) on présenterait une physionomie et une appréciation de la séance et de ses incidents faite au point de vue gouvernemental ». Il a ainsi collaboré comme Claveau à L'Époque d'Ernest Feydeau, au service du Tiers Parti.
Le 6 septembre 1870, il est nommé préfet de la Haute-Loire… mais destitué quinze jours plus tard "comme indigne" - « son nom figure dans les papiers trouvés aux Tuileries ». En février 1871, il sera toutefois réintégré par un vote unanime du bureau de l'Assemblée et figure en 1873 dans l'effectif du CRA comme deuxième sous-chef, après Claveau. (Source : V. Wright, E. Anceau et al., Les préfets de Gambetta, Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2007).

Abandonnant sa femme dès qu'il eut touché la dot, il aurait mené la grande vie dans les stations thermales des Pyrénées, jouant et s'affichant avec des femmes faciles, “faisant, comme il disait, la chasse aux grues” - c'est du moins ce dont il fut accusé lors du procès en séparation, en 1874. Il prend sa retraite en 1880 et, lorsqu'il meurt huit ans plus tard d'une “paralysie aiguë du coeur”, Le Radical le définit comme rédacteur à L'Indépendance belge et au Nord.

Anatole Claveau (Souvenirs…, I, p. 238-241) donne une version moins noire (lénifiante ?) du personnage, à propos d'un débat sur les fonds secrets ouvert – bien entendu en vain – par Pelletan :

« Le hasard m'a fourni deux fois sous la République des indications intéressantes sur l'emploi de ce denier de la délation. Un de nos voisins de banc, M. Arthur Behaghel, dont les origines étaient plutôt impérialistes, avait jugé, après la révolution du 4 septembre, que l'emploi de secrétaire-rédacteur devenait une ressource très hasardeuse et que, pour ceux qui n'en avaient pas d'autre, le moment était venu de se retourner. Profitant de certaines relations qu'il avait nouées dans le.parti victorieux, il se fit, sans trop de peine, nommer préfet de la Haute-Loire et en remplit fort bien l'emploi, avec une autorité, mitigée de souplesse, qui manque souvent aux nouveaux venus. Malheureusement, il arriva qu'un beau matin les maîtres du jour trouvèrent son nom sur la liste des fonds secrets de l'Empire, et Gambetta averti le révoqua immédiatement sans autre forme de procès. C'était une vilaine chute. Béhaghel, qui avait du caractère, ne se tint pas pour battu : il remua ciel et terre pour prouver au ministère que l'allocation qu'il recevait ainsi, encore qu'elle fût inscrite sur ce registre suspect, ne méritait à aucun titre d'y figurer. C'était tout simplement la juste rémunération d'un petit compte rendu de la séance qu'il fournissait à Rouher lorsque celui-ci était empêché d'y assister. Sans même qu'il en fût prévenu, on le dédommageait sur l'argent des fonds secrets d'une besogne qui n'était qu'un très court procès-verbal et qui n'avait absolument rien de répréhensible. À force d'efforts, il finit par convaincre Gambetta, qui lui délivra, la vérité étant bien établie, un certificat de réhabilitation explicite et formel. Il ne retrouva pas son poste de préfet, mais il reprit sa place parmi les secrétaires-rédacteurs… » (Lire la suite à propos de Sextius AUDE)

 

1867 : sans compter Adrien Marx, qui ne restera pas, trois recrutements dans l'année – Dhormoys, Bonhoure et Lara-Minot – portent l'effectif à 11.


Adrien MARX

(Napoléon-Adrien) (Nancy, 1837 – Beaulieu, Alpes-Maritimes, 1906) mérite de figurer dans la liste pour avoir tenu sa partie pendant la session de 1867.

marxDestiné comme son frère à Polytechnique, après des études littéraires et scientifiques à Nancy, Meaux et Paris, commence sa médecine en 1859 et est quatre ans durant élève dans les hôpitaux (il soigne Murger), mais il abandonne juste avant le doctorat pour le journalisme. Il débuta en 1863 au Boulevard de Carjat, y donnant des "nouvelles à la main" et des articles de genre qu'il reprit dans Histoires d'une minute, physionomies parisiennes (1864, illustrations de Doré, préface de Monselet). En 1862, il avait composé avec Rochefort une opérette : Un premier avril. Encore en collaboration, il composa une bouffonnerie musicale, Un drame en l'air (1865, avec Abraham), Le plat d'étain (avec Gille), le tout joué aux Bouffes-Parisiens. Également, seul, L'Orage, comédie en un acte (1875). Il est passé par beaucoup de petites feuilles (Le Diogène, l'Époque, La Liberté, Le Nain jaune, Le Petit Journal, Le Peuple français, Paris-magazine…), a tenu la chronique départementale dans La Nation, mais l'essentiel de sa carrière s'est déroulé dans la presse de Villemessant : L'Événement (novembre 1865-novembre 1866) et surtout Le Figaro, juste après.
C'est le premier journaliste parisien à populariser l'interview - Claretie en fait l'inventeur du "reportage" - et il a un tel talent pour se glisser dans tous les milieux que Louis Veuillot (Odeurs de Paris, 1867) le surnomme "Passe-partout". Cela donne Indiscrétions parisiennes (1866), Un peu de tout (1868), Profils intimes (1880). On a cité (voir Le métier) le second de ces recueils où, sous le titre "Dans les coulisses du Corps législatif", il raconte son expérience de secrétaire-rédacteur. Mais il n'a pas été comme il le prétend jeté dans l'hémicycle quinze jours après avoir appris la vacance laissée par le départ d'Halévy. Le Salut public du 20 février annonce bien qu'il « figure aujourd'hui au banc des secrétaires-rédacteurs » et si cet "aujourd'hui" est ambigu, il ne peut remonter en deçà du début de la session, le 14 du même mois. D'autre part, selon le même journal, il s'agirait d'un second emprunt au Figaro, Marx ayant été précédé au compte rendu par son collègue Adolphe Rocher, chroniqueur judiciaire, qui a déclaré forfait "au bout d'un mois" (lors de la précédente session donc ?).

D'autre part, Marx est-il resté jusqu'à la fin de cette session de 1867, le 24 juillet ? On peut en douter : à partir du 24 mars, la presse fait état de sa nomination comme historiographe ou chroniqueur permanent de la Cour impériale. Il aurait dû cette sinécure à l'Impératrice, touchée par un très respectueux compte rendu d'"Une après-midi chez le Prince impérial". Rattaché au Grand Chambellan, le duc de Bassano, « il sera chargé de communiquer aux journaux la relation authentique des fêtes et cérémonies officielles, ainsi que celle des voyages accomplis par les membres de la famille impériale » (Journal du Loiret, 28 mars 1867). Xavier Mauduit (Le Ministère du faste, Fayard, 2016) suppose qu'il s'agissait aussi de célébrer la France de l'Exposition universelle qui allait s'ouvrir dès le début d'avril et, de fait, Marx en tirera en 1868 un récit des visites faites alors par Les Souverains [étrangers] à Paris. La mission ne semble d'ailleurs avoir duré beaucoup au-delà mais Marx reçoit un lot de consolation : en août 1868, Haussmann en fait un inspecteur des Beaux-Arts de la ville de Paris et, la même année, il fonde avec Bauer L'Événement illustré – ce qui  lui vaut un procès avec Villemessant, mais ne l'empêche pas de rentrer par la suite au Figaro où, après la guerre, il donnera sous le nom de Jean de Paris une série de conseils d'où sortiront Guide pratique de la vie nouvelle (1879) et L'art de bien vivre (1880). Également : En plein air (1887), Les petits mémoires de Paris (1888), Sub Jove (1890). Il se retirera sur la Côte d'Azur en 1894.
Sources : Polybiblion, 1906, p. 275 ; Vapereau, 1893.


21. Paul DHORMOYS

(Paris 5e, 1829-1889), né Louis-Eugène Lambert, autorisé à porter son nom de plume par décret de 1874 (mais, même dans des documents d'origine officielle, les variantes sont nombreuses : Dormoys, d'Hormoys, d'Hermoys – y aurait-il eu une velléité d'anoblissement ?). Courriériste, publiciste "et même ancien préfet", écrit Vapereau. En tout cas un instable...

Fils d'un contrôleur en chef du Conseil général des bâtiments civils, il eut comme professeur de philosophie (à Versailles ?) et comme examinateur au baccalauréat Jules Simon. A suivi l'école d'application et, devenu sous-lieutenant d'artillerie, donné sa démission n'ayant pas obtenu la promotion attendue. Puis élève de la première École nationale d'administration en 1848, d'où il sortit attaché au cabinet du ministre des affaires étrangères Tocqueville (1849) ; nommé chancelier au consulat de Saint-Domingue en 1853, puis à celui de Varsovie en 1856, il démissionna à nouveau pour se faire percepteur. Il se mit en disponibilité au début de 1858 et partit avec l'intention de se mettre au service de la République dominicaine. Déçu par celle-ci, il se rendit dans l'empire voisin de Faustin Ier, d'où il rapporta : Une visite chez Soulouque : souvenirs d'un voyage dans l'île d'Haïti (1859, mais publié d'abord dans le Figaro) ; suivit Sous les tropiques (1860), consacré principalement à Saint-Thomas et à la Martinique. Ces deux livres semblent avoir eu plusieurs éditions, si bien que, dans sa Lorgnette littéraire (1870), Monselet déclare : « Je ne suis pas inquiet de lui », ajoutant qu'il a un pied à la Revue européenne, l'autre au Monde illustré. Vapereau, dans L'Année littéraire (1865), annonce qu'il est secrétaire de l'Opéra - en fait, secrétaire du directeur, Émile Perrin (1863-1866).
À cette époque, Dhormoys semble avoir touché, sinon à l'opérette, du moins au théâtreFaire son chemin, comédie en cinq actes, 1860 ; Un piège, comédie en un acte, 1863. Également Sapajou, histoire d'un abonné de l'Opéra (2e édition en 1885, la 1re semblant être de 1877). Aussi La Cour à Compiègne, confidences d'un valet de chambre (1866) - un mode d'emploi pour les visiteurs de Compiègne.
Il entre comme secrétaire-rédacteur au Corps législatif après le départ d'Halévy, en mai 1867, mais ne continuera pas cette carrière après la chute de l'Empire, bien qu'ayant rejoint l'Assemblée nationale à Bordeaux en 1871 (il y héberge Jules Simon, qui craint d'être arrêté). Il est en effet devenu préfet de Corse, d'ailleurs très brièvement (du 22 février au 2 mars 1871). Revenu au compte rendu en mai suivant, il est à nouveau nommé préfet, dans la Haute-Marne, grâce à son amitié avec le duc de Broglie, mais pour une durée encore plus brève : quelques jours en 1873 ! Il est alors placé en non-activité avec traitement, jusqu'à sa retraite en 1888.

Charles de Ricault d'Héricault (Souvenirs et portraits, livre posthume de 1902) raconte que Dhormoys était l'ami de Murger, qu'il visitait dans son refuge de Marlotte et qu'il assista avec Nadar dans ses derniers moments en 1861. Il résume ainsi la vie de notre touche-à-tout, en ajoutant quelques avatars sur lesquels nous ne sommes pas autrement renseigné : 

Je veux bien que sa vie fut un chapitre de Gil Blas. Diplomate, chancelier de consulat, quasi-bohème à Marlotte, écrivain répandu, correspondant politique du roi des Belges, secrétaire à la Chambre des députés, préfet, puis homme du monde, puis homme de Bourse plusieurs fois millionnaire, il mourut pauvrement (p. 316).

Dhormoys a publié en 1886-87 La comédie politique, souvenirs d'un comparse (deux vol. : I, La fin d'un empire ; II, Les débuts d'une République) et en 1889, l'année de sa mort, Souvenirs d'un vieux chasseur, aventures presque véridiques.

« Paul Dhormoys a publié un volume intitulé La Comédie politique, souvenirs d'un comparse. Sténographe [sic] du Corps législatif et de l'Assemblée nationale, un peu préfet après l'armistice, lié avec beaucoup d'hommes politiques, ayant rendu des services en quelques circonstances difficiles, écouté bien des récriminations, noté bien des propos, recueilli bien des anecdotes, sceptique, connaissant le dessous des choses et le dedans des hommes, il était placé aux premières loges pour voir ; son témoignage a du poids, car son récit est éclatant de sincérité ; or il raconte que Thiers, volontairement et de propos préconçu, a reculé l'époque de la libération possible du territoire… » Maxime Du Camp, Souvenirs d'un demi-siècle, vol. II, p. 273.


22. Ernest BOYSSE

(Paris, 1836-1891), historien de l'opéra et du théâtre après avoir tenté sa chance au vaudeville : concourt en 1861 avec une pièce en vers sur le thème L'isthme de Suez. Alors rédacteur au Nouvelliste de Rouen. Je pars pour La Bouille, vaudeville en trois tableaux mêlé de chants (1861) ; Un neveu d'Amérique, comédie en un acte et en vers (1862) ; L'écran du roy, comédie en un acte et en vers, 1882. Le théâtre contemporain en Angleterre (1864), Le roman contemporain en Angleterre, Le roman antiesclavagiste, Revue contemporaine, 1865, p. 762-783. L'instrument de Molière : traduction du traité De Clysteribus… (1878), Le théâtre des Jésuites, encore souvent cité (1880, 370 pages : l'histoire du théâtre scolaire, avant et chez les jésuites ; le répertoire du collège de Clermont, de 1635 à 1762). Les abonnés de l'opéra, 1783-86 (1881, 360 p. : la liste officielle des abonnés à la veille de la Révolution, assortie de notices, avec des détails sur les demoiselles à la mode…). Le songe de Corneille (1636) (1885). Journal de Papillon de La Ferté, intendant et contrôleur de l'argenterie, menus plaisirs et affaires de la Chambre du roi (1756-1780), avec une introduction et des notes, Ollendorff, 1887. Préface à Charles Nisard, Le poète Fortunat, 1890. Ce que fut la cabale des dévots, 1906.
Secrétaire du Conseil supérieur de la "Société du Prince impérial" (société de bienfaisance, Almanachs 1867-68, p. 1277) ; il occupait déjà ce poste en 1865 (Almanach de 1866), mais comme "sous-chef de bureau au cabinet du gouverneur du Crédit foncier", et il l'occupera encore en 1876 et 1880 ; simplement, la société sera devenue celle "des prêts de l'enfance au travail".) Mort au palais Bourbon, où il résidait comme chef adjoint (Revue d'art dramatique, XXI, 1891).


23. Eugène BONHOURE

(1831-1914) collaborait en 1874 à L'Opinion nationale, renflouée par Waldteuffel dans l'idée de réunir les gauches sous l'égide de Jules Grévy. Il y tenait « sans éclat mais non sans habileté » la chronique parlementaire. Puis rédacteur (en chef ?) de La Lanterne - non celle de Rochefort, mais celle d'Eugène Mayer, fondée en 1877 et qui soutenait également Grévy. Il y donnait encore des feuilletons en 1889-90. Membre de l'association syndicale des journalistes républicains. A publié (1875) un Almanach illustré des coulisses parlementaires, sous le nom de Jean du Vistre. Avait-il été, dans sa jeunesse, l'auteur du recueil de poésie Pêle-mêle (1853), inspiré de Musset si l'on en croit la Revue de Paris (1854, 20, p. 470) ? De la brochure "Comment doit se faire l'éducation politique du pays ?" (1871) ? Présence dans le service de mai 1867 à février 1885.

Il se fit ensuite l'agent à Paris du gouvernement tunisien et donna des monographies consacrées à notre empire colonial - une longue note consacrée à la Tunisie et, en 1900, L'Indo-chine (son fils était gouverneur de la Cochinchine).

Louis Andrieux (le père d'Aragon) fixe la silhouette. Nommé préfet de police en 1879, il veut se concilier la presse… et c'est Bonhoure qui prétend faire son éducation :

« Mon objectif n'était pas de conquérir les bonnes grâces de la Lanterne, ni même de nouer pour longtemps avec le Conseil municipal une entente à coup sûr désirable, mais certainement impossible. Ma préoccupation exclusive était de rétablir l'autorité préfectorale, de faire revivre la discipline, de réorganiser l'administration de la police, dont les procès, les enquêtes, les interpellations, avaient dispersé la poussière aux quatre vents. Pour cette œuvre, j'avais besoin que la presse et le Conseil municipal me laissassent quelque répit. J'essayai de jeter quelques gâteaux à ces deux cerbères. La Lanterne d'abord ne me parut pas éloignée de vouloir flirter avec le nouveau préfet.
Avant même que j'eusse pris possession de mes fonctions, je vis entrer chez moi un petit homme à lunettes, que j'avais vu souvent dans les couloirs de la Chambre, fait à la fois de bonhomie, de finesse et de brusquerie, toujours affairé, souriant discrètement aux députés ses amis, adressant à quelques-uns un petit salut protecteur. C'était M. Bonhoure, secrétaire-rédacteur à la Chambre des Députés et principal rédacteur à la Lanterne. Je reçus de mon mieux M. Bonhoure. J'écoutai, sans l'interrompre, les conseils abondants qu'il voulut bien me donner. Je connus par lui ceux de mes agents que je devais révoquer et ceux auxquels une réparation était due pour les injustes vexations dont mes prédécesseurs les avaient abreuvés.
Je fus bien vite fixé sur les conditions auxquelles je pouvais avoir la protection de la Lanterne. Je compris fort bien que le journal de M. Mayer ne pouvait se compromettre jusqu'à soutenir ostensiblement un préfet de police, mais qu'il saurait reconnaître ma docilité par une neutralité bienveillante. D'ailleurs, M. Bonhoure m'offrait de compléter par d'autres entretiens ces premiers renseignements et se mettait amicalement à ma disposition.
- J'habite, me dit-il, rue du Mont-Thabor, n° 13. Vous n'avez qu'à m'écrire.
Et je vois toujours M. Bonhoure, descendant mon escalier, levant vers moi l'index avec un geste d'intelligence et de mystère en me répétant, en baissant la voix :
- Surtout, n'oubliez pas que j'habite rue du Mont-Thabor, n° 13. » (Louis Andrieux, À travers la République, mémoires, 1926, t. I, p. 173-4 et 200-203)

Quelque temps après, sommé de s'expliquer devant la Chambre sur la saisie du journal, Andrieux réduit la Lanterne à quia en mettant les rieurs de son côté, cependant qu'au bas de la tribune, le pauvre Bonhoure est obligé de "sténographier" ses paroles…


24. André-Adolphe LARA-MINOT

(Melle, 1835-1911), fils d'un receveur des impôts de Melle. Secrétaire du baron David (député de la Gironde et représentant de l'extrême droite sous le Second Empire). "L'activité faite homme". Entré au compte rendu en juillet 1867, un peu après les deux précédents, il y restera jusqu'en janvier 1876 - au traitement de 5 500 F par an, précise un journal rapportant sa condamnation pour utilisation d'un titre de transport invalide. Selon la nécrologie publiée par Le Figaro, « secrétaire-rédacteur au Corps législatif et ensuite à l'Assemblée nationale, M. A. Lara-Minot avait occupé entre temps les fonctions de chef de cabinet du baron Jérôme David, d'abord président du Corps législatif, puis ministre des travaux publics dans le dernier cabinet de l'Empire. Au lendemain du 4 septembre, Gambetta lui avait offert la préfecture de la Charente-Inférieure, qu'il ne voulut point accepter en raison de son attachement à la famille impériale. Après la mort du prince impérial, il servit avec un égal dévouement la cause du prince Napoléon. Il comptait d'ailleurs de précieuses sympathies dans tous les milieux politiques. Il avait épousé Mlle Chaban, petite-fille du comte de Chaban, qui fut successivement intendant général des finances, gouverneur de Hambourg et préfet de Bruxelles sous le premier Empire. »
Il aura donc été chef de cabinet pendant vingt-sept jours, en 1870. L'année suivante, Claveau le voit dans le rôle de "recruteur" pour le prince Napoléon. En 1877, il était rédacteur au Salut, journal bonapartiste dirigé par Clément-Duvernois.
Chercher Le neveu de Bonaparte, de Paul Lenglé, 1893. Revue des deux mondes, I, p. 788.


 

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