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Aujourd’hui, Mesnac dépend administrativement de Cognac (canton, arrondissement et communauté de communes), mais dépend aussi économiquement …du cognac, tant la vigne y a pris de place. Cependant, dans la carte des crus de cette eau-de-vie, la commune se situe dans les « Fins bois » (en bleu), alors que ses voisines Cherves-Richemont et Saint-Sulpice sont dans les Borderies (en rouge).
(classement de 1936-38)
Il se dit que le maire de l’époque avait été absent lors d’une réunion décisive, mais il est vraisemblable que l’étude géologique de Coquand (voir Dans le Pays-Bas) a été pour beaucoup dans cette relégation. Et celle-ci a au moins un avantage : isolé entre la Charente-Maritime et les Borderies, Mesnac est préservé d’une fusion qui, logiquement compte tenu de l’histoire et de la géologie, ne pourrait guère se faire qu’avec Cherves mais supposerait une révision du classement. En revanche, une telle opération aurait été possible avant le décret de 1909, quand Cherves n’était pas dans les Borderies, plus restreintes qu’aujourd’hui, et n’aurait donc pu absorber Richemont.
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carte de 1887 | Après le décret de 1909. Mesnac était, non dans les Fins Bois, mais dans les Premiers Bois (en vert), supprimés en 1936. |
La châtellenie de Cognac
Avant la Révolution, Mesnac dépendait de la châtellenie de Cognac et Merpins, qui débordait sur la future Charente-Maritime. Gustave Dupont-Ferrier, dans sa thèse latine Quæ fuerint […] in Engolismensi “apanato” comitatu instituta, 1445-1515 (Picard, 1902, p. 219-234) en donne la composition vers 1490, sous Charles d’Angoulême :
COGNAC, Compiniacum, Compniacum, Compnacum, Cogniacum, Cognacum. « La chastellanie de Coignac ; la parr. de Boutiers, Cherves, S. Suplice [Saint-Sulpice], Mesnac, Angles et Chasteau-Bernard, Burie [17], S. Laurens, Ars, Salles [d’Angles], Richemont [auj. réuni à Cherves], Genté, Villars [17], Croign et Javersac [Crouin et Javrezac], Aumosnerie de Coignac, Puypérou et l’enclave de Boys-Redont (17) » (1487 et sv.).
Puypéroux et Boisredon sont à chercher tout au sud de la Charente-Maritime ; on ne les trouvera donc pas sur les cartes qui suivent. L’enclave de Saint-Georges de Richemont dépendait du siège de Saintes « delà la rivière de Charente », auquel était également attribué Javrezac en 1590.
MERPINS, Merpisium. « La chastellanie de Merpins ; la parr. de Gimeux, de Sallignac et le Prunelar [Le Prunelas en Salignac, 17], Gensac et Roissac [ce dernier auj. dans Angeac-Champagne], Bourg-Charente et le village de Molins-neufz [auj. Moulineuf], S. Bris [Saint-Brice], S. Trojan [auj. réuni à Boutiers], Dompierre [17, sans Orlac, auj. dans la même commune], S. André et l’enclave de Louzac » (1488 et sv.).
Louzac dépendait pour l’essentiel du siège de Saintes « delà la rivière de Charente ».
Vers 1700, Jean-Baptiste Nolin a dessiné une carte de la généralité de La Rochelle dédiée à l’intendant Bégon, dont elle complète utilement le Mémoire :
Elle a cependant le défaut d’établir une continuité impossible, par exemple entre Dompierre et le reste de la châtellenie de Merpins. Il suffit de reprendre une carte des communes actuelles, point trop différentes des paroisses de l’Ancien Régime, pour constater que cette dernière était en fait morcelée :
En 1789, elle s’était fondue dans celle de Cognac et la liste des paroisses s’était quelque peu modifiée. La voici telle que la donne Prosper Boissonnade (Essai sur la géographie historique et sur la démographie de la province d'Angoumois du XVIIe siècle au XIXe, Angoulême, 1890, p. 85, 98-101 et 109-110) :
Ars (?), Bourg-Charente, Boutiers, Châteaubernard, Cherves, Crouin [absorbé par Cognac en 1867], Cognac, Genté, Gimeux, Graves, Javrezac, Louzac, La Magdeleine (?), [Merpins], Mesnac, Puypéroux, Richemont, Saint-André, Saint-Brice, Saint-Laurent, Saint-Martin [absorbé par Cognac en 1847], Saint-Sulpice, Saint-Surin (?) [aujourd’hui dans Châteauneuf], Saint-Trojan, Salles ; Burie, Dompierre, Roumette, Salignac, Villars (17).
Angles et Gensac auraient donc été partagées avec la châtellenie de Bouteville cependant que Chassors l’aurait été avec celle de Jarnac – la partie relevant de Cognac est devenue la commune de Julienne, séparée de Chassors après la Révolution.
Il faudrait d’autre part ajouter trois paroisses un peu éloignées : Graves et, avec une marge d’incertitude, Saint-Surin (auj. dans Châteauneuf) et La Magdeleine (aujourd’hui réunie à Criteuil) – ainsi que Julienne et l’enclave de Roumette, aujourd’hui dans Saint-Bris des Bois – et inclure Louzac en totalité. En revanche, Angles et Gensac n’auraient pas été comprises entièrement dans la châtellenie.
Une carte de 1630 permet de situer les enclaves sans donner toutefois les limites de la châtellenie autres que celles qui coïncident, à l’ouest, avec la frontière de l’élection de Saintes et au nord avec celle de l’élection de Saint-Jean d’Angély :
Mesnac touchait par conséquent à la limite nord de la châtellenie (et de l’Angoumois). Le bois de Cognac, au bord du Véron et près de La Samsonnerie, tient sans doute son nom de là – tout comme la motte de Cognac, aujourd’hui disparue, qui figurait sur la carte de 1763 (voir Le Marais), entre Saint-Sulpice et Migron.
Angoumois ou Saintonge ?
Depuis 1239, la châtellenie de Cognac dépendait du comté (puis, à partir de 1515, duché) d’Angoulême, constituant une part importante de ce que P. Lacroix a dénommé l’Angoumois occidental. Néanmoins elle se rattache à la Saintonge à un double titre. Linguistique d’abord, puisque le domaine du saintongeais s’étend à l’est au-delà d’Angoulême. Religieux ensuite, car, jusqu’à la création des départements, le diocèse de Saintes allait jusqu’à Bassac inclus ; or son territoire coïncidait avec celui des Santons. Comme on peut le voir sur la carte ci-après, il est borné à l’est par un petit affluent de la Charente, la Guirande, dont le nom, issu comme Aigurande ou Ingrandes d’Equoranda ou Egoranda, est un marqueur de frontière entre cités gauloises.
Mesnac se trouvait au XVIIIe siècle dans l’archiprêtré de Burie, mais celui-ci était apparemment.de création assez récente. Boissonnade plaçait la paroisse dans l’archiprêtré de Jarnac, ce qui était effectivement le cas en 1326, lors d’une levée de subsides dont les états permettent de dresser cette carte approximative, allant de Chaniers à Bassac sans franchir la Charente au sud – Mesnac y apparaît en sombre :
On déplore aujourd’hui l’empilement des collectivités. Sous l’Ancien Régime, la plaie consistait plutôt dans l’enchevêtrement des circonscriptions. Du point de vue fiscal, l’élection de Cognac était l’une des cinq dont se composait la généralité de La Rochelle alors que celle d’Angoulême dépendait de la généralité de Limoges. Mais, en matière judiciaire, le siège royal de Cognac était rattaché à la sénéchaussée d’Angoulême, tandis qu’en matière militaire, Saintonge et Angoumois formaient un seul gouvernement.
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1. « L’Antenne infinie dans ses rameaux » (mémoire de la dame de Vaujompe, 1763)
Mesnac comprend, sous la forme d’une demi-amande très allongée ou d’un arc, une petite partie de la vallée de l’Antenne, là où la rivière alentie par la faiblesse de sa pente se ramifie – les géographes parlent de « chevelu ». Ce « marais » commence quand le canal qui fait la limite avec Saint-Sulpice se sépare de la rivière de Chazotte, et il finit quand les deux cours d’eau se conjoignent à nouveau, un peu en aval du moulin de Chazotte, du nom du château tout proche converti en métairie au XVIIe siècle. S’y ajoute la basse vallée du Véron, frontière entre Mesnac et Le Seure. Comme celle de gauche ci-dessous, la plupart des cartes ne figurent au mieux que ces trois cours d’eau, ignorant les nombreux sous-sous-affluents qui divisent ce marais. Elles y ajoutent seulement le fossé du Roy, créé sous le « bon comte Jean », au xve siècle, par raccordement de deux ruisseaux, l’un affluent de l’Antenne de Chazotte, l’autre de la Charente, de sorte que son cours pût s’inverser pour soulager l’une ou l’autre rivière (voir l’article de Wikipedia). Comme on le verra plus loin, le Véron et le fossé du Roy étaient à l’origine des affluents de la rivière de Chazotte. Maintenant, tous deux passent sous celle-ci par un « coué » (prononciation saintongeaise du vieux mot « coi », conduite, aqueduc) pour rejoindre le canal. Voir deux articles de Sud-Ouest, sur les aqueducs de la rivière de Chazotte et sur ses « fantaisies ».
Le fait que les autres ruisseaux (« ris ») ou fossés soient ignorés témoigne de leur délaissement – on en a laissé beaucoup s’envaser – et cela a pu contribuer aux inondations périodiques. Nous essaierons ici d’en retrouver certains, mentionnés dans divers actes du XVIIIe siècle. La carte de droite (d’après une carte accessible par le site de l’EFTB ou par Info-Terre, mais dont l’interprétation n’est pas toujours facile) donne une idée de ce réseau, y compris de ce qui en subsiste à l’état de traces. La partie nord concorde globalement avec les données du cadastre, mais la partie sud ajoute à celui-ci de nombreux tracés, coïncidant parfois avec des limites de parcelles (du pré des Ânes notamment).
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Pour l’essentiel, ce marais est aujourd’hui, au sein d’une zone Natura 2000, une peupleraie, mais, dans mon enfance, la pêche y était largement pratiquée, et la limite avec le braconnage souvent franchie. D’où toute une flottille de « bateaux » (ou « batiâs », barques à fond plat, comme dans le Marais Poitevin), grâce auxquels on pouvait aller « tendre » le soir des « bourgnons » qu’on relevait le lendemain emplis d’anguilles.
Le bourgnon était une nasse de vannerie, de forme effilée. On appâtait en y faufilant une mince tige d’osier
sur laquelle était embroché, ô horreur !, « in’ âchet » (un lombric).
Le bouchon, perforé, était recouvert d’un grillage à la maille
Il y avait aussi les « bourgnes », en fil de fer, pour le reste du fretin, comme les brochets ; des « balances » pour les écrevisses (grises alors), quand on ne les attrapait pas à la main ; des carafes pour les « veurdons » ou les « goueyes » (vairons et goujons)… Mais je crois bien avoir également entendu, à la veillée, des histoires de pêche nocturne au tramail, voire au phosphore, et de cache-cache avec les gardes-pêche, parfois victimes de mauvais tours.
Pour l’état de l’Antenne et de son peuplement en 2003, voir ici.
La vie, à l’Isle ou en bas de l’église, était aussi scandée par les « dérivées », les inondations comme il vient encore de s’en produire une (début novembre 2019). Et par quelques suicides : dénommée d’après le fils d’un entrepreneur de la commune qui l’avait peut-être étrennée, la fosse à Manane, située naguère à quelques mètres en aval du pont du canal, était connue des désespérés des environs, dont on retrouvait ensuite le cadavre au moulin de Préziers.
Autre attraction, moins lugubre : le « poupion Beurnard » (peuplier Bernard), qui survivait tant bien que mal dans les années soixante et que La Croix du 3 janvier 1933 évoquait en ces termes : « Dans la commune de Mesnac (Charente), existe, assure la Gazette du village, un peuplier de 25 mètres de haut, dont le tour, à un mètre du sol, mesure 9 mètres. Il est en excellent état et fait l'orgueil des habitants qui en font le but de leurs promenades dominicales. » Je ne suis pas sûr toutefois que la situation de cet arbre dans le pré Bernard, à quelques mètres du canal, ait été bien propice à de telles processions…
2. Les travaux de drainage sous le Second Empire
Au milieu du XIXe siècle, le marais a subi des travaux de drainage qui, si l’on en croit un article (vraisemblablement de la plume du curé Ollier de Saint-Sulpice) du journal interparoissial Autour de Cognac, de 1910-1911, répondaient à des nécessités d’assainissement depuis longtemps constatées – d’autant que la défiance à l’égard des eaux stagnantes conduisait à assimiler une forme de paludisme à la peste :
« En temps de troubles ou d'invasion, les populations riveraines des marais venaient chercher refuge [dans la vallée de l’Antenne]. Certes, elles y trouvaient la nourriture et le bois en abondance, mais aussi les mouches et les moustiques, vecteurs de maladie et de mort. Pas une épidémie ne leur fut épargnée.
La peste noire qui sévit chez nous de 1629 à 1631 et que, tant elle inspirait de crainte, on appelait "mal de Boussac", avait débuté au pied de Richemont. Elle fit de grands ravages, non seulement chez nous, mais dans toute la France ; en Lorraine, elle dura sept ans.
Les seigneurs de Chesnel et de Château-Couvert signalèrent le risque énorme que faisaient courir ces marais pestilentiels. Ils s'entendirent pour faire curer l'Antenne et les canaux qui conduisaient l'eau vers les moulins de façon à faciliter l'écoulement.
Mais peu à peu, vers la fin du xviiie siècle, l'envasement effaça le bon travail qui avait été fait. Progressivement le paludisme s'installa sous le nom de "mal des marais". Il devint tellement grave que les deux tiers des habitants en moururent.
Ce n'est qu'après la promulgation de la loi de 1807 sur le dessèchement des marécages que des études sérieuses furent faites. Elles intéressaient les communes de Migron, Le Seure, Mesnac, Saint-Sulpice et Cherves.
De 1807 à 1852, les années se passèrent en formalités. L'état des choses empirant, le comte de Rochefort, sous-préfet [de 1852 à 1861 ou 1862], Jean Tachet de la Cassotte [maire de Cherves de 1841 à 1849] et G[ustave] Bérauld, secrétaire de la sous-préfecture [de 1852 à 1862], prirent enfin à cœur de faire terminer cette affaire.
Un syndicat fut institué, des plans et devis étudiés par M. Levert, ingénieur du département, furent approuvés et les 220.000 F de travaux confiés à la surveillance de Justin Garlandat, ingénieur civil à Cognac. Victor Bertin, gendre de M. Philippon, d'Archiac, termina la tâche en trois ans, à la grande satisfaction des populations de la contrée.
Ces travaux consistèrent en la création de trois grands canaux droits qui eurent pour avantage d'emmagasiner les eaux et de les écouler avec rapidité. »
On verra qu’il n’y eut à proprement parler qu’un canal, en tout cas pour Mesnac… Mais, selon l’abbé Cousin, tout ne se déroula pas aussi sereinement, surtout quand vint le temps de solder la « douloureuse » :
« L'affaire du dessèchement des marais de l'Antenne a fait tant de bruit, qu'il n'est pas possible de n'en pas dire quelques mots. Ce n'était plus, comme pour le dessèchement des marais de Merpins en 1783 l'obstination des meuniers qu'il fallait vaincre : l'affaire se présentait sous une tout autre face : c'était le quart d'heure de Rabelais, le règlement des comptes qui divisait les ordonnateurs de travaux et les riverains intéressés. Analysons brièvement le Mémoire que Me Gervais Robin, avocat de Cognac, présenta au Conseil d'État au nom des défendeurs et intimés :
[…] Il existait encore en ce siècle beaucoup d'usines et de moulins sur cette rivière (l’Antenne), de sorte que l'écoulement des eaux étant souvent suspendu, il en résultait des crues, des atterrissements ou des inondations préjudiciables aux prairies limitrophes.
Dès l'an XII, le Conseil d'arrondissement de Cognac songeait à porter remède à un tel état de choses en donnant au canal une nouvelle direction. En 1807 et en 1812, on conseillait aux populations de s'adresser au gouvernement pour en obtenir un prompt secours. Mais outre que le moment n'était guère favorable (la guerre ne cessait d'embraser l'Europe), les habitants, routiniers comme partout, restaient dans l'indifférence. Il aurait fallu quelque influence locale vigoureuse pour les entraîner, et il ne s'en montrait aucune.
Jusqu'en 1847, on ne parut plus y songer, lorsque soudain on apprit que le ministre des travaux publics venait de prescrire des études de dessèchement et la formation d'un syndicat provisoire : c'était le meilleur moyen de concilier l'autorité de la loi avec le respect de l'initiative individuelle. Un décret de 1852 désigna une solution encore plus précise, en indiquant les travaux d'élargissement et de rectification de la rivière. De provisoire, le syndicat devenait définitif. Voter un emprunt de 12,000 francs pour les premiers besoins, de 35,000 francs pour les dépenses imprévues, ne fit aucune difficulté. On classa les terrains à acquérir, on évalua les travaux à 150,000 francs, on vota de nouveaux emprunts. Tout alla bien jusqu'en 1858. Alors apparut un point noir. Le moment d'apurer les comptes était venu, et la commission syndicale, bien qu'ayant pu faire exécuter pour 102,000 francs un travail d'abord estimé 120,000 francs et possédant plus de 50,000 francs d'autres réserves, avait voté un nouvel emprunt de 20,000 francs. De toutes parts les intéressés jetèrent les hauts cris, et, comme il arrive en pareil cas, des gens qui n'avaient rien trouvé à redire aux projets ni à leur exécution firent une opposition vigoureuse. Les meilleurs arguments de l'administration ne surent les calmer, et, groupés autour de M. O’Tard de La Grange, une des principales notabilités cognaçaises, ils portèrent, par l'intermédiaire de Me [Gervais] Robin, l'affaire au Conseil d'État.
C'était un de ces procès épineux où toutes les arguties légales et interprétatives, les épikéies [demandes d’exception à une loi jugée nuisible dans le cas particulier] et les réticences [omissions de certains faits] furent épuisées tour à tour, jusqu'à ce qu'intervînt un accord basé sur les réclamations des intéressés. Ce qui montre avec la dernière évidence que, même pour faire le bien, il ne faut pas trop aller de l'avant, et que mieux vaut souvent rester un peu en deçà du but que de le dépasser. » (Abbé Cousin, Histoire de Cognac, Jarnac, Segonzac…, Bordeaux, 1882, p. 302-303).
Les travaux étaient donc achevés en 1858, mais le contentieux n’a probablement pas été apuré avant 1868, date à laquelle le Conseil d’État décréta légales les taxes instituées en faveur du syndicat de l’Antenne.
Une comparaison entre le cadastre napoléonien (de 1822) et le cadastre récent fait avant tout apparaître la canalisation de ce qui s’appelait auparavant le ris Martin. La rectification de son cours a laissé ou coupé des boucles :
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Si la rivière de Chazotte paraît intouchée, il semble que le Véron ait été prolongé jusqu’aux premières maisons de Mesnac pour le « brancher » (par un coué) sur un affluent du ris Martin qui devait être la Gravelle telle qu’elle apparaissait sur la carte de 1763 jointe au mémoire de la dame de Vaujompe.
Ces travaux ont d’ailleurs pu être réalisés après 1858, peut-être au moment où a été ouverte la route joignant le Seure – en 1900, semble-t-il, après le déplacement du cimetière (vers 1890) et la construction du lavoir (souscription en 1886).
En revanche, la route de Coulonge, traversant l’Isle, date bien de 1857. Mesnac était donc dans un cul-de-sac jusque dans les années 1850. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait aucune communication avec les villages situés de l’autre côté du marais. Simplement on recourait au bateau, qu’il s’agisse d’aller « fréquenter » ou de se rendre au bal du Seure. Cependant, selon ma mère, on ne parlait pas tout à fait le même patois dans les trois villages : à Mesnac, « moi » se disait « meu » ; au Seure, « mé » et à Coulonge « mouô »…
On ne voit pas pourquoi il n’y aurait pas eu dès 1857 un pont franchissant le canal, mais j’ai entendu dire qu’il avait été reconstruit avant la seconde guerre mondiale : achevé juste à temps pour que les Allemands y passent, il aurait été « inauguré » par la mort d’un motocycliste de la Wehrmacht, qui s’y serait engagé trop vite et aurait fini en vol plané dans les arbres.
On notera aussi le comblement au moins partiel de fossés autour de l’Isle, notamment pour frayer un passage le long de la rivière de Chazotte. Mais le cadastre n’a peut-être pas enregistré d’autres changements intervenus dans des zones moins accessibles – ne serait-ce que l’assèchement ou le comblement, total ou partiel, de cours d’eau figurés par des lignes discontinues sur la deuxième carte de cette page.
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En sus de la rectification du ris Martin, on notera surtout dans cette partie sud, la connexion du fossé du Roy avec le canal, via le ruisseau enserrant le bois Pommier, dont le tracé aurait été alors infléchi.
3. Le temps des vergnées
Au XVIIIe siècle, les anguilles étaient bien sûr présentes, comme en témoigne la mention d’anguillards annexés aux moulins de Chazotte et de Coulonges. En 1646 déjà, le meunier Besson du premier était tenu « de fournir de tesure (filets) pour ses pesches, et pour les enguilles de feurne [réservoir à poisson creusé en dehors de l’écluse, à l’orifice de la vanne] quy se prandront ausdictz moullins, ledict seigneur en aura le nombre de demy cent et la moictyé au reste », cependant que Josias Chesnel lui délaissait « deux batteaux pour le service desdictz moullins et paische ». La carte de 1763 dont on reproduit ci-dessous un détail (décalqué) accompagnait d’ailleurs un mémoire dans lequel la dame de Vaujompe défendait ses droits de pêche contre les empiètements des d’Orvilliers.
Mais cette même carte montre que les peupliers ont pris la place de prés et de « vergnées », autrement dit des aulnaies.
On notera aussi le comblement au moins partiel de fossés autour de l’Isle, notamment pour frayer un passage le long de la rivière de Chazotte. Mais le cadastre n’a peut-être pas enregistré d’autres changements intervenus dans des zones moins accessibles – ne serait-ce que l’assèchement ou le comblement, total ou partiel, de cours d’eau figurés par des lignes discontinues sur la deuxième carte ci-dessus.
Le vergne : « Les tourneurs l’emploient en échelles, en chaises communes et autres ouvrages ; il est recherché aussi par les sabotiers. » (Dictionnaire raisonné universel d’histoire naturelle, 1716). Mais il était aussi réputé tenir les berges grâce a ses racines et, s’il résistait mal à l’air et à la lumière, il ne pourrissait pas exposé à l’eau : d’où son emploi pour faire des ponts de fortune, des tuyaux, des sabots, des manches, des perches de bateau, des roues de moulin, des poteaux ou des piquets, voire des récipients pour la cuisine ou autres ustensiles de ménage. On l’utilisait aussi pour la fabrication de jougs de bœufs. Il se tournait facilement : n’oublions pas que Mesnac était un village de tourneurs (voir Les Mesnacois). Comme bois de chauffage, il se consumait trop rapidement, mais en produisant une chaleur très vive et en laissant peu de cendres, ce qui le faisait apprécier pour la boulange. Autrefois, l’exploitation des taillis d’aulnes se faisait en coupant à 8 ans les bois dits « de boulange » destinés aux fours à pain, à 15 ans les bois de feu à usage domestique ou industriel (verreries) et à 25 ans ceux pour les autres emplois (piquets, poteaux, etc.). |
L’inventaire des terres de Château-Chesnel de 1780 (voir Les Métairies) est muet sur la plupart des parcelles situées au nord de la Gravelle. Cela se comprend s’agissant de celles qui appartenaient au clergé, en particulier du pré de la Cure qui devait relever du prieur de Mesnac – de l’église Saint-Pierre dont le ris qui longe cette parcelle tire sans doute son nom. Quant aux terres du Seure et de Fontdouce, il s’agissait peut-être du Grand Bois et du pré Bernard qui, en 1824, seront détenus très majoritairement, le premier par des habitants du Seure, le second par des habitants de Saint-Sulpice.
Est cependant mentionné un bois qui, touchant au Véron à l’ouest, ne peut être que le bois Monsieur. Toutefois, celui-ci ne fait plus aujourd’hui que les deux tiers des 14 journaux indiqués, soit 3,2 ha au lieu de 4,8 environ. Mais il en faisait encore 4,5 en 1824. Il faut supposer qu’il débordait sur l’un des deux grands ensembles limitrophes, les Plantes ou, plus vraisemblablement compte tenu de sa dénomination ici, les Grenussons.
Plus une piece de bois appellé les Grenussons contenant quatorze journaux ou environ, de l'age de 18 à 19 ans, confrontant du levant au jardin de Mr le prieur de Menac, du couchant au ris du Véron, du nord au bois de Jean Jobet, du midy au jardin de Pierre Mesnié, chemain entre deux, estimé sol et bois la somme de sept mille livres
Figurent aussi dans la liste deux petites « levades » (talus servant de chaussées ou de digues ? ou bien « levées de terre situées dans des endroits marécageux, ou du moins humides, complantées en arbres d’essences diverses » selon G. Millardet, in Revue des langues romanes de 1921, p. 128 ?), probablement comprises comme le jardin de la Borderie juste au nord du logis de l’Isle, dans les actuels « jardins de l’Isle » à moins que ce ne soit dans le Pré haut. Apparaît ici un premier ris maintenant oublié, le ris des Roseaux :
Plus deux petites levades se joignant près le logis de l'Isle contenant ensamble un demy journal, sur lesquelles il y a quelques sepée d'ozier, vergne et folle d'accrus, confrontant du levant au fossé ou douë faisant séparation des dittes levades, au jardin de la bordrie dudit logis, du couchant au ris des Rouseau, du nord à la douë dudit lieu, du midy aux issuës dudit logis de l'Isle, fossé entre deux, estimé sol et bois la somme de cent livres.
Plus au sud, on trouve d’abord la Gravelle et l’Euliaud, ou, plus exactement, d’ouest en est, la Gravelle et le Gravellon, puis l’Œilleau (parfois au pluriel) – des vergnées, puis des prés, selon une disposition qui se perpétuera jusqu’au moulin de Chazotte.
Plus une petite vergnée appellée la vergnée de la Gravelle, contenant environ deux journaux, de l'age de sept ans, confrontant du levant au ris de la Met séparant la ditte vergnée d'avec celle du Gravillon [ou Gravellon] dont il sera cy après parlé, du couchant au ris de la Fenestre, du midy au sr Gabeloteau et autres, du nord audit ris de la Gravelle, estimé sol et bois la somme de trois cent soixante livres
Plus une petite vergnée appellée la vergnée du Gravellon contenant environ deux journaux de l'age de douze ans ou environ confrontant du levant au pré du grand Oeilleau, du couchant au ris de la Met, appartenant aux mesmes seigneurs, du midy à Gabeloteau et du nord au ris de la Gravelle, estimé sol et bois la somme de quatre cent livres
Ces quatre journaux (moins de 1,4 ha) entrent aisément dans la Gravelle actuelle (1,7 ha, ce qui laisse un peu de place pour la vergnée du sieur Gabeloteau). Le ris de la Met, limite de la seigneurie de l’Isle, aurait donc partagé ce terrain par moitié. La Gravelle est, comme on l’a vu, le ris absorbé par le Véron. Le ris de la Fenêtre est beaucoup plus difficile à situer : était-ce le nom d’une portion du ris Martin ou celui d’un ruisseau tout proche de celui-ci (et parallèle à lui), ou encore un de ses bras ? Une fenêtre était une trouée dans les arbres, que l’on barrait d’un filet pour prendre les oiseaux. Sur la carte de 1763 reproduite plus haut, elle est mentionnée avec le ris de la Gravelle…
L’Euliaud actuel mesure environ 3,5 ha, soit quelque 10 journaux. L’ensemble des prés qui suivent en couvraient 11 « ou environ ». Le nom, qui fut même orthographié « Leulio » en 1824, est une déformation de l’Œilleau, probable dérivé d’« œil » au sens de trou d’eau – en 1826, une « pièce d’eau » de 4 ares y est mentionnée (à côté d’une maison !). On pourrait aussi penser à une mauvaise lecture d’un dérivé d’oisit, « osier », car on trouve "Oseilleaux" dans un document de 1728. Quant au ris de l’Œilleau qui traverse cette prairie du nord au sud, on le retrouve plus bas, à la hauteur du pré des Ânes et pour prolonger le fossé du Roy jusqu’au canal, on en a apparemment utilisé un tronçon, quitte à avoir deux angles droits. Le pluriel « aux ris de l’Œilleau » est probablement une des nombreuses fautes d’accord que présente le document, mais il se peut aussi que ce ris ait été dédoublé comme le suggère la carte n° 2.
Une pièce de pré contenant cinq journaux ou environ en trois pièces, scittuée en la prairie des Oeilleau, lesquels sont contigus les uns aux autres et touchant des deux costés nord et couchant et bout midy au pré de la Borderie, estimé la somme de mille livres (Logis de l'Isle)
Plus une pièce de pré marais contenant deux journaux ou environ, confrontant du levant au pré de la meterie du logis de l'Isle, du couchant aux ris de l'Oeilleau, du nord et midy au pré de laditte meterie, estimé la somme de quatre cent livres (Borderie)
Une petite pièce de pré sittué dans la prairie de l'Oeilleau contenant environ un journal, confrontant du levant au pré de la meterie du logis de l'Isle, du couchant à la vergnée du Gravellon, et du nord au pré de la metérie du logis de l'Isle, du midy à la vergnée de l'Oeilleau, estimé la somme de deux cent livres (métairie de l'Isle)
Plus une pièce de pré audit lieu de l'Oeilleau, contenant environ trois journaux, confrontant du levant à la chaussée du moullin de Chazotte, du couchant à la vergnée de l'Oeilleau, du nord au pré depandant de la meterie du logis de l'Isle, et du midy au pré rong, nauve entre deux, estimé la somme de cinq cent livres (métairie de l'Isle)
Suivent au sud quelque 23 journaux de vergnées (environ 8 ha), mais les parcelles au bord de la rivière de Chazotte sont encore en pré (environ 15 journaux, soit un peu plus de 5 ha, dont la moitié en pré-marais entre le pré des Ânes et la rivière). Dans le cadastre actuel, la vergnée de l’Œilleau (3 ha) a absorbé les parsonnières (i.e. communes aux deux seigneuries de Mesnac et Chazotte) et d’autres, jusqu’à la vergnée du Moulin / du Pavillon exclue. Il ne s’agit toutefois que des vergnées dépendant de Château-Chesnel ; les trois ou quatre hectares restants, et la plus grande partie du bois Pommier, comblant l’espace entre elles et le ris Martin, appartenaient à des « particuliers » :
Plus une petite vergnée en pointe de l'age de cinq ans, appellé l'Oeilleau, contenant environ un tiers de journal, confrontant du levant à Boutelleau, fossé entre deux, du couchant à Pierre Brandy, du midy à Pierre Quette, du nord au pré de la meterie de l'Isle, estimé sol et bois la somme de quarante livres ("vendu") (domaines écartés)
Plus la vergnée de l'Oeilleau contenant environ trois journaux de l'age de quinze ans ou environ, confrontant du levant au pré de l'Oeilleau, du couchant à plusieurs particuliers, fossé entre deux, du nord aux vergnées des nommés Chébinnaud et autres, du midy à la vergnée parsonnière, estimé sol et bois la somme de mille cent livres ("vendu") (domaines écartés)
Plus une vergnée appellée la parsonnière contenant dix journaux ou environ, de l'age de vingt cinq ans ou environ, confrontant du levant au pré des Oeilleau, du couchant aux vergnées de differants particulliers et à celle des Boïet, du nord à la vergnée de l'Oeilleau, du midy au pré rong, estimé sol et bois la somme de deux mille cent livres ("vendu") (domaines écartés)
Une série de quatre vergnées se succédant du nord au sud :
Plus une vergnée appellée la vergnée des Bois [la même que celle des Boïet citée ci-dessus ?] contenant environ deux journaux, de l'age de onze ans, confrontant du levant à la vergnée parsonnière appartenant aux mesmes seigneurs, du couchant au ris de la Bordrië, du nord au nommé Savarit, du midy à la vergnée cy dessus [vergnée parsonnière], estimé sol et bois la somme de trois cent livres (domaines écartés)
Plus une vergnée appellée la vergnée parsonnière contenant environ trois journaux de l'age de cinq ans, confrontant du levant au ris de l'Oeilleau, du couchant au ris Sablon, du nord à autre vergnée, dépandant des mesme seigneurs [vergnée des Bois], du midy à la vergnée à Perrin, estimé sol et bois la somme de deux cent soixante cinq livres (domaines écartés)
Plus une autre petite vergnée, appellée la vergnée à Perrin, contenant un journal et demy ou environ, confrontant du levant au pré des asne dépandant du moullin de Chazotte, du couchant au pré de M. des Brunais [le seigneur de Coulonge], le ris Sablon entre deux, et du midy à la vergnée [du pavillon], de l'age de cinq ans, estimé sol et bois la somme de deux cent livres ("vendu")
Plus une petite vergnée appellée la vergnée du pavillon, contenant environ trois journaux, confrontant du levant au pré du moullin Chazotte, du midy au pré Galland, du nord à une autre vergnée appartenant aux mêmes seigneurs [vergnée à Perrin], celle-ci estant de l'age de cinq ans, estimé sol et bois la somme de quatre cent livres ("en Menac / hors la préclauture")
Le ris de l’Œilleau se prolongeait donc jusqu’au pré des Ânes. Le ris Sablon était peut-être le ris enserrant le bois Pommier, dont la partie sud a été utilisée pour continuer le fossé du Roy jusqu’au canal. Quant au ris de la Borderie (assez éloignée de celle-ci, voir Les Métairies), ce pourrait être une des boucles subsistant au sud de la Gravelle.
Hormis une petite vergnée, ce sont uniquement des prés qui s’étendent entre les vergnées précédentes et la rivière de Chazotte. On notera l’orthographe du « pré Rong », qui n’a jamais été rond sans doute – et qui était moins étendu qu’aujourd’hui. Quant au pré des Ânes, dont le nom indique qu’à une époque il a dû être réservé aux auxiliaires du meunier, il était partagé entre le moulin et la métairie Noire.
Une pièce de pré appellé le pré rong contenant environ trois journaux, confrontant du levant à la rivière du moulin, du couchant aux vergnée parsonnière, du nord au pré de la meterie de l'Isle, du midy au pré de la meterie de chez les Noirs appartenant aux dits seigneurs, estimé la somme de quatre cent livres (Métairie neuve)
La vergnée du pré rong près le moullin de Chazotte, contenant environ un journal et demy, de l'age de huit ans, confrontant du levant à la rivière dudit moullin, du couchant et nord au pré rong, du midy au jardin dudit moullin, estimé sol et bois la somme de deux cent livres (domaines écartés)
Une pièce de pré appellé le pré des asne contenant environ quatre journaux, confrontant du levant au marais de Chazotte, du couchant aux vergnée parsonnière, du nord au pré rong et du midy au pré des asne depandant du moulin de Chazotte, estimé la somme de quatre cent livres (métairie des Noirs, fol. 30)
Plus un clos ou marais renfermé de murs en mauvais état, contenant environ un journal et demy, confrontant du levant à la rivière du dit moullin, du couchant au pré marais depandant du dit moullin, du nord à la vergnée du pré rong, du midy à la feurne dudit moullin, estimé la somme de trois cent livres ("Ménac", moulin de Chazotte)
Plus un pré ou marais près du dit moullin [le reste du pré des Ânes, certainement] contenant environ sept journaux, confrontant du levant à la rivière dudit moullin, du couchant aux vergnée parsonnière, du nord au pré rong, du midy à la vergnée du pavillon, estimé la somme de sept cent livres (moulin de Chazotte).
On a essayé ci-dessous de situer les ris cités dans cet inventaire :
Il faut ajouter, longeant la rivière, la chaussée entre le pont de l’Isle et le moulin de Chazotte, prolongée au sud jusqu’au pont Galland « ou la vergnée des David ».
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Il y eut un temps des métairies, à Mesnac comme à Cherves.
En 1620, Charles Chesnel acheta à Jacques de Puyrigault, seigneur de Charmant, ses terres de Mesnac et de La Roche. Dans ce dernier lieu, il fit bâtir Château-Chesnel (qui ne date donc pas de 1610), et abandonna alors son château de Chazotte, dont au moins une partie des bâtiments fut transformée en métairie - la Métairie vieille -, avec les terres environnantes. L'Isle, acquise par Josias Chesnel en 1655, subit le même sort mais, cette fois, les terres furent partagées entre deux métairies au moins.
Père et fils avaient, par ces acquisitions et d'autres (notamment celles de Plumejeau, comprenant le Courtis, en 1617 et de Vignolle en 1656), arrondi leur domaine, qui finit par s'étendre du Véron au Pont de Saint-Sulpice. Dans un souci de rentabilité sûrement, ils découpèrent ce territoire en métairies, ravalant à ce rang les petits manoirs de bord de rivière (Chazotte, l'Isle, le Courtis) au profit du seul Château-Chesnel, construit sur une éminence. En y comprenant celles que nous venons de citer, on dénombrait huit métairies à la veille de la Révolution :
- dans Mesnac, la métairie du logis de l'Isle, l'ex-métairie de l'Isle près de Vignolle (d'où parfois une confusion des dénominations), la Borderie au sud du bourg et la Métairie neuve près de Chazotte.
- dans Cherves, outre la Métairie vieille, la métairie des Noirs (ou des Nègres), la métairie du Courtis et la métairie de chez Boisnard.
À ces exploitations hors préclôture s'ajoutait le moulin de Chazotte, à cheval sur les deux paroisses, mais compris pour l'essentiel dans Mesnac.
Trois documents nous renseignent sur la consistance de ces métairies :
- un relevé de 1780 énumérant toutes les parcelles dépendant de Château-Chesnel. La ou les premières pages ont disparu, mais cela n'affecte que l'éventuel intitulé du document et les dix premières parcelles de la préclôture. Les indications de superficie - approximatives et d'ailleurs toujours assorties de la mention “ou environ” - et les confrontations fournies par cette pièce nous permettront de dresser in fine une sorte de cadastre, certes partiel mais laissant deviner les contours sud de l'ex-seigneurie de l'Isle.
- un "procès-verbal des bastimens et domaines et estimation du bestail compris dans la ferme du Château Chesnel" réalisés en 1788 lorsque Mme d'Écoyeux entreprit d'affermer une partie du domaine aux "sieurs Broussard de Livenne et Frannaud". Ce document ne concerne pas toutes les métairies, mais fournit des éléments intéressants sur les bâtisses, les cultures et le bétail.
- l'inventaire dressé l'année précédente après le décès de Louis-Alexandre Frétard d'Écoyeux ne fait guère que préciser la composition de ce bétail, et on fera grâce de la couleur des bœufs et vaches !
LEXIQUE Borderie : petite métairie. |
Métairie du logis de l'Isle
L'étendue des terres est de 50 journaux, non compris les "prés vergnée[s]", et leur revenu (total ou celui du seigneur ?) s'établit à 290 livres. Le métayer se nomme Jean Priolleau ou Priauleau.
consistance | superficie | valeur | au levant | au couchant | au nord | au midy | |
A. En la prairie des Oeillau | 3 prés contigus | 5 jx | 1 000 £ | ? | pré de la Bordrië | pré de la Bordrië | pré de la Bordrië |
B. Aux Seures près le bourg | pièce de terre | 2 jx (les 3/4 en agrière au six des fruits envers le prieuré et le surplus estant dans les rantes desdits sgrs) |
450 £ | route qui va aux Grenussons |
héritiers de Jacques Rullier |
Jean Chebinaud | héritiers de Pierre Brandy |
C. Aux Auseures | pièce de terre avec du bois |
4 jx | 700 £ |
chemin de |
route des Grenussons |
Michel Coupilleau |
héritiers de Pierre Brandy |
D. champ de l'Isle | pièce de terre avec du bois |
9 jx | 865 £ | Jeanne Chebinaud |
chemin de |
Petit champ (E) | plusieurs particuliers |
E. Petit champ | pièce de terres avec arbres |
6 jx | 550 £ | champ de la métairie de l'Isle |
chemin de Matha à Cognac |
vigne appelée le Plantis |
Champ de l'Isle (D), fossé entre deux |
F. | petite chaume ( 1 ormeau testard) |
1 jal | 50 £ | Sr Gabeloteau | chemin de Matha à Cognac |
Champ de l'Isle (D) |
chemin Mesnac- Vignolle |
G. Terre au Picq | pièce de terre | 10 jx (dont 1 de chaume ou pré au midi) |
1 400 £ | pièce de la métairie de l'Isle |
chemin de Matha à Cognac |
chemin Mesnac- Vignolle |
jardin dépendant de la métairie de l'Isle |
H. Terre du Pontet | pièce de terre (avec chaume au milieu) |
3,5 jx | 250 £ | chemin de Matha à Cognac |
Boutelleau et autres |
Pierre Heurgonneau | chemin Mesnac- Pontet |
I. Sablon | pièce de terre |
2 jx |
100 £ | Daniel Suire | chemin Mesnac- Pontet |
Daniel Suire | héritiers de Jean Boutelleau |
J. Sablon | pièce de terre (avec chaume au midi) |
1 jal | 60 £ | Daniel Suire | chemin Mesnac- Pontet |
mineurs Tirat | chemin Mesnac- Pontet |
K. Tartifume | pièce de terre (champ) |
2,5 jx | 250 £ | chemin et pré de la mét. de l'Isle |
pré et chaume de la Bordrië + mét. du Logis |
douë séparant de la Bordrië |
mottes (M) |
L. Rouchail | pré-marais | 2 jx | 120 £ | petit pré de la Bordrië et chaume (M) |
rivière du moulin de Chazotte |
douë séparant |
Fossé du Roy |
M. Les Mottes | petite motte avec bois |
1,5 jal | 150 £ | pré de la mét. de l'Isle |
Rouchail (L) | Tartifume (K) | Fossé du Roy |
N. Pré du moulin | pré avec arbres | 2 jx | 450 £ | Nivaudrie (mét. de l'Isle) |
rivière du moulin de Chazotte |
Pré des Reguins (fossé) |
pré du moulin de Chazotte |
O. Gripeliet | pré | 0,25 jal | 40 £ | champ de Boutelleau | L'Ouche naigre (noire) |
Boutelleau | Boutelleau |
51,75 jx | 6 435 £ |
Bastimens de la mestairie appellée l'isle du chateau de Mesnac : les appartemens bas [...] consistent dans deux chambres, un appartement appellé pavillon, un autre appartement entre ledit pavillon et la grand chambre et un autre appellé fourniou, où nous avons observé... que toutes les fermetures de portes et fenestre sont en partie usée et néanmoins serviables et qu'il ny a qu'une seulle serrure à la chambre du mestayer seullement ; la fermeture de la porte qui est entre laditte chambre et le pavillon est inserviable. Et etant montés dans les greniers au dessus des dits appartemens bas nous avons observé... qu'ils sont très mauvais, percés en differens endroits, que les fermetures de portes et fenestre sont fort mauvaises, qu'il manque même une fermeture à la porte d'entre les deux greniers ainsi que les fenestres et croisées, sauf à la croisée qui donne au levant où il ni a qu'une mauvaise fermeture sans ferrure. Obervé aussi... que la couverture est en bon état.
[Quant aux] granges qui sont au devant de la maison[... ], il n'y a que celle du milieu qui a une fermeture à deux battant sans serrure, verrou ny loquet, dans laquelle il y a une crèche et un ratelier et [dans]celle qui est au couchant, il n'y a qu'une crèche seullement, la couverture du tout en bon état. Les deux petits toits joignant l'entrée de la cour en assés bon état avec leurs fermetures passablement serviables sans ferrures que deux gonds et deux ardivelles chacunes.
[Le bétail de cette métairie] consiste en quatre boeufs de tire, deux vaches égallement de tire et deux jeunes tores d'age d'environ quinse mois et une petite jeune tore d'age de huit jours, [le tout estimé] de la valeur de la somme de treize cent soixante livres, ci... 1360 #
[Pour ce qui est des terres], il y a environ la quantité de trois cents sillons en trois differentes parties qui peuvent former environ le nombre de onze journeaux qui sont actuellement [novembre 1788] ensemencées en froment, et sur lesquels onze journeaux, [...] il doit avoir été employé la quantité de quinze boisseaux de froment pour l'emblavement. [...] Outre les onze journeaux cidessus, il y en a environ cent cinquante sillons aussi en trois parties qui peuvent former la quantité de six journeaux; qui [sont] actuellement aussi emblavés en froment [et où] il doit y avoir esté employé la quantité de sept boisseaux de froment. [Il y a de plus] cinquante sillons pouvant former environ deux journeaux qui sont actuellement ensemencés en avoine [pour une quantité évaluée à] trois boisseaux et demy [ainsi que] quinze sillons [couvrant un demi-journal] semés en coupage [un boisseau et demi] et treise sillons [un "quard" de journal] semés en lin [environ deux picotins]. Plus onze journaux de "guéret franc" (jachère).
Enfin, 72 livres pour une charrette, une charrue, des juilles et autres harnais.
Notes. Le petit bâtiment qu'on discerne sur le cadastre napoléonien (voir L'Isle) était donc un "fourniou" ! En janvier 1787, le bétail se composait de deux gros bœufs de cinq ans (450 £), de deux veaux de vingt mois (180 £) et de deux vaches de sept ou huit ans (180 £). Avec la naissance de trois taures, le “croît vif" s'établirait donc en vingt-deux mois à 550 £ (?). À la même date, le notaire avait trouvé deux charrues "ou versour à roues" avec la charrette au "chartis bois d'ormeau assez bon" mais aux "roues inserviables", le tout estimé avec les jougs et harnais à 75 livres.
On notera que le procès-verbal ne s'intéresse qu'à la trentaine de journaux ensemencés en céréales (ou, originalité de cette métairie, en lin), négligeant notamment les prés.
Métairie de l'Isle
Située à proximité de Vignolle. Dans les années 1950-1960, il n'y avait plus là que la scierie Roullin, auparavant installée à l'Isle, dans le pré entre les maisons et la rivière. Maintenant, il ne reste plus rien.
consistance | superficie | valeur | au levant | au couchant | au nord | au midy | |
A'. Dans la prairie de l'Oeilleau | pré | 1 jal | 200 £ | pré de la mét. du logis de l'Isle (A) |
vergnée du Gravellon |
pré de la mét. du logis de l'Isle (A) |
vergnée de l'Oeilleau |
B'. audit lieu de l'Oeilleau | pré | 3 jx | 500 £ |
chaussée du |
vergnée de l'Oeilleau |
pré de la mét. du Logis (A) |
Pré Rong (nauve entre deux) |
C'. Pontet | pré avec arbres | 2 jx | 300 £ | chemin du Pontet à Mesnac |
Tartifume (K) | chemin qui va à Mesnac |
pré de la Métairie neuve (A**) |
D'. Les petits champs | pièce de terre | 10 jx | 700 £ | Grollet |
terres de la |
Plantis de Mesnac |
terres de ladite |
E'. Terrages du prieur | pièce de terre | 2 jx (aux six un des fruits) |
80 £ | La Passe (G') | Mre Giraud | chemin de Mesnac à Pain-Perdu |
La Groge (F') |
F'. La Groge | pièce de terre avec arbres |
2,5 jx | 260 £ | La Passe (G') | plusieurs particuliers |
Terrage du Prieur (E') |
chemin Mesnac- Vignolle |
G'. La Passe | pièce de terre avec arbres |
12 jx | 1 400 £ | Champ des Vignes (fossé & palice entre deux) |
La Groge (F') | Jean Brandy, dit La Marche |
chemin Mesnac- Vignolle |
H'. Terre au Picq | pièce de terre avec arbres |
9 jx | 1 000 £ | chemin Mesnac- mét. de l'Isle |
terre de la mét. du Logis (G) |
chemin Mesnac- Vignolle |
Terres & pacage de lad. mét. (L') |
I'. Le Renfermis | pièce de terre avec arbres | 3 jx | 1 000 £ | chemin au pacage de lad. mét. (fossé entre deux) |
terres du Logis (?) | Terre au Picq (H') | pacage de lad. mét. (L') |
J'. La Groix | pièce de terre et chaume avec arbres |
12 jx | 1 300 £ | Groix de Vignolle | bastimants de lad. mét. |
chemin Mesnac- Vignolle |
Renfermis de Bellot |
K'. | chaume | 2 jx | 700 £ | Terre au Picq | Renfermis (I') | bastimants de lad. mét. |
jardin et pré de lad. mét. |
L'. Les Bellins | paccage (partie en motards et buissons d'épines) |
4 jx | 400 £ | Pré de la Pointe | domaines de la mét. Neuve |
Petit Renfermis (I') | aboutant sur la mét. Neuve |
M'. |
pièce de pré joignant la maison dans laquelle est une petite ouche renfermée de palice |
8 jx dont 2,5 au midi en motards qui ne serve que de pacage |
2 000 £ | La Groix (J') | terres de la mét. Neuve |
bastimants de lad. mét. |
motards des Belins (L') |
N'. Champ du Pré des Fragnes |
pièce de terre | 3,5 jx | 175 £ | Groix de Vignolle | pièce de terre de lad. métairie |
Grollet |
chemin joignant le |
O'. Champ du Fresgne | pièce de terre avec arbres |
0,33 jal | 30 £ | chemin Vignolle- Cognac |
Boüard ? | Groix de Vignolle | aboutant sur le chemin du Fresgne |
total | 74,3 jx | 10 045 £ |
En 1787, cette métairie était tenue par “François Poupard, colon partiaire”. S'y trouvaient six bœufs de trois à six ans (1 080 £), deux petits bœufs de deux ans (150 £), trois vaches de trois à cinq ans (260 £) - soit un total de 1 490 livres. Près de deux ans plus tard, on enregistre toujours six bœufs (“de tire”), mais seulement deux vaches ; en revanche s'y ajoutent deux veaux et quatre taures (dont deux de l'année) et, pour 24 livres seulement, deux moutons, deux brebis avec chacune leur agneau de l'année et une jeune brebis. Le tout aurait fait 2 234 livres...
Les bâtiments consistent en deux chambres, l'une avec porte fermant à clé et petite fenêtre, l'autre nettement moins bien close et surmontée d'un grenier, de deux étables, l'une pour les boeufs , l'autre pour les vaches et le jeune bétail, et d'une grange à foin. Les terres ? Quinze journaux ensemencés en froment "et quatre differentes parties" où l'on a employé 29 boisseaux de semences. Plus huit journaux en deux pièces ayant reçu seize boisseaux d'avoine et douze journaux en "guéret franc". Le matériel, estimé à 195 livres, comporte cette fois deux charrettes en sus de la charrue.
La Borderie
Peut-être une ancienne dépendance de l'Isle, compte de tenu de l'intrication des terres. Y “reste un nommé Mesnié”, au statut incertain. Produit annuel : 120 livres.
consistance | superficie | valeur | au levant | au couchant | au nord | au midy | |
A". Champ de la Bordrie | pièce de terre devant la maison d'icelle |
5 jx | 1 500 £ | chemin Pontet-Mesnac | vergnée du Rouchail | aux bastimants | Tartifume (fossé entre deux) |
B". Petit Pré de la Bordrie | pré | 15 carreaux | 20 £ | Tartifume | pré du Rouchail | Champ de la Bordrie (A") | chaume de Tartifume |
C". | pièce de motte divisée en 5 parties | 1,5 jal | 600 £ | "confrontant de toutes parts au douë de l'ancien chasteau de lisle estant derrière le logis dudit lieu de l'isle où est aujourdhuy la meterie" | |||
D". | pré marais | 2 jx | 400 £ | pré de la mét. du Logis de l'Isle | ris de l'Oeilleau | pré de laditte meterie (du Logis ?) | |
total | < 9 jx | 2 520 £ |
La Métairie neuve
“On estime que la métérie neuve doit produire annuellement la somme de 425 livres. [D'une autre main :] Cette métairie contient cent journaux de terre labourable, pré, sans compter les prés marais.”
consistance | superficie | valeur | au levant | au couchant | au nord | au midy | |
A*. Le Pré Rong | pré | 3 jx | 400 £ | rivière du moulin | vergnées parsonnières | pré de la mét. de l'Isle | pré de la mét. de chez les Noirs |
B*. Les Reguins | pré et chaume avec arbres | 7 jx | 900 £ | chemin Cognac-Matha | Pré Rong (rivière du moullin de Chazotte entre deux) | Pré du Pontet (fossé du Roy entre deux) | Terre de la Nivaudrie (fossé entre deux) |
C*. Le Grand Pré | pré, derrière les bastimants de ladite mét. | 10 jx | 1 000 £ | Petit bois du Boisson (F*) | chemin Cognac-Matha | Pontet (D*) (Fossé du Roy entre deux) | issuë et héraud de lad. mét. |
D*. Le Pontet | pré | 2,5 jx | 250 £ | Les Claudriës (G*) | pont du Pontet | jardin du Pontet (E*) | Le Grand Pré (C*) (Fossé du Roy entre deux) |
E*. Jardin du Pontet | pièce de terre ou jardin | 1,5 jal | 400 £ | pacage ou Belins de la mét. de l'Isle | motte du nommé Mesnié | pièce de terre ou chaume de la Terre au Picq (mét. du Logis de l'Isle, G) | Pré du Pontet (D*) |
F*. Bois du Buisson | pièce de bois en buissons sur laquelle il y a différans testards entourée d'anciens fossés | 2,5 jx | 500 £ | Les Petits Champs (H*) | Le Grand Pré (C*) | Les Claudries (G*) | Le Grand Pré (C*) |
G*. Les Claudries | pièce de terre | 18 jx | 1 300 £ | Pré des Fresnes | pré de lad. métairie (D*) | pré pacage de la mét. de l'Isle (?) | Fossé du Roy |
H*. Les Petits Champs | pièce de terre (fossé au milieu pour l'écoulement des eaux) | 16 à 17 jx | 1 700 £ | chemin Cognac-Vignolle | chemin de servitude de lad. mét. aux Claudries | Claudries (Fossé du Roy entre deux) | autre dhomaine de lad. mét., chemin de servitude entre deux |
I*. La Varenne | pièce de terre (1,5 jal de chaume au midy) | 25 jx | 2 000 £ | chemin Cognac-Matha | issuës de lad. mét. (fossé entre deux) | Bois Jannot (fossé entre deux) | |
J*. La Nivaudrie | pièce de terre (partie en chaume) | 10 jx | 600 £ | chemin Cognac-Thors | pré de la mét. du Logis (N) | Reguins (B*) | chaume parsonnière entre le moulin de Chazotte et lad. mét. |
K*. | chaume servant de pacage et faisant partie du héraud de lad. mét. | 1 jal | 200 £ | "puy" de lad. mét. | chemin Cognac-Matha | Le Grand Pré (C*) | La Varenne (I*), chemin entre deux |
total | 87,5 jx | 9 250 £ |
1788 : la maison du métayer, Pierrre Joyaux, laboureur, "consiste en une chambre basse, un chai acosté au couchant, une écurie à la suitte et un petit toit au devant". "Les autres bastiment de laditte mestairie concistent dans deux granges tant à foin qu'à boeufs et à brebis[, à costé de la chambre du métayer] ; la première au couchand a ses fermetures d'une porte fort vieille [...] et d'un portail presque neuve [...], la seconde au levant ayant deux portes [au nord et au midi].
Le bétail se composait de "quatre gros boeufs de tire, deux jeunes vaux de trois ans, six vaches et un petit vau de l'année". Valeur estimée : 2 062 livres. L'année précédente, on parlait de six bœufs de 3, 5 et 6 ans (1 100 livres), de quatre vaches de trois-quatre ans et huit-neuf ans (200 £) et de deux veaux et une taure d'un an (140 £), soit un total de 1 340 livres.
"Les guérets francs l'année présente sont en quatre differentes parties et consistent scavoir dans la piece des Petits Chams en deux cent sillons, dans la pièce de la Varenne cent vingt sillons, dans la pièce des Cloudis cent huit sillons, dans la pièce de la Varenne près le bois Jannot soixante sillons, pouvant former en tout [blanc] journeaux. [En outre], il y a environ vingt sept journeaux de semés en froment" à raison de 36 boisseaux.
Enfin, une "vielle charrette, une charrue et les arnois ordinaires" ont été évalués à 120 livres. (en 1787, on était plus précis et plus sévère : “une vieille mauvaise charrette, un versour à ruelle avec atteloir”, estimés avec les harnais à 86 livres seulement.)
Notes : la présence d'un chai intrigue. Il n'est fait mention de futailles et de matériel de vinification qu'à Château-Chesnel même, et la liste des parcelles ne fait était d'aucune vigne (excepté celles du Plantis de Mesnac, mais qui sont hors métairies)...
Moulin de Chazotte
“moullin composé de deux roues” estimé à 8 230 livres. Mais “on estime que les moullins Chazotte et ses dépendances ne doivent produire annuellemant de net que 600 livres à cause des réparations quil y a à faire aux dits moullins, avec les cinq pièces de dhomaine qui sont comprise dans la préclosture estimé la somme de 2 820 livres”.
D'autre part, en marge, quelqu'un a annoté les pièces B à E : “payé en Mesnac / l'imposition”. Le bail consenti en 1646 par Jozias Chesnel l'a d'ailleurs été à “Pierre Besson, meusnier, demeurant aux moullins de Chazottes paroisse de Mesnac”. On trouvera sur le site Histoire-Passion ce document, qui fait état de deux moulins, un “noir” pour le seigle et un “blanc” pour le froment. Quelques compléments et correctifs seulement : une “serre” est une scie (dictionnaire de Godefroy) ; les “rix” sont les ris (ruisseaux) ; “berches" = brèches ; au lieu d'"arsure", lire “tesure" (ensemble de filets) ; “les enguille de feurne" (voir lexique supra).
consistance | superficie | valeur | au levant | au couchant | au nord | au midy | |
A. | pièce de terre où estoit autrefois la glassière, faisant un triangle | 3 jx | 900 £ | fossé faisant separation davec la terre de la guérenne (Mét. Vieille) | route entre l'ancien jardin et lad. pièce de terre | chemin du moullin au chemin de Matha | douë de l'ancien château de Chazotte |
B. | pièce de terre et motte (chaume) | 2 jx | 600 £ | située entre le chemin conduisant du moullin au chemin de Matha et le pré C | issuës du moullin | chaume parsonnière | entre le chemin conduisant du moullin au chemin de Matha et le pré C |
C. Pré du Moullin | pré | 5 jx | 2 000 £ | chaume B, fossé entre deux | rivière du moullin | Nivaudrie (mét. Neuve, J*) | chaume B |
D. chaume commune | pré pacage allant en pointe | 2 jx | 200 £ | chemin de Matha | pré C | Nivaudrie (J*) | chemin de Matha |
E. | clos ou marais renfermé de murs en mauvais état | 1,5 jal | 300 £ | rivière du moullin | pré marais (C ou F ?) | vergnée du Pré Rong | feurne du moullin |
F. | pré ou marais | 7 jx | 700 £ | rivière du moullin | vergnée parsonnière | Pré Rong | vergnée du Pavillon |
G. l'ancien jardin clos | pièce en partie en jardin, close d'anciens murs au coin de laquelle estoit le pavillon | 2 jx | 600 £ | route de servitude du moulin pour aller au champ nommé Grand Jardin (H) | rivière du moullin | bastimants du moullin | douë de l'ancien chasteau |
H. Grand Jardin | pièce de terre | 3 jx | 900 £ | Champ des Antes | rivière du moullin | douë | Pons Galland |
I. Petit Jardin | pièce de terre près le pont Galland | 1 jal | 300 £ | Le Parc | rivière | chemin du pons Galland | chenebard de la mét. vieille |
J. chaussée | avec du bois | 1,5 jal | 120 £ | L'amplacemant de la chaussée du costé du levant a prandre depuis led. moullin jusque au bout du pré Galland ou à la vesne (ou vergnée) de David | |||
K. chaussée | avec bois | ? | 150 £ | La chaussée dud. moullin du costé couchant a prandre depuis le dit moullin allé jusqu'au pons du logis de l'Isle | |||
total | env. 30 jx | 6 770 £ |
Le document confirme donc l'existence d'un pont reliant l'Isle de Mesnac au bourg.
Le pré des Ânes mentionné dans le bail de 1646 correspond à la parcelle F.
La valeur est estimée à 15 000 livres y compris le moulin.
Essai de cadastre
Certaines appellations se retrouvent dans le cadastre actuel, mais souvent déformées, soit en raison d'une mauvaise lecture, soit parce qu'on n'en comprenait plus le sens et qu'on leur a substitué un terme connu. Ainsi les Oeillau (ou l'Oeillau) sont devenus l'Euliaud et la Terre au(x) Picq, renvoyant vraisemblablement à la même famille que la Croix de(s) Picq en Cherves, a été rebaptisée “Terre aux Pies". La Nivaudrie et les Claudries, qui tiraient peut-être leur nom d'un patronyme, se retrouvent sous la forme La Miraudrie et, ce qui est plus étrange, Les Cloutis. Les Reguins figurent encore dans le cadastre de 1822, mais avec l'orthographe “Regains”, qui est celle qui s'est imposée. Quant aux Ausseures, terres qui devaient être détenues à l'origine par les seigneurs du Seure (dont c'est l'ancien nom), elles sont maintenant enregistrées au cadastre comme “Les Hauteurs” ! C'est sûrement du fait d'une erreur due à l'ignorance que La Groge (“terre caillouteuse”, synonyme de “groie”) s'est trouvée transformée en “La Grange”, dénomination étendue depuis à tout le secteur compris entre Le Millery et le Champ des Vignes, y compris donc aux Terrages du Prieur et à La Passe. Cas peut-être pas unique, cette dernière dénomination était elle-même une altération (déjà !) : il faut y reconnaître Les Lepasses (bardanes), terme rencontré dans un document de 1658 relatif à Pain-Perdu...
Sablon, Gravellon, Groie et Groge : tous ces termes renvoient à la nature graveleuse des parcelles. Il faut peut-être y ajouter "Gripeliet / Gripillet", si l'on rapproche le mot de “grippail : sable argileux, caillouteux et très compact” (Musset). La proximité du marais est également sensible, avec “nauve”, “rouchail” et ce Tartifume, “Tard-y-fume”, qui suggère la persistance de brumes matinales dues à l'humidité. Quant au pacage des Belins, il porte bien son nom : les “belins” sont les béliers. La “Varenne" (qui est ici comprise dans Cherves, et non celle de Mesnac) était aussi une “terre inculte où l'on fait paître le bétail”.
La carte qui suit situe plus ou moins exactement toutes les parcelles citées plus haut. On n'a tenu que légèrement compte des superficies indiquées, approximatives comme il est dit, et on a donné la priorité aux confrontations, mais celles-ci apparaissent parfois contradictoires (par exemple s'agissant des Oeillaux) ou difficiles à reporter sur un cadastre qui a bougé : il est possible, ainsi, que la partie méridionale de la métairie de l'Isle soit moins compacte, plus ajourée (le pré de la Pointe en fait-il ou non partie ?) et le puzzle autour des Belins ne peut être aisément reconstitué.
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Mesnac est tout entier compris dans le Pays Bas, une dépression de 4 à 12 kilomètres de large et de quelque 40 kilomètres de long entre Jarnac et Saint-Jean d'Angély. L'altitude y varie de 9 à un peu plus de 20 m. Deux affluents de la Charente y ont leur lit : l'Antenne et la Soloire.
Il y a quelque 140 à 150 millions d’années, durant cette dernière époque de l’ère jurassique qui a longtemps été appelée le portlandien avant d’être rebaptisée tithonien en 1990, a eu lieu une régression marine qui n’a laissé là qu’une lagune saumâtre. Celle-ci se serait maintenue jusqu’au début du crétacé (étage berriasien). Il en résulte un « faciès » spécifique, le purbeckien, mélange « à peu près égal de calcaire (sédiments d’origine marine) et d’argile (sédiments d’origine terrestre) ». Ces sédiments argilo-marneux incluent des dépôts salins issus de l’évaporation – le gypse – ainsi que des fossiles qui font le bonheur des paléontologues (gisement de Champblanc).
Même si certaines de ses assertions, en particulier de ses datations, ont été corrigées depuis, la référence est ici Henri Coquand qui, dans sa Description physique, géologique, paléontologique et minéralogique du département de la Charente (tome I, 1858), écrit notamment :
“Étage purbeckien.
On observe, dans les deux Charentes, au-dessus de l'étage portlandien et concordant avec lui, un système particulier de couches caractérisé par la présence du gypse et par celle de fossiles d'eau douce. [...]
Le géologue qui parcourt les arrondissements de Cognac et de Saint-Jean-d’Angély, est frappé du contraste qui existe, dans une même contrée, entre une région formée presque exclusivement de coteaux ondulés et nettement taillés en relief, et une vaste plaine, uniforme dans toute son étendue, qui est située entre Saint-Jean-d’Angély, Matha, Neuvicq, Sigogne, Jarnac, Châteauneuf, Saint-Même, Cognac et Brizembourg. Cette plaine, connue sous le nom de Pays-Bas, est remarquable autant par sa physionomie particulière que par la nature du sol dont elle est formée. Pendant que les coteaux qui la dominent de toutes parts présentent une composition entièrement calcaire, le calcaire manque pour ainsi dire dans le Pays-Bas, et on n'y aperçoit que des terres argileuses dites terres fortes, lesquelles ressemblent d'une manière si frappante avec les limons que les grands fleuves accumulent près de leur embouchure, que la formation tout entière figure dans la carte géologique de France, et en grande partie, dans la carte géologique du département de la Charente Inférieure, par M. Manès, avec la teinte des alluvions modernes. Il est vrai de dire que les rivières de l'Antenne et de la Soloire, qui traversent la plaine à peu près dans la direction du nord au sud, sont entièrement encaissées dans des argiles, et que les prairies qui bordent ces deux cours d'eau et qui ont été formées à leurs dépens, ont un sous-sol tellement identique à celui qu'on remarque au-dessus des lignes qu'atteignent les rivières dans leurs plus grandes crues, que la distinction entre eux devient très-difficile à établir au point de vue géologique. Cependant, quand on prend en considération le parcours limité de l'Anteine [sic] et de la Soloire, et l'importance plus faible encore de quelques affluents, leurs tributaires, on ne saurait concéder à un bassin hydrographique aussi circonscrit que celui qui nous occupe, le privilège d'avoir déposé des alluvions plus considérables que celles de la Charente à son embouchure.
À quelle circonstance spéciale la contrée du Pays-Bas est-elle redevable de sa physionomie propre et dont les traits contrastent d'une manière si frappante avec les accidents orographiques des coteaux qui la circonscrivent ? Cette circonstance est liée absolument à la nature minéralogique des éléments constitutifs du sol. Le Pays-Bas, en effet, occupe une dépression qui, à la fin de la période jurassique, a été remplie par un lac, puis successivement comblée par des sédiments argileux. Après le soulèvement de la chaîne jurassique, les agents extérieurs ont opéré la désagrégation de ces éléments friables jusqu'à une certaine profondeur, en les réduisant en une boue de consistance variable. L'agriculture ensuite les a façonnés en les modifiant avec intelligence et en les convertissant, suivant l'exigence de ses besoins, en terres arables, en prairies artificielles et en vignobles.
La plaine du Pays-Bas suit la direction du S.-S.-E. au N.-N.-O, qui est aussi celle qu'on constate dans les coteaux du sud-ouest de la France. Elle commence sous le bourg de Nantillé, dans l'arrondissement de Saint-Jean-d’Angély, et vient se terminer un peu au-dessus de Vibrac, à l'extrémité orientale de celui de Cognac, sur une longueur de 40 kilomètres environ. Sa largeur est variable et se compose de deux éléments distincts. Depuis son origine jusqu'à la hauteur de Réparsac, dans ce qui constitue, à proprement parler, le Pays-Bas, elle possède la forme d'un trapèze allongé, dont la longueur est de 21 kilomètres et la largeur de 12 kilomètres : mais à partir de Réparsac, elle se trouve resserrée considérablement entre les coteaux portlandiens de Chassors et des Métairies : de là elle passe sous Jarnac, d'où elle se répand sur les deux rives de la Charente, et vient se terminer entre Vibrac et les Molidards. Dans cette seconde section, elle dessine une espèce de fiord dont la longueur est de 19,000 mètres et la largeur moyenne de 4,000 à peu près. La formation entière comprend, par conséquent une superficie de 330 kilomètres carrés. [...]
Nous indiquerons ici les altitudes, au-dessus du niveau de la mer, de divers points des coteaux jurassiques et crétacés qui dominent le Pays-Bas : Macqueville, 63 m ; Brie-sous-Matha, 48 m ; Sonnac, 52 m ; Saint-Hérie sous-Matha, 47 m ; Blanzac, 39 m ; Aumagne, 41 m ; Saint-Même (Charente-Inférieure), 46 m ; Bercloux, 58 m ; Brizembourg, 50 m ; Villars, 70 m ; Cherves, 58 m ; Solençon, 44 m ; Saint-Trojan, 47 m ; Chassors, 59 m; Jarnac, 41 m ; Chez-Ville, 37 m ; Molidards, 101 m ; Saint-Amand-de-Graves, 60 m ; Saint-Même (Charente) 59 m ; Sigogne, 79 mètres.
La moyenne de ces hauteurs est de 55 mètres.
Les altitudes des argiles gypsifères sont les suivantes : Aumagne, 30 m ; Ebréon, 26 m ; Authon, 21 m ; Migron, 22 m ; Mansac, 19 m ; Mesnac, 24 m ; Montgaud, 24 m ; Orlut, 17 m ; Bate-Chèvre, 12 m ; La Chagnaie, 13 m ; Chantegrolle, 12 m ; Triac, 23 mètres.
La moyenne est de 20 mètres.
La comparaison de ces deux séries montre que les argiles du Pays-Bas se trouvent placées à un niveau inférieur de 35 mètres, par rapport aux formations encaissantes ; et comme cette différence se maintient à peu près constante dans toute l'étendue du bassin, la dénomination de Pays-Bas appliquée à la contrée est très-bien justifiée par la confrontation des chiffres qui précèdent.” (p. 308-312)
Pour aller plus loin :
- Glangeaud Philippe, « Le portlandien du bassin de l’Aquitaine », Bulletin des services de la carte géologique n° 62, t. X, février 1898 (p. 19 à 30 notamment) substitue à la notion d'“étage” purbeckien celle de “faciès” (p. 4) et démontre que les coteaux calcaires de Jarnac et Chassors, ainsi que certaines buttes éparses dans le Pays-Bas, ne sont pas une partie émergée d'un niveau antérieur, mais reposent sur les argiles gypsifères (p. 21).
- Enjalbert Henri, « La vallée moyenne de la Charente, esquisse morphologique », Annales de géographie, 1952 (p. 19-20 en particulier).
- Facon-Péraud Renée, « Sols et terroirs du Pays de Cognac », Norois, 1955.
- Platel J.-P., Le bassin gypsifère des Charentes¸ Service géologique régional Poitou-Charentes, 1980.
- Bourgueil B. et al, “Notice explicative de la feuille Matha au 50 000e”, Éditions du BRGM, 1986.
- Moreau Pierre, “Morphologie du jurassique et du crétacé en pays cognaçais”, Norois, 1991.
- Gabriel Maître, “Le Pays Bas”, Aguiaine, 1982 : dans un esprit nettement moins scientifique que les précédents, G. Maître a tenté une analyse, sans doute datée, du caractère des “Pays-Bâtiers", en lien avec leur sol. Dans une veine similaire, voir ce texte de Bitou (Guy Marquais).
- cartes : de Coquand ; du SIGES ; de l'Institut EGID (p. 9); d'InfoTerre.
Même si les cartes géologiques récentes apparaissent plus complexes que celle de Coquand, elles n'ajoutent pas d'élément nouveau en ce qui concerne Mesnac : le territoire de la commune y figure partagé entre le faciès “à prédominance argilo-marneuse ou marnes à gypse” et les “sables souvent argileux à argilo-tourbeux et limoneux, à éléments calcaires” des alluvions de l'Antenne et de ses affluents. La carte d'InfoTerre est à cet égard la plus précise ; on y reconnaît (en Fz) les dépôts dus à l'Antenne, au Véron et au Fossé du Roy :
À propos de ce dernier, on constate, à la limite de Cherves, une solution de continuité qui s'explique sans doute par le fait que ce cours d'eau résulte de la jonction opérée (sous François Ier ?) entre deux ruisseaux : un affluent de l'Antenne, sans nom connu, et un affluent de la Charente qui, selon Gabriel Maître (Cherves, qui es-tu ?, s. d.), s'appelait le Baradis. Mais on notera également la trace d'un autre “ris”, s'achevant vers les Belins [sous les premières lettres de “Vignolles”], et qui était peut-être un affluent de l'actuel Fossé du Roy dont il prolongeait le premier cours en ligne droite, à partir du Pontet (voir Les Ponts). Comme il frôlait la pièce de terre autrefois nommée “le Sablon” (ici en rouge ; voir Les métairies), il peut s'agir du “ris du Sablon” figurant dans certains documents du fonds Frétard.
En raison de la faible pente, mais aussi du verrou calcaire qu'elle doit forcer pour rejoindre la Charente, l'Antenne se ramifie à la hauteur de Mesnac en trois bras (la rivière de Coulonges, le canal, ex-ris Martin, et la rivière de Chazotte) et en nombreux “ris”, formant ce qu'on appelait le marais. Compte tenu d'une documentation assez abondante, on consacrera une page à part à cette partie basse de la commune.
Nos ancêtres se sont accommodés du faible relief de la paroisse. Le bourg s'est développé pour l'essentiel sur une éminence qui domine le marais, comme on peut s'en rendre compte depuis le porche de l'église. Vignolle se situe déjà un peu plus haut et l'on constate que Pain-Perdu, Les Fosses et Masseville ont occupé les points les plus élevés du territoire.
Le Pays-Bas n'était peut-être pas un terroir idéal pour la vigne et, avant le XVIIIe siècle, la présence de celle-ci n'était guère attestée qu'à Vignolle (le Champ des Vignes et, bien sûr, le nom mçeme du village) et dans les différents Plantis, Plantiers ou Plantes (entre les Grenussons et Pain-Perdu, et près de Chez Samson). À la veille de la Révolution, aucune des métairies de Mesnac ne comprenait une vigne dans ses terres. En revanche, quand ce vignoble se fut développé, la nature argileuse des sols a représenté une chance. Probablement avec quelque exagération, Ph. Glangeaud écrivait en effet en 1898 : “Toute la contrée formée par le Portlandien calcaire était couverte de vignes avant l'invasion du phylloxéra; aujourd'hui, les vignobles sont presque exclusivement cantonnés dans les Pays-Bas. Là où affleure l'argile, prospère la vigne et là seulement. Ce fait tient à ce que le sol étant constamment imprégné d'eau, le phylloxéra ne peut y vivre.” Il reste que le vin produit dans le Pays-Bas ne donne pas les eaux-de-vie les plus prisées pour la fabrication du cognac et, dansle décret de 1909 (voir carte), pris sur la base du classement des sols effectué par Coquand, Mesnac fut compris dans les Premiers Bois, et non dans les Borderies comme les communes voisines, Saint-Sulpice et Cherves dont une portion au moins se trouve dans le Pays-Haut. En 1938, une carte simplifiée versa les Premiers Bois dans les Fins Bois et Mesnac demeura dans son échancrure... Pour expliquer cette situation, on a dit que le maire avait été absent lors d'une réunion décisive, mais pouvait-il aller contre la géologie ? Cette exclusion, qui valait une décote de 10 % par rapport aux Borderies, présente toutefois un avantage : elle garantit la survie de la commune ! Un regroupement avec Le Seure et Mons étant exclu dans la mesure où ces voisines sont dans un autre département, on pourrait certes avancer beaucoup d'arguments, notamment historiques, en faveur d'une absorption par Cherves, mais cela supposerait de modifier la zone délimitée de production du cognac...
Le gypse, aujourd’hui exploité pour l’essentiel à Champblanc, l’était aussi vers 1860 (ou l’avait été) à Croix de Picq et aux Allaignes, à Mongot et chez Toinot (Coquand, p. 348-358). Mais à Mesnac même, on en extrayait à la fin du siècle précédent à la Samsonnerie (voir citation de l'Encyclopédie méthodique). D’autre part, des sondages réalisés en 1966-1967 autour de la Métairie neuve, près de la limite avec Cherves, ont démontré l’existence de gypse à une profondeur d'environ 50 m, cependant qu'on en trouverait à moins de 10 m au bois de la Charbonnière, compte tenu de l'inclinaison des couches (J.-P. Platel, notamment p. 39-43 et annexe 3-3).
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Dans les recensements disponibles (voir Les Mesnacois), apparaissent, en sus des cinq principaux hameaux (le bourg, Vignolle, Les Fosses, Pain-Perdu et La Sansonnerie) et de l'Isle, neuf autres lieux habités. L’un, Les Aliziers, n’est mentionné qu’en 1901, date où il aurait tout de même abrité sept personnes – un couple et ses cinq enfants, de 1 à 10 ans. Il n’en reste apparemment aucune trace dans les parcelles cadastrées sous ce nom, dans l’angle nord-est de la commune, au bord du Véron, mais les registres des naissances montrent que la famille y était présente dès 1894.
On traitera à part des métairies : Métairie neuve, métairie de l’Isle, ainsi que de Chazotte.
Les cinq lieux-dits restants sont :
Masseville, hameau partagé très inégalement avec Cherves. En 1791, il fut question de le rattacher entièrement à Mesnac, avec Le Palain, mais le statu quo prévalut.
Dans les recensements de 1841 à 1911, sa population oscille entre 7 et 16 habitants, mais avec deux pics à 21 habitants (1841) et 26 (1901). Il n’y a pas eu confusion avec la partie relevant de Cherves : celle-ci figure dans les recensements de la commune voisine pour 62 habitants en 1841 et pour 56 en 1901. En 1869, alors que la partie mesnacoise est au plus bas (7 habitants), l’autre regroupe encore 69 individus. Il faut donc admettre une forte fluctuation, pour des raisons inconnues.
Le “fief” ou “maine” de Masseville relevait du prieuré de Gandory. Il figure à ce titre dans le dénombrement rendu en 1562 par le prieur Louis Gros :
« Item le mas et fief de terres apellé le fief de Massevilles consistant en édifice de maisons, granges, heraux, jardrins, ouches, prés, bois, vignes et terres labourables estant en laditte praincipauté de Cougnac et paroisse de Cherves et Menac* / tenant d'une part au fief du Maré ung chemin entre deux par lequel on va de Cherve cheus les Ninestz** ledict chemain entre deux / dillec tirant au terre de Jehan Augier, Yvonnet Tirat et de ses parsonniers de Jehan Suratz et de ses parsonniers ung faussé entre deux / et dilec tirant au pré de Mery Bloy et au prés desdictz Ninetz terrier et pallice entre deux / et dilec suivant le long des terres de Chazotte terrier et pallice entre deux lesdictz terriers et pallice estant de laditte piesse, / tirant jusque au chemin que lon y va de Masseville a Menat et dudict chemain retournant (le) long du bois apellé le bois des Fousses, quoy tient de la seigneurie de Coullonges / et dillec suyvant ledictz bois jusques a la terre de Louis Raymond pallice entre deux estant de laditte piesse / et dilec en retournant tout le long de la piesse de terre dudict Raymond jusques aux Brousses / dilect retournant jouxte la terre et pré dudict Raymond pallice entre deux estant ladicte pallice dudict Gandaury, jusques au mas des terres appellées les Freches teneues de laditte signeurie de Chazotes / et dilec suivant ledict mas jusques au chemin quoy va de Massevilles a la Groye pallice et terriers entre deux / et dilec suivant ledict chemain jusques au terres de Menac retournant tous le long desdite terre de Menac jusques a la premiere confrontation
lequel mas et fief a esté legué et donné a Dieu par franche aulmoune a l'eglise de Gandaury reveree et fondée en l'honneur de Nostre Dame aux religieux et prieurs dudict prieuré par ceux quy sont nommez par les cartes et instrumens con--- ? par ledict don pour estre en leurs prieres et oraisons et de toutte la religion
et pour ce que ledict chemin que lon va de Cherves chez lesdictz Ninetz estoyt au temps passé plus bas que il nest par a presant sur et vers ledict fief du Mas en lieu fort mol et dificille en temps diver pour y passer et a repasser fut pour le soullagement d'ung chacung et pour l'interez de la choze plubique osté dudict lieu bas et mis et estably au lieu ou il est de presant quy estoyt sur ledict fief de Masseville de bien douze ou quinze journaults ou plus pour laquelle surprinse et pour recompance d'icelles fut delaissé a mondict prieuré environ troys ou quatre journauls de terre a l'androit et touchant ledict fief du Mas aux terres quoy tienent Mery Blois Jehan Augier de Croy de Pict et autres dudict lieu de Cherves entres lesquels et servant de divise y a certains arbres de chenes et hormaulds. »
* On voit que Masseville était déjà partagé entre les deux paroisses. ** Les Ninets, parfois les Vinets, mentionné aussi en 1535, devait être proche du Palain, si ce n'est l'ancien nom de ce hameau.
Chez Surat : le toponyme ne provient pas (du moins directement) du sureau comme l’a écrit Pierre Martin-Civat, mais du nom d’une famille exploitant le lieu. On en a la preuve dans le dénombrement cité ci-dessus (« Jehan Suratz et ses parsonniers »).
Il ne reste plus que des ruines de ce hameau, et le graphique qui suit montre une décroissance assez régulière de la population entre 1841 et 1911.
Chez Samson : voir La Sansonnerie. N'apparaît pas comme tel dans les documents datés des années 1760, qui ne mentionnent que les terres d'un Boutelleau, visiblement situées dans les environs immédiats. De fait, en 1788, lorsque l'héritière de l'amiral d'Orvilliers voulut donner ses terres à ferme, elle fit appel à deux experts : un Bellot, laboureur de chez Surat, et un Boutelleau de chez Samson, qualifié de marchand - certainement un marchand de bétail, chargé d'évaluer les bovins des métairies tandis que l'autre s'occupait des champs de céréales.
Chez Tessier (ou Texier) : aucune mention n'a été trouvée à ce jour dans le fonds Frétard.
Les Fraîches : "frèche" vient souvent de fraxinum, le frêne, mais cet arbre se dit en saintongeais "frâgne" et le nom de ce lieu-dit est plutôt à rapprocher de "friches", au sens de prairies basses, plutôt humides. La maison ne figure pas sur la carte de Cassini, mais est mentionnée dans le dénombrement de Gandaury (“mas des terres appellées les Freches teneues de laditte signeurie de Chazotes”).
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La population de ces deux lieux-dits a évolué de façon contrastée, sauf durant la dernière décennie du XIXe siècle :
Il faut sans doute ajouter à cette liste Les Tombes, qui apparaît sur la carte "du Soulenson" (vers 1600-1610) au même titre que Mesnac, Vignolles et Chez Surat notamment. C'est à ce jour la seule mention de cet habitat. Il n'en reste plus que le nom d'une parcelle dans le cadastre. Quant à savoir quelles sépultures ont donné son nom à ce lieu...
Cette dernière carte montre l'ensemble des lieux habités à une époque ou à une autre. On constatera que les lieux-dits mentionnés sur cette page se trouvent à l'est de la paroisse/commune, là où certains éléments laissent supposer la présence, voire la prédominance, d'élevages. Les métairies, quant à elles, occupaient plutôt le quart sud-ouest et semblent avoir été vouées à la céréaliculture.