Entre les bras de l'Antenne comme le signale son nom, l'Isle est en zone inondable et, de fait, les crues centennales des hivers 1982 et 1994 ont laissé de mauvais souvenirs. Mais l'existence de ce risque n'est pas si évidente qu'il paraît, ni le risque lui-même si naturel - il semble résulter surtout du mauvais entretien du marais, pendant des décennies, et on peut espérer que les travaux récents écarteront le danger. Tout indique d'ailleurs qu'à d'autres époques, l'Isle, comme les "basses rues" de Mesnac, était épargnée par les débordements réguliers que j'ai connus dans les années soixante :
- mon arrière-grand-père Etienne Joyaux n'a pas craint de " s'étaler " en construisant (y compris un chai !) en dehors de la petite éminence qui a de tout temps accueilli les bâtiments principaux - le sanctuaire !
- surtout, comme on va maintenant le voir, les lieux sont habités depuis la fin du XVe siècle au plus tard. Peut-on imaginer qu'on s'y serait maintenu si longtemps, dans des maisons où le mortier était composé pour une bonne part de terre, si chaque hiver avait amené une inondation ? Bref, le problème est avant tout celui de la gestion des marais de l'Antenne.

possesseurs

Les JOYAUX, jusque là métayers des Frétard, s’établirent à l’Isle vers 1810. Le premier, auparavant régisseur à la Sansonnerie, fut rejoint en 1854 par Jean, qui avait habité le Maine du Seure, puis le bourg de Mesnac. Ses descendants reconstituèrent peu à peu un ensemble démembré au fil des héritages et pour partie laissé à l’abandon si bien qu’il n’y eut dans certains cas d’autre solution que de reconstruire. C’est d’ailleurs à une telle occasion que, dans les années 1970, apparurent des rosaces, mosaïques de pierres blanches et roses, remontant à une époque incertaine.

rosace
Ces ruines faisaient encore assez bonne figure sur le tableau peint en 1958 par un décorateur qui œuvrait de l’autre côté de la rivière, dans ce qu’on appelle maintenant le « château », mais qui a peut-être un peu embelli les bâtiments, notamment pour ce qui est des toits que je ne me rappelle qu'effondrés. En tout cas, i zou a pas péri !

Goulardreproduction aimablement communiquée par M. Jean-Charles Boutelleau

Cependant, la seule partie réellement datée est la charpente du corps de bâtiment principal (caché par les autres dans le tableau) : elle porte l’inscription « Fait par moi, Jean Le Vesque, 1765 ». Ce qui n'exclut pas une construction plus ancienne, comme on va en trouver confirmation.


image004

L’Isle fermée, un jour de pluie…


Jusqu’en 1857, si Mesnac se trouvait dans un cul de sac, l’Isle était cul-de-sac au deuxième degré. Elle n’était reliée au bourg que par un gué, m’a-t-on dit dans mon enfance. La carte de 1854 n’est pas très explicite, mais le cadastre de 1822 figure assez nettement un pont dont l’existence est d’ailleurs attestée au XVIIIe siècle. En revanche, rien ne reliait à Coulonge avant les travaux réalisés dans le marais sous le second Empire. La construction d’un pont sur le nouveau canal permit alors de tracer une route qui coupa la propriété en deux, emportant au passage on ne sait trop quel petit édifice.

isle 1822

← en 1822 

 

      

en 1857 ↓

 

isle 1857

 

Avant les Joyaux, l’Isle était une MÉTAIRIE de CHÂTEAU-CHESNEL, reliée à Chazotte par une chaussée longeant l’Antenne. Pierre Collenot a publié un inventaire après décès de 1787 où l’on apprend qu’elle était tenue par un certain Jean Priolleau, « laboureur métayer », mais aussi que ses « bâtiments composaient anciennement le logis et maison noble de la seigneurie de l’Isle ». On trouvera d'autres indications sur la consistance de cette exploitation dans l'article sur les métairies.
Le même Pierre Collenot (grâces lui soient rendues) m’a en outre communiqué diverses pièces tirées du fonds Frétard, dont deux cartes (l’une n’étant probablement que le brouillon de l’autre) dressées en 1763 pour délimiter les domaines respectifs de Vaujompe et de Château-Chesnel dans la zone du marais. Voici le détail qui nous intéresse, où le logis, formé de deux bâtiments inégaux et accolés, apparaît sous le nom de « château de l’Isle ».

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Et voici un décalque partiel de la carte la plus précise. Le ris de la Gravelle semble avoir le tracé du Véron actuel. Celui-ci n’est pas représenté, non plus que le fossé du Roy d’ailleurs, car hors délimitation, mais on peut imaginer qu’il se jetait alors dans la « rivière de Mesnac » et que les travaux de 1857 ou d’autres, après lui avoir fait franchir cette rivière par en dessous, lui ont fait emprunter le cours de la Gravelle.

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Dans le chartrier de Château-Chesnel, la terre et le fief apparaissent uniquement aux mains des DEMONTIS ou des Montils (parfois « Démontier ») : Charles et Nicolas à l’époque de Charles Chesnel, c’est-à-dire entre 1583 et 1646 (pièces B2 et K 11) :

une expédition [copie] sur deux feuilles de grand parchemin d’un contrat d’échange passé entre Messire Charles Chesnel chevallier seigneur des châtelanies terres et seigneuries de Reaux, Chazotte et Ménac, et Charles Démontis écuyer sieur de l’Isle de Ménac le 26 juillet 1718 de certains droits seigneuriaux y spécifiés devant Brandy notaire royal.
un dénombrement sur papier commun du fief de l’Isle rendue par Nicolas Démontier a messire Charles Chesnel à cause de ses seigneuries de Ménac et Chazotte signée Démontier et André notaire royal en Saintonge, sans datte.

puis, après une saisie dont profita un La Rochefoucauld-Montendre (Y) – très peu de temps, apparemment – :

Enfin ma ditte dame nous a exhibé une sentence du siège de Cognac écritte sur 129 rolles de parchemin, portant adjudication par décret en faveur de M. de La Rochefoucauld seigneur de Montendre, de la terre et seigneurie de l’Isle et partie de Ménac, saisie sur la tête du sieur Démontis datée du 8 juillet 1645 signé Normand commis greffier, que nous avons aussi paraphée et cottée de la lettre Y

leur héritière Anne et son mari, Simon Gaillard, « conseiller du Roi et son procureur en l’élection de Saint-Jean d’Angély » : ce sont eux qui vendent cette terre à Josias Chesnel en 1655 pour 9 700 livres (N5 et K2) :

l’expédition en papier commun du dénombrement et hommage fourni par M. Simon Gaillard conseiller et procureur du Roy seigneur de l’Isle Ménac de son dit fief et seigneurie de l’Isle a messire Chesnel chevallier seigneur de Ménac et Chazotte à cause de ses dittes terres, dattée du 13 novembre 1649, signée Arnaud notaire royal héréditaire garde notte.

 plus un acte de vente consentie par Simon Gaillard conseiller du Roi et son procureur en l’élection de Saint-Jean d’Angély, seigneur de l’Isle de Ménac et demoiselle Anne Demontier sa femme a messire Izaac Chesnel chevallier seigneur de Réaux, Chateau Chesnel, Ménac, Chazotte, Ecoyeux et autres places, de tous les biens qui leur appartenoient en les paroisses de Ménac et circonvoisines, pour 9 700 livres, ledit acte écrit sur deux feuilles de parchemin dattée du 2 août 1655.


Les bulletins des Archives historiques d'Aunis et de Saintonge - AHSA - (1892, pages 46-48 et 1894, pages 153-155, et, pour la branche de la Vigerie, 1879, page 379) fournissent d’assez amples informations sur les Demontis ou Desmontis. Comme ces renseignements concordent approximativement, nous les reprendrons en un tableau, en y intégrant les indications données par la comtesse de Miossens dans son mémoire sur la généalogie des Puyrigault :

GEN demontisLes premiers Desmontis, et d’abord Nicolas mentionné en 1444, sont seigneurs de La Tour « en la paroisse de Saint-Sorlin de Seschaud » [Saint-Saturnin de Séchaud, devenu Port-d’Envaux en 1853]. Ils la tiennent en fait d’Eliette de Ransannes (AHSA 1887, p. 294). Se succèdent ainsi Nicolas, Emery, Guillaume et Antoine, qui épousa Louise, fille d’André de Puyrigaud, écuyer, seigneur de l’Isle, le 23 février 1521, laquelle testa le 10 février 1561. » (Leur fils Antoine, seigneur de la Vigerie, des Bruières, épousa, en 1566, sans doute une cousine, Renée Desmontils, fille de Jean, seigneur de la Bournadière,… et d’Anne de l’Isle).
Sont aussi mentionnés en 1620 Nicolas, sieur de la Coinche, et Charles, sieur de Lisle (ensemble chez le même notaire ; AHSA 1912, p. 290) ; en 1621 Marie de Montgaillard, « veuve de Charles Desmontils, écuyer, sieur de l’Isle » [celui de B21] ; en 1623, René Desmontils, sieur de l’Isle (AHSA VII, 1880, page 402) et en 1629, à nouveau, Nicolas, sieur de la Coinche (AHSA 1911, page 63). On trouve également trace (AHSA, 1879, p. 179) d’un Alexandre « Demontis », seigneur de Lisle, époux de Simonne Mauchen, possessionné en la paroisse de Chérac et mort entre 1640 et 1649, laissant un fils, Jacques, sieur de Villier, demeurant en la paroisse de Chérac et âgé de 51 ans en 1691.
Reste que nous avons un René et un Alexandre que nous n’attendions pas, et qu’il nous manque un Nicolas, ainsi qu’Anne, épouse du sieur Gaillard. René et Nicolas seraient-ils issus de Charles, et Anne d’un des deux ? Il est établi que Jean Gaillard, fils d’Anne et de Simon, était sieur de la Coinche en Chérac (AHSA 1916, page 71 ; 1882, p. 33) : elle descendrait donc des René et Nicolas de la Coinche qui figurent dans le tableau, et non de leur frère et oncle Charles. Celui-ci n’est pourtant pas resté sans descendance. Le mémoire de la comtesse de Miossens lui attribue quatre enfants :
- de son premier mariage, avec « feue Madeleine Audouin » : Madeleine, « femme de Jacques Cousin, écuyer, seigneur de Villars, y demeurant » (d’après des minutes de notaire de 1615, AHSA 1912, page 290). Son fils Jean Cousin épousa Catherine d’Authon.
-  du second : Jean-Gaston, seigneur de la Groix, capitaine au régiment de Piémont ; Charles, seigneur de la Sansonnerie, qui épousa Nicole de Laste de Bouchères et qui, selon les mêmes minutes, résidait « à Lisle Mesnac » en 1632 ; Seguin, époux de Jaquette Geofroy, et Gabrielle, morte sans descendance. Les minutes ajoutent encore, à l’année 1640, une Catherine…
Il faut donc supposer que, en 1620 par exemple, Charles et Nicolas de la Coinche ont conclu un accord qui transmettait l’Isle d’une branche à l’autre, moyennant peut-être certains arrangements, tel celui qui permit à Charles de la Sansonnerie d’y résider… Ne demeurerait alors inconnu que le René de 1623 : était-ce le père de Nicolas, ou un frère ?


♦ Certains Démontis au moins étaient réformés. C’est en particulier le cas de Claude, seigneur de la Tour (et d’Orlac, au moins en 1578) et gouverneur de Taillebourg, qui fut condamné à mort par contumace par le Parlement de Bordeaux en 1569 – en même temps, dit le jugement, que son frère « Chatellier Portault, dict Latour, soy disant admiral des rebelles ez pais d’Aulnis et des Isles, en Xainctonge » – mais c’est une erreur, due sans toute à la profusion des Latour : l’amiral – ou vice-amiral des flottes de La Rochelle (1568) selon la biographie écrite par un de ses descendants, le comte de la Boutetière – s’appelait Honorat Prévost, seigneur de Chatellier-Portault (Mouilleron-en-Pareds). En tout cas, Claude survécut !

(Aymard figurait en 1560, sous le nom d'"Eymard Desmontys" et à côté d'un Chesnel, d'un Authon, etc. , à la montre de Saint-Jean d'Angély parmi les hommes d'armes du sieur de Burie (SAHSA 1879, p. 150). Est-ce le même qui, cette fois sous le nom de "L'Isle-Ménac", est mentionné par Agrippa d'Aubigné dans son Histoire universelle (tome VIII, pages 270-271) ? "L'Isle-Menac estant logé sur le chemin et y posant des sentinelles, prit un espion par lequel il aprit et avertit Masta, comme aussi Masta Sainct-Maigrin, que le Duc de Joyeuse venoit d'arriver à Monteils." Apparemment le parti protestant fut mis en déroute et, après une "harquebusade", "... ce qui se sauva, rallié à L'Isle-Menac, gagna un bois auprès de Monbeton". Ces événements se déroulaient entre 1586 et 1593 et sans doute plus précisément en 1587, de sorte qu'il peut bien s'agir de Charles, né vers 1560.


Jean-Marie Ouvrard qui cite un Antoine « de Montis », seigneur de l’Isle en 1599, donne aussi le blason (assez étrange) de la famille : “d'argent à trois roues de gueules, à un rasoir d'or emmanché de sable, en cœur”. Une variante dans Colbert de Croissy, État du Poitou sous Louis XIV : « Bazoges-en-Pareds – Des Montils, Charles, sr de la Groix, maintenu noble par sentence du 20 décembre 1667, porte : d’argent à trois roses de gueules au rasoir d’or emmanché de sable, en sautoir. »


Quant à Simon Gaillard, Beauchet-Filleau lui consacre une notice, lui attribuant deux filles : Marie, qui épousa en 1671 Pierre de Montalembert, seigneur de Mongaugé, ou Montjaugé, en Chérac et de Fontenille [cf. J.-M. Ouvrard, branche de Saint-Simon & AHSA III, 1882, page 33] ; et Louise, entrée au monastère bénédictin de La Mothe-Saint-Héray en 1654 – la Revue poitevine et saintongeaise de 1892 (tome IX, p. 355) raconte comment elle s’évada de ce monastère en 1659, puis y rentra… en 1703. Le bulletin des AHSA de 1892 donne l’acte de baptême d’un fils, Alexis, en 1654, à l’église d’Ozillac (parrain : Alexis de Sainte-Maure, marquis de Jonzac ; marraine : Louise de Bremond). Celui de 1916 (page 171-172) nous fait part du mariage en 1684 de « noble Jean Gaillard, sieur de la Coinche, docteur-ès-loix, avocat au Parlement de Paris et siège royal de Cognac, y demeurant, paroisse Saint-Léger, fils de feu Simon Gaillard, conseiller, procureur du roi en l’Election de Saint-Jean d’Angély, et de Anne Desmontis, à présent remariée à Adam Damais, conseiller du roi, receveur en son domaine de la chatellenie de Cognac et Merpin », avec la fille d’un échevin de Saintes, Elisabeth Tourneur, demeurant dans la paroisse Saint-Michel dont il va bientôt être question.
Cependant, le bulletin de 1884 (pages 363 et suivantes) fait état d’un premier mariage de Simon, avec Elisabeth Payen, dont était issu Pierre – de beaucoup l’aîné d’Alexis puisque marié en 1654 à Jacquette, fille de Jacques Pelluchon des Touches, échevin de Cognac – qui devait devenir à son tour conseiller et procureur du roi en l’élection de Saint-Jean d’Angély. Pierre Gaillard entra en procès avec son beau-père à propos de sa propre dot : justement cette charge de conseiller, procurée par Simon mais ensuite supprimée. Elle finit par être rétablie mais, entre-temps, Simon avait dédommagé son fils en lui donnant une maison, sise rue des Trois-Marchands à Cognac et acquise du seigneur de Léclopart…
L’homme était donc à l’aise. En 1644, à la mort d’Isabelle Payen, il l’avait fait enterrer dans le chœur de l’église Saint-Michel, à Saintes et obtenu « de faire mettre… une inscription (sur la tombe) pour servir cy après de sépulture à luy et ses enfans descendans qui y voudront estre enterrés » ; sans oublier de fonder quatre messes annuelles (RAHSA 1912, pages 175-177).
Son remariage intervint donc entre 1644 et 1649, date de l’hommage que nous reproduirons ci-après. Cela exclut qu’Anne ait été fille d’Alexandre de l’Isle et de Simone Mauchen, ce qui la ferait naître au plus tôt en 1639. Une sœur d’Alexandre, alors ?


Les PUYRIGAULT : en définitive, la seule preuve que nous ayons de la présence des Puyrigault à l’Isle est une référence partiellement erronée (AHSA 1894, page 153) : « Antoine Desmontils, écuyer, seigneur de La Tour, fut marié à Louise-Catherine Chauvin, veuve d’André de Puirigaud, écuyer, seigneur de l’Isle, le 23 février 1521… ». Il semble plus probable qu’Antoine ait épousé Louise, fille et héritière d’André et de Catherine Chauvin, comme l’écrit la comtesse de Miossens. En revanche, celle-ci se trompe certainement quand elle ne fait remonter la seigneurie de l’Isle qu’au seul Antoine Desmontis. Il y a fort à parier que chaque indication soit à corriger par l’autre et l’on peut dès lors supposer un partage de la seigneurie de Chazotte entre les trois fils de Pierre de Puyrigault : à Jean Chazotte (en attendant qu’il achète Mesnac) ; à Guyot le Courtis ; à Pierre l’Isle. Soit :

gen puyrig isle

Ce qui ferait remonter cette petite seigneurie, comme celle du Courtis, aux années 1470, ou, encore plus vraisemblablement, compte tenu du territoire qu'elle occupait, aux années 1490, après l'achat de la seigneurie de Mesnac… Le démembrement n’étant réparé qu’en 1655. Et c’est probablement pendant que cette seigneurie était relativement autonome que fut constituée, aux portes de Vignolle, la « métairie de l’Isle » qui semble usurper le nom du fief dans la carte de 1857 (voir le dossier "Métairies") mais aussi dans cette carte dite du Solençon, même si la position – comme parfois le nom – de bien des hameaux y apparaît contestable :

isle mtairie

En tout cas les deux apparaissent sur la carte de Cassini :

image019


...et on va la voir figurer au dénombrement qui suit.

LA SEIGNEURIE DE L’ISLE-MENAC


Quelle était sa consistance exacte ? Le dénombrement fourni par Simon Gaillard en 1649 permet d’avoir une idée plus ou moins précise de son étendue au moment même où elle va disparaître. Voici, grâce à Pierre Collenot, ce texte  :


13 septembre 1649
hommage du fief de lisle mouvant de la seigneurie de Chassote en Mesnac


Sachent tous que Je / noble homme Simon Gaillard / conseiller & procureur du roy en l'eslection de sainct Jean d'Angely / seigneur de lisle mesnac / tient et advouhe tenir de haut et puissant Mre       Chesnel / chevallier / seigneur de Reau / Mesnac / Chazotte et autres places à cauze de ses seigneuries de Mesnac & Chazotte à foy et hommage et au debvoir de            à mutation de vassal /

est assavoir en premier lieu mon hostel / maison et herbegemant noble de ma dicte seigneurie de lisle Mesnac aveq droict de pont levis et toutes autres fortiffications / fuye / garenne / deffens / chasse / eaux / pescheries et autres appartenances & despendances / le tout se joignant soubz les confrontations quy s'ensuivent.

Premièrement (A) Je tient d'ung chef & a prandre des le millieu du cours d'eau de la rivière de lentaine quy dessend des moullins de Vergnées & au droit le jardrin de Mre Jean Brandy / notaire royal (1) / tirant le long du fossé et eau qui dessend de la dicte rivière jusqu'au lieu appellé la fosse blanche (2) & de la dicte fosse blanche dessendant le long du cours d'eau jusque au lieu appellé la Gravelle (3) & dudict lieu de la Gravelle dessendant aussy le long du cours d'eau jusque aux vergnées du sieur de Collonges (4) & des dictes vergnées dessendant aussy le long du cours d'eau quy faict séparation des parroisses du dict Mesnac et Sainct Sulpice (5) jusque à autre vergnée du dict sieur de Collonges (6) & destournant des dictes vergnées de Collonges au ruisseau de la met (7) quy demeure au presan desnombrement et adveu comme appartenant tout à la dicte seigneurie de lisle & du dict ruisseau de la met tirant jusque au ruisseau Sablon (8) / dessendant le long du dict ruisseau Sablon jusque au ruisseau quy dessend de Collonges à Chazotte (9) & du dict ruisseau tirant en droicte ligne jusque au ruisseau de Loeuillaud (10) et du dict ruisseau montant jusque au pré Rond (11) & montant encore le long du dict pré Rond jusque à la dicte rivière de lentaine jusque au droict du susdit jardrin de Brandy / première [f. 2]confrontation

et demeurent englobés en les susd. confrontations la grand fenestre (12) de la seigneurie de lisle et mothe du pin perdu (13),

plus une vergnée appellée le bois des pommiers (14)/

plus (B) lentien jardin de la dicte maison seigneurie de lisle renfermée de muraille sittuée devant le susdict logis noble / la dicte rivière de lentaine entre deux / et comme aussy la fuye du dict lieu joignant au dict jardrin / ensemble certaine place vaque et quereux de lad. fuye aussy / le tout se joignant et confrontant le bout du costé vers midy au chemain par lequel on va & vient du dict logis noble de lisle au bourg du dict Mesnac & aux maisons de françois briand, Jean brandy & auger / d'autre costé vers septentrion au chemin qui dessend de l'églize du dict lieu chez brandy notaire / du bout vers soleil levant à autre chemain par lequel on va et vient de la dicte eglize au quanton du poteau (1) et d'autre bout vers soleil couchant les jardrins confrontant à autre jardrin du dict brandy notaire / la dicte place vaque et quereux de la dicte fuye à la dicte rivière de lentaine /

plus (C) deux maisons avec leurs appartenances de jardrins et autres quelconques situées au dict bourg de mesnac confrontant le tout d'une part au chemain par lequel on va et vient du quanton du poteau audict logis noble de lisle / d'autre part à la maison de Jean bossay et au jardrin des hoirs feu Renaud pommier et autres / et d'autre part vers soleil couchant au jardrin de jean chapt /

plus (D) la mestairie de la dicte seigneurie de lisle et autres terres / vergnées et autres héritages tenus tant à l'agrier complant que arante de la dicte seigneurie de lisle / englobé le tout soubz les confrontations qui s'ensuivent/

Premièrement (E) a prendre au pont du Véron (1) des le chemain par lequel on va et vient de cougnac à matha (2) tirant du chemain [f. 3] et montant vers soleil levant le long du fossé (3) qui faict séparation des provinces d'angoumois et de xainctonge jusques au pré des Timbes autremant le bois de cougnac (4) et retournant du dict lieu jusque à un coing dudict bourg montant en hault jusque au communault / prés et chaulme des combes (5) et dudit lieu tirant jusque au chemain par lequel on va et vient de Tors à cougnac (6) et retournant à main droite le long du dict chemain jusque au coing du fief de vigne (7) de la dicte seigneurie de lisle qui demeure comprise en lesd. confrontation et adveu / et du susd. lieu dessendant vers soleil couchant le long du jardrin et héritages de la dicte damoizelle de Vignolle (8) jusqu'au chemain par lequel on va et vient dud. bourg de mesnac audict lieu de Vignolle (9) et caurefour des chemains le long d'un conversin de terre / tirant jusque à un autre conversin qui mont vers soleil levant et joignant à autre terre tenue de mondict seigneur de réaux jusqu'au chemain de Tors à cougnac (6) / tirant le long dudict chemain jusqu'au pré des fraignées (10) et le long du susd. pré jusque à un coing qui tourne vers midy jusque au pré et terres de mondict seigneur (11) et le long diceux dessendant jusque au susdict chemain de cougnac à matha (2) et le long dudict chemain jusqu'aux susd. prés du veron (1 bis) première confrontation /

plus (F) une pièce de terre appellée le petit pré / autremant [lesseris] / renfermée de toutes pars de pallisses / fossés et chemains / prés et buissons / le tout se joignant /

plus (G) une autre pièce de terre labourable appellée la sansonnerye au bout du susdit chemain entre deux confrontant d'une part au susdit chemain entre deux de la susdicte tirant le long d'icelluy jusque au pré de [Brecheneaud] et retournant [f. 4] le long d'icelluy jusque aux terres de franç hugues et autres suivant le long desd. terres jusque au susdict chemain de cougnac à tors (6) et tirant le long dudict chemain jusque à la susd. première confrontation /

plus (H) une pièce de pré appellé le pré Vidaud renfermé de palisses et fossés et abouttant d'ung bout au susd. chemain de cougnac à tors / d'autre bout à la rivière de lentaine et d'une part à autre héritage que je tiens de mon dict seigneur /

plus (I) une autre pièce de terre labourable appellée le champ des jardrins / le tout renfermé de palisses fossés et chemains /

plus (J) six loppins de terre au lieu appellé le mas des groux contenant environ quatre-vingts seillons / & plus partie en compois /

plus (K) trois loppins ? de pré sittués au pré des Touches / parroisse du dict mesnac / la première confrontant d'un costé au pré de pierre blois / d'autre a iceluy de jean ripoche / d'un bout au fossé du roy / le second tient d'un costé au pré de Vivien hergonnaud et d'ung bout au susdit fossé du roy / la troisième confrontant d'ung costé au pré de la mestairie de Vignolle et d'autre costé et d'ung bout aux terres de Jean cocuaud /

plus (L) une autre loppin de pré au lieu appellé la grande et petitte Isle de Vignolle (1) / ung fossé entre deux / confront d'ung bout au buisson de Lenclauze (2) et d'autre bout aux terres du dict hergonnaud et d'un chef au pré du dict blois /

plus (M) ung journaud de pré appellé le pré de la sansonnerye tenu et posseddé par franç. hugues /

plus (N) une autre pièce de terre en la Vallée des queux tenue et posseddée par Jullien Boucher /

plus (O) un loppin de bois appellé la mothe à Vinet tenue et possédée par le dict brandy notaire royal /

plus (P) un pré et bois appellé la boutique tenue par les Hulliers du seurre /

plus (Q) un bois quy est au bois [bord ?] du ris de la met (A7) tenue par les roux de collonges et autres lieux / parsonniers /

plus (R) une pièce de terre des jonchères tenue par jean benest à cause du fils et feu françois achat /

plus (S) une pièce de terre et buissons sittué au lieu de la sansonnerye / tenue par les guineber du pont de sainct sulpice /

plus (T) une pièce de terre au Veron tenue par Thoisnet Texandier de pin perdu /

plus (U) pour les rantes de Jamet Lauraux et Iaurejac quy me peuvent estre deues à cause de ma dicte seigneurie et autres en despendant générallement /

le tout noblemant aveg droict d'agrière rante loz ventes et honneurs sur mes subjets et autres droicts cy dessus spéciffiés ou non / Laquelle seigneurie de lisle avec toutes les choses cy dessus dictes / Je le dict Gaillard ay/ tiens et advouhe tenir et advoue deus audict seigneur de Reaux à foy et hommage au susd debvoir et susd debvoirit à faire lesd foy sermant de féauté et payer lesd debvoirs à muance de vassal comme dessus est dict / suppliant mon dict seigneur que sil plaist ou vienne à sa notion que je tienne plus à cauze de ma dicte seigneurie de lisle que luy plaise men avertir & informer et cy tost que sera venu à ma congnoissance je suis prest et offre d'acroistre / mettre ou adjouster à mon dict adveu et d'icelluy distraire/ oster et diminuer la ou il se trouvera que jaye plus mis et employé que je ne debvois....


confron1Premier constat : le "noyau" de la seigneurie englobait, de l'autre côté de l'Antenne, le terrain (B) sur lequel l'amiral d'Orvilliers a bâti vers 1770-80 son hôtel (l'actuel "château"). Il y avait eu là un jardin, probablement laissé en déshérence, et il y restait le pigeonnier, la "fuye", ainsi qu'une maison, tout le reste étant terrain vague ou "quéreux", ce qui revient à peu près au même ( ("Quéreux : issues, terrain vague.... qui se trouve entre les habitations et leurs dépendances, cour non fermée", glose Musset). Le jardin de (Jean) Brandy (A1), notaire royal dont il sera plusieurs fois question, se trouvait forcément à l'ouest de l'église, en contrebas, mais le notaire semble aussi avoir eu une maison à l'est du bourg. Quant au "canton du poteau" ("un gros pieu de bois fiché en terre de bout, où l’on attache un carcan dans un carrefour" (Encyclopédie) : en ville, ce serait la place du pilori) (B1), au croisement des chemins de l'église et de l'Isle, on ne peut que l'identifier à la petite place triangulaire où se trouvent aujourd'hui le panneau d'informations municipales et l'abri-bus.

Du côté du marais, on part au nord de la Fosse blanche (A2), qui servait encore de lavoir dans mon enfance, et du jardin de Me Brandy (A1), plus difficile à situer, pour aller jusqu'au "ruisseau qui descend de Collonges à Chazotte" (A9), lequel figure sur le croquis de 1763 - son tracé rectiligne dénonce probablement une "vaine" - tout comme les vergnées du seigneur de Coulonge (A4 et 6) et la "grand fenestre", (A12) qui est une coupe dans la forêt, où l'on tend des filets ou des pièges pour prendre les oiseaux (cependant, l'emplacement de cette fenestre est mal désigné, il semble se confondre - en tout ou en partie ? - avec le cours de la Gravelle).
Il existe encore au cadastre des pièces dénommées Gravelle, Oeillaud ou Euliaud, Sablon, pré Rond et bois Pommier (A 3, 8, 10, 11 et 14). L'incertitude est forte en revanche quant aux "ris". Certains ont pu disparaître, et les dénominations pouvaient ne pas s'appliquer toujours à des bras différents : il arrivait qu'elles désignent des portions seulement d'un même "ruisseau". On sait toutefois que le ris de la Met coupait par moitié la pièce aujourd'hui cadastrée sous le nom de "Gravelle" ,  et il est possible que le ris Sablon soit le ruisseau encerclant le bois Pommier (voir la carte à la fin de l'article sur le  Marais)

D'autre part, on peut s'interroger sur la mention, dans cette confrontation, de la "mothe de pin-perdu" : plutôt que du point culminant de Mesnac (30 m !), ne s'agit-il pas d'un pré entouré de fossés ?
Accessoirement, on trouve confirmation que "Pommier", dans "bois Pommier", est un nom de famille (cf. la mention des héritiers de Renaud Pommier en C). La même explication ne vaut sûrement pas pour le "pré Rond", qu'on trouvera ailleurs orthographié "Rong", mais là, compte tenu de la forme de cette pièce, on peut se demander s'il ne s'agit pas d'une désignation par antiphrase.

(à suivre)